« Le journalisme est mal vu… Par amalgame tout le monde finit par être pris par le même jugement qui est que nous sommes de connivence avec les puissants, nous sommes une région de la classe dirigeante… Donc le journal doit être un contre-pouvoir. »
Laurent Joffrin nous avait prévenus lors de son coup d’État à Libé. On allait voir ce qu’on allait voir, le pouvoir allait trembler. Le 23 juillet, à l’image de Canal+ avec son doc sur les réseaux Dieudonné diffusé en juin, Libé sort un dossier de six pages intitulé « Les nouveaux antisémites ». À l’intérieur, rien de nouveau. La propagande habituelle, la dénonciation de l’antisionisme sous couvert d’antisémitisme, euh non, de l’antisémitisme sous couvert d’anti-israélisme, dénonciation qui a eu les résultats que l’on sait, par exemple avec Le Pen : une montée en flèche. Quand est-ce que les relais de la propagande comprendront qu’ils s’enfoncent ?
- Treeemblez, puissants !
Dénoncer c’est buzzer
La méthode Libé est contre-productive, c’est le moins qu’on puisse dire. Dans cette tentative de s’inscrire du bon côté de la matraque vallsienne, le dossier du quotidien rappelle étrangement le Complément d’enquête de feu Benoît Duquesne consacré à la galaxie Dieudonné, le 19 décembre 2013. Finalement, que ce soit Lundi investigation, Complément d’enquête ou Libé, c’est toujours le même sujet : l’axe Dieudonné/Soral, qui possède probablement la bombe atomique (iranienne), est devenu l’obsession des pools d’investigation des médias dominants. Une excellente publicité, par ailleurs. Car dénoncer, c’est buzzer !
Mais le plus drôle, pour nos confrères – malgré tout – de Libération, c’est que le contre-pouvoir prôné par Joffrin, censé sauver le journal, afin d’éviter d’être amalgamé aux « puissants », finit du côté de la paire Jakubowicz/Valls. Le dossier Libé est le déroulé du discours du ministre de l’Intérieur chez Maïtena Biraben le 2 février 2014 sur Canal+, ou dans le magazine Des paroles et des actes sur France 2 quatre jours plus tard. Il faudrait expliquer à Joffrin et à la rédaction de Libé que pour faire contre-pouvoir, ou contrepoids, il faut s’y prendre un peu autrement : en prenant le parti des faibles, des montrés du doigt, des victimes du pouvoir, justement. Et là, comme par magie, on redevient ou on devient populaire, comme E&R !
Mais il ne faut surtout pas servir le plat mille fois réchauffé, limite carbonisé, du discours dominant produit par l’axe LICRA/Intérieur. C’est politiquement perdant, journalistiquement déshonorant, et humainement désolant.
Prendre le parti des puissants, histoire de toucher quelques subventions, ça s’appelle de la prostitution. Déontologiquement, c’est interdit. Et assimilable aux « ménages » des journalistes célèbres, qui vont par exemple vanter tel ou tel produit pour une grande marque devant les cadres de l’entreprise réunis : on y gagne beaucoup d’argent, mais on y laisse sa crédibilité, n’est-ce pas, madame Ockrent. Eh bien Libé fait pareil : des « ménages » avec le pouvoir. Ou un ménage, c’est encore plus simple. Par contre, savoir qui attrape qui… On a notre petite idée, mais on ne touche pas à la vie intime des journaux qui couchent avec le pouvoir. Après tout, le plaisir sexuel est un droit, c’est la presse féminine qui le dit. Et dans ce domaine, Libé est précurseur. C’est quand même le journal qui a défendu la pédophilie. Bon allez on arrête, taper sur Libé est devenu trop facile, pour nous ce n’est pas du plaisir, et la facilité rend médiocre. On a une pensée pour la moitié des 200 journalistes et employés qui ne pensent pas tous comme Joffrin/Valls/Jakubowicz, et qui ne méritent pas l’opprobre. Pour eux, ça doit être doublement dur. La soumission, ou le chômage.
