Cela fait plusieurs mois que cette loi déposée par le gouvernement du Premier ministre Shinzo Abe suscite la polémique au Japon. Tokyo a même été marqué, ce mercredi, par une manifestation. Ce texte vise à assurer un contrôle systématique des informations sensibles, dans la perspective de la création du Conseil national de sécurité, équivalent japonais de la National Security Act américain.
Sur son site internet, la Fédération japonaise des associations d’avocats dénonce la possibilité offerte au gouvernement de classer de manière arbitraire "toute information qu’il jugerait sensible pour la sécurité nationale".
L’Association japonaise des éditeurs de journaux critique quant à elle des peines maximales jugées trop sévères en cas de fuites, et l’atteinte que cela entraîne à la liberté de la presse. "On ne peut pas dire que toutes nos inquiétudes ont été dissipées", a-t-elle réagi dans un communiqué.
Le Cabinet japonais se veut toutefois rassurant, expliquant avoir mis en place des directives afin de "classer la quantité minimum d’informations comme secrètes pour la plus courte période possible".
"En appliquant la loi de manière pratique et convenable, en expliquant comment elle est mise en place, et en rendant des comptes devant le Parlement et le public, le gouvernement prévoit de montrer de manière claire que le droit des citoyens à savoir ne sera pas empiété", a réagi le Secrétaire en chef adjoint du cabinet, Hiroshige Seko.
Une étude publiée en début de semaine par l’agence Kyodo News révélait pourtant qu’au moins 460 000 documents vont, avec l’entrée en vigueur de la loi, être classés comme "secrets d’État".
Renforcer les liens avec les alliés
Après le vote en urgence du texte l’an dernier à la Diète, le Japon avait chuté de six places pour atteindre le 59e rang sur 180 dans le classement 2014 de Reporters sans frontières sur la liberté de la presse, qui dénonce "une atteinte sans précédent au droit à l’information".
Pour le Premier ministre Shinzo Abe, cette loi doit servir de moyen pour favoriser les échanges d’informations sensibles entre le Japon et les pays alliés, en particulier les États-Unis. "Nous pouvons désormais échanger avec des pays étrangers des informations nécessaires pour protéger notre pays et ses habitants", s’est réjoui Hiroshige Seko.
Pour atteindre cet objectif, elle renforce l’emprise du gouvernement sur des informations liées à la sécurité nationale en étendant la possibilité pour ce dernier de classer "secrets d’Etat" toute information jugée sensible.
Au total, 55 catégories sont concernées dans des domaines larges tels que la défense, la diplomatie, le contre-espionnage et la lutte antiterroriste. Des rubriques génériques à la portée floue, tandis que les critères restent imprécis et les modalités de contrôle extérieur encore indéfinies.
Les opposants à la loi craignent notamment de voir les agences gouvernementales abuser de leurs prérogatives en classifiant, par exemple, des informations liées à la sécurité des centrales nucléaires ou à la propagation de la contamination radioactive sous couvert de lutte contre le terrorisme.
Une information peut par ailleurs rester secrète pour une période de cinq ans renouvelable. Pour une extension au-delà de trente ans, un vote du cabinet est nécessaire.
Dix ans de prison
La nouvelle loi instaure également des peines allant jusqu’à 10 ans de prison pour les fonctionnaires qui révéleraient des données classées, et jusqu’à cinq ans pour ceux qui encourageraient les fuites, y compris les journalistes.
De plus, tout acte visant à identifier et à enquêter sur ces secrets d’État sera considéré comme une infraction à la loi car il sera jugé comme une incitation à la fuite d’informations.
Un dernier point particulièrement inquiétant, car cette loi serait susceptible de brider les médias et pourrait constituer une violation du droit du peuple japonais à la transparence.