Un accord sur un troisième plan d’aide à 85 milliards d’euros vient d’être trouvé entre la Grèce et ses partenaires européens. L’ancien président de la Commission européenne Romano Prodi le qualifie de « blitz allemand ». Le décryptage de Jacques Sapir.
Le Figaro : Berlin insiste sur « la stricte conditionnalité » du prêt grec. Le ministre des Finances Wolfgang Schäuble souhaite que l’accord contienne « un plan budgétaire et de financement ambitieux, une stratégie de privatisation crédible et une réforme des retraites durable ». De facto, la politique grecque est décidée à Berlin ?
Jacques Sapir : L’accord auquel la Grèce et ses créanciers semblent être arrivé aujourd’hui, après de longues négociations est un mauvais accord. Le texte, qui est la conclusion logique du diktat imposé le 13 juillet 2015 va accroître l’austérité dans un pays dont l’économie est en chute libre depuis les manœuvres de la Banque centrale européenne à partir du 26 juin dernier. L’accroissement des prélèvements fiscaux est un non-sens dans une économie en récession. Tout le monde le sait, que ce soit le gouvernement grec ou ses créanciers. Pourtant ces derniers persévèrent dans l’erreur. Pourquoi ?
On pointe la responsabilité de l’Allemagne, qui entend lier cet accord à une stricte conditionnalité et qui, de plus, entend imposer non seulement une importante réforme des retraites à Athènes, alors que ces mêmes retraites jouent le rôle d’amortisseur à la crise dans un pays où les transferts intergénérationnels remplacent des allocations chômage désormais très faibles, mais veut encore imposer de larges privatisations. Cela permettrait aux entreprises allemandes, qui sont loin d’être blanc-bleu sur la Grèce (la filiale grec de Siemens est au cœur d’un immense scandale fiscal) de continuer une liste d’achat à bon marché. Cette responsabilité est évidente. En fait, le seul espoir - si la Grèce doit rester dans la zone euro - serait d’annuler une large part, de 33% à 50%, de la dette grecque. Mais, de cela, le gouvernement allemand ne veut rien savoir et ceci au moment où il apparaît qu’il a tiré de larges profits de la crise grecque comme le reconnaît un institut d’expertise allemand.
Le Figaro : N’est-il pas normal que l’Allemagne, qui finance une bonne partie de ce prêt, donne ses instructions à l’emprunteur qui a décidé de rester dans la zone euro ? « La main qui donne est au-dessus de la main qui reçoit… »
Il y a dans l’obstination meurtrière du gouvernement allemand quelque chose qui va bien au-delà d’un attachement aux « règles » d’une gestion très conservatrice. En fait, le gouvernement allemand entend punir le peuple grec pour avoir porté au pouvoir un parti de gauche radicale. Il y a ici une volonté clairement politique et non économique. Mais, le gouvernement allemand veut aussi faire de la Grèce un exemple afin de montrer, en regardant en direction de l’Italie et de la France, qui est le chef dans l’Union européenne. Et cela est les plus inquiétant.