- Alain, ministre de la Justice,
et son stagiaire, Manu
Toi aussi dénonce les dissidents pour toucher des subventions
C’était le boulot des collaborateurs de la Kommandantur, de sinistre mémoire. Dans la nouvelle discipline « dénonciation de dissidents », agréée par notre CIO national qu’est la LICRA, avec la bienveillance du ministère de l’Intérieur, la lutte est rude entre les couples Albertini/Le Devin pour Libé, Mestre/Monnot pour Le Monde, et Bouchaud/Mesmin pour Canal+. Tous se démènent pour dénoncer la paire Soral/Dieudonné le plus efficacement, avec encore plus de preuves sulfureuses, de relations souterraines et de témoignages diaboliques. On y croise en pagaille les mots désormais habituels, qui perdent hélas leur sens, comme nos tomates leur vrai goût d’autrefois : « nauséabond », « réseau », « haine », « antisémitisme », « nazis », « brune », « obscur », « Jihad », « haine », « occulte », les combinaisons entre ces termes étant non seulement permises, mais vivement encouragées. Par exemple : « le réseau obscur de la haine brune des antisémites nazis nauséabonds ». Un logiciel mélangeur permettrait aux couples d’investigateurs susnommés de ne plus creuser trop profond dans leurs méninges pour relancer l’intérêt de leurs papiers usés. La technologie au service de la chasse aux maquisards. On ne rappellera pas ici comment ont fini les collabos entre 44 et 47. Mais c’était moche.
Revenons quand même sur les six pages « nauséabondes » du journal. Au menu des « réseaux de la haine », Dieudonné et Soral constituent le plat de résistance, après les entrées que sont les « propalestiniens radicaux » et les « suprémacistes africains ». En guise de mezze, les « excités » du Collectif cheikh Yassine, qui voisinent avec « l’agent iranien » Yahia Gouasmi, tandis que Cyrille Kamdem, ancien garde du corps de Kemi Seba, « a fait ou ferait partie d’une émanation française de Nation of Islam ». On admire la formule factuelle, entre le « ou », le conditionnel, et l’« émanation ». Du grand journalisme.
« L’un, Dieudonné, parle assis derrière son bureau ; l’autre, Alain Soral, calé dans un divan rouge. Le ton est farceur chez le premier, “humoriste” en dérapage permanent ; pédant chez le second, pseudo-intellectuel farci de complotisme. Dans les vidéos qu’ils diffusent sur Internet, ils développent la vision paranoïaque d’un monde rongé par le sionisme – soit, au-delà de la question palestinienne, un projet global de domination juive sur les sociétés occidentales. Politiques, médias, finance (lire page 4-5), rien n’échapperait à cette emprise occulte. »
Raaah, toujours ce conditionnel, qui fait douter de l’information en particulier et de l’enquête en général. À part ça, pourquoi ajouter « paranoïaque » à « vision d’une monde rongé par le sionisme » ? C’était bien, pourtant. Paranoïaque, ça fiche tout en l’air ! On imagine un petit rongeur qui grignote la terre… de Palestine, ou la terre de France… On aimerait bien que ce terme dévalorisant soit aussi employé pour Bibi Netanyahu et son ministre des Affaires étrangères, Avigdor le mégadingue, qu’il n’y ait pas deux poids deux mesures.
Poursuivons l’étude de texte : on en est au chapitre intitulé « Dieudonné et Soral, les PME de la haine ». Ça jaillit de partout ! De la haine, les journalistes de Libé en ont à revendre, on dirait. Sauf que personne n’achète.
« Pour rendre leur message plus acceptable, les deux hommes se disent “antisionistes”. Un vernis qui explique leur popularité dans certains milieux d’extrême gauche, et chez une minorité des manifestants propalestiniens qui ont défilé à Paris et à Sarcelles le week-end dernier. Dans une atmosphère chauffée à blanc par la violente offensive d’Israël contre Gaza, les reporters de Libération ont constaté les “quenelles”, les cris “Mort aux juifs”, les appels à viser les synagogues. »
Donc grâce aux témoignages des reporters du journal, on peut dire que Soral et Dieudonné sont à l’origine de cette Journée de Cristal (à Sarcelles et Paris). Cette mise en relation forcée rappelle les délires qui rendaient Dieudonné responsable du crime de Fofana, rétroactivement.
