La phase finale de l’adoption du troisième plan d’aide à la Grèce en cinq ans prenait des allures de course d’obstacles dans la nuit de jeudi à vendredi, ponctuée de réticences de l’aile gauche de Syriza, de l’Allemagne et à nouveau du FMI.
À 03h00 du matin locales, après une journée entière de débats en commissions, les 300 députés avaient à peine entamé la séance plénière qui devait aboutir au vote, et bataillaient sur des questions de procédure avec la pointilleuse présidente du Parlement, Zoé Konstantopoulou, membre du parti au pouvoir Syriza mais farouchement opposée au plan.
Elle souhaitait prendre tout le temps préconisé par les textes pour examiner le projet de loi de 400 pages, semblant faire fi de la réunion des ministres des Finances de la zone euro (Eurogroupe) vendredi après-midi à Bruxelles.
Le ministre des Finances Euclide Tsakalotos a plaidé pour qu’on presse le pas. « C’est simple, a-t-il dit, l’Eurogroupe est à 16h00 demain (15h00 à Bruxelles), et sans ces éléments, l’Eurogroupe ne prendra pas de décision, il y aura un prêt-relais, et le gouvernement aura à s’engager sur de nouvelles actions prioritaires ».
Après des mois de procrastination, notamment sous l’ancien ministre des Finances Yanis Varoufakis, un gouvernement Tsipras remanié a avancé en effet à marche forcée ces dernières semaines pour conclure avec les créanciers du pays (UE, FMI, BCE, Système européen de stabilité) - qui ont unanimement salué cette bonne volonté nouvelle - ce plan de 85 milliards d’euros sur trois ans, en échange de nouvelles mesures d’austérité drastiques.
Grâce à un premier versement d’une vingtaine de milliards d’euros dans les prochains jours, Athènes pourrait honorer un remboursement essentiel de 3,4 milliards d’euros à la BCE, et commencer à rembourser les fournisseurs de l’État qui n’ont pas été payés depuis des mois, paralysant un peu plus l’économie.
Faute d’accord à l’Eurogroupe, les Grecs devront se contenter d’un prêt-relais, avant, sans doute, de nouvelles discussions, et de nouveaux engagements à prendre.
Cela ne déplairait pas à l’Allemagne, partisane également de prendre son temps, et d’un prêt-relais. Le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble a d’ores et déjà fait savoir qu’il aurait « des questions » à poser à l’Eurogroupe sur le plan conclu à l’aube, mardi, après 15 jours de travail intense dans un hôtel d’Athènes entre les Grecs et leurs créanciers.
Autre sujet sur lequel, paradoxalement, les politiciens allemands les plus intransigeants envers la Grèce, et l’aile gauche de Syriza, se rejoignent, l’intérêt d’une sortie de la Grèce de l’euro.
Ainsi, l’ancien ministre de l’Energie pro-drachme, Panagiotis Lafazanis, a-t-il appelé jeudi à la création d’un mouvement national anti-austérité, s’attirant les foudres du gouvernement.
« La décision de Panagiotis Lafazanis concrétise sa décision très prévisible d’écarter son chemin de celui du gouvernement et de Syriza », a réagi une source gouvernementale.
Retour à la drachme, souhait de Schäuble
Cette source a poursuivi sur le mode ironique : « Nous rappelons qu’un retour à la drachme est peut-être un souhait de Wolfgang Schäuble, mais n’a jamais été un engagement électoral de Syriza ».
Il y avait peu de suspense sur l’adoption du texte par le Parlement grec, une feuille de route jusqu’à 2018 mêlant mesures budgétaires et réformes structurelles.
Trois grands partis d’opposition (Nouvelle Démocratie, conservateur, Pasok, socialiste, et Potami, centre-gauche) devaient en effet apporter leurs 106 voix (sur 300).
Mais M. Tsipras allait de nouveau être confronté à la fracture que crée ce nouveau programme d’austérité à l’intérieur de son parti, avec, comme lors des votes du mois de juillet sur de premiers volets de mesures, de nombreuses défections à prévoir, au point qu’il a perdu sa majorité parlementaire à chaque fois.
Dans ce climat, la perspective d’élections anticipées à l’automne prend de plus en plus de corps, pour un premier ministre qui reste très populaire, et souhaiterait sans doute débarrasser sa base de ces contestataires.
Pour compliquer encore les choses, le FMI, qui brandit cette menace depuis des mois, a clairement indiqué jeudi soir que, tout en étant favorable au plan d’aide à la rédaction duquel il a participé, il verrait dans les prochaines semaines seulement s’il s’y associerait financièrement.
Cela dépendra, a-t-il dit, des « décisions » que les Européens prendront sur l’allègement de la dette grecque, qu’à 170% du PIB, et plus encore avec le nouvel accord, l’institution de Washington considère comme beaucoup trop élevée pour prêter encore de l’argent à Athènes.
Cette position ferme ne manquera pas d’embarrasser les participants de l’Eurogroupe, Allemagne en tête, qui exigent la participation du FMI au plan d’aide mais se montrent extrêmement réticents à alléger la dette grecque.