- Ce qui reste de Sarcelles après le passage des manifestants
« Sous couvert d’antisionisme, Dieudonné et Soral compilent en réalité toutes les traditions de l’antisémitisme pour les restituer sous une forme accessible à un public jeune, dépolitisé et pourtant à la recherche d’une grille de lecture dans un monde devenu incompréhensible. À cela s’ajoute, pour Dieudonné, une victimologie renforcée par l’interdiction de l’un de ses spectacles en janvier 2014. Opprobre qui entretient son aura auprès d’un public-cible qui se vit lui-même comme la victime des pouvoirs publics. Dans la roue de Dieudonné et Soral s’est organisé une communauté d’alliés : les dessinateurs Zéon et “Joe le Corbeau”, le blogueur Salim Laïbi, l’ex-député belge Laurent Louis, les membres de l’association soralienne Égalité et Réconciliation… et les nombreux fans qui commentent et diffusent leurs propos sur les réseaux sociaux. »
Outre la grosse faute d’orthographe (les SR [1] font semble-t-il partie de la charrette des 50 premier condamnés par le nouvel investisseur), nous nous indignons avec la plus extrême vigueur contre la contre-vérité (avec la voix de Georges Marchais) qui assimile les lecteurs d’E&R à un public jeune et dépolitisé. Non seulement c’est le public de Libé qui est dépolitisé, avec des analyses aussi sottes, mais quand on produit un « indigest » culturel émanant du ministère de l’Intérieur, on ne donne pas de leçons. Où l’on comprend en filigrane que le public traditionnel de Libé est en train de s’évader chez E&R… Tout cela ne serait donc qu’une bagarre marketing pour conserver ses derniers consommateurs ? Eh oui, souvent les grandes joutes éditoriales cachent de misérables calculs comptables. Libé a perdu la jeunesse – s’il l’a jamais possédée, à part peut-être à l’époque pédophile (facile) – qui découvre chez E&R une grille de lecture qui ne prend pas le lecteur pour un âne. C’est le cœur du problème.
- Jeunesse pure menacée par le péril juif
(affiche antisémite des années 2030, pardon, 1930)
Ne parlons même pas d’une « certaine jeunesse » des banlieues, comme l’appelle avec mépris ce grand bourgeois imbitable de Joffrin (on a toujours l’impression qu’il mâchouille un noyau de chewing-gum quand il parle, peut-être les subventions de l’Intérieur, difficiles à avaler), celle-ci est perdue à jamais pour le titre. Vous avez déjà vu un habitant des quartiers lire Libé, vous ? C’est la grande faillite de ce journal, avoir perdu les pauvres, les sans-grade, les banlieues, les Français d’origine immigrée. Qui ne sont pas tous pauvres et sans-grade, mais c’était pour rappeler les troupes traditionnelles de la gauche, abandonnées par la gauche… et adoptées ailleurs. On admire avec une pointe de jalousie l’édito de Joffrin, dont voici l’envolée lyrique finale :
« Au cœur de la République, après de décennies de pédagogie et d’appel à la mémoire, les préjugés les plus dangereux trouvent une nouvelle et glaçante incarnation. La faute n’en revient pas seulement à quelques gourous désaxés à la Soral. Une société fracturée où les élites économiques vivent dans un autre monde et où des politiques irresponsables agitent comme une torche leur obsession identitaire est également coupable. »
On a laissé la faute de SR. Attention, jeune lecteur dépolitisé hypnotisé par un gourou fou qui casse les vitrines de Sarcelles par la Pensée : ici, les termes « pédagogie » et « appel à la mémoire » doivent être compris dans leur acception de « propagande ». Il manque juste deux mots, sûrement une faute d’étourderie : « pédagogie sioniste » et « appel à la mémoire de la Shoah ». Comme ça c’est plus clair, n’est-ce pas ?
Ce bon vieux juge de Joffrin exempte Soral d’une partie des crimes qu’on lui impute. Le gourou n’est donc pas totalement coupable de la Journée de Cristal du 13 juillet 2014. Ouf. En vérité c’est la faute à Le Pen (l’obsédé identitaire) et aux élites économiques, hum, qui, kof kof, sont les investisseurs de Libé, Laurent. Ouh ouh, Laurent, réveil !