Après l’homme-violeur et l’homme-harceleur, voici l’homme-nul au lit ! Décidément il va vraiment falloir créer des camps de rééducation (ou de redressement) pour cet animal primaire !
Dora Moutot est frustrée : le service après-vente des hommes est insatisfaisant. Qu’importe ! Bien décidée à mettre fin au « malaise silencieux autour de l’orgasme féminin », Dora se saisit des outils technologiques de son époque et crée le compte Instagram « T’as joui ? ». La révolution est en marche.
Dora Moutot invitée de C l’hebdo (avec un Jean-Michel Aphatie – mâle blanc de plus de 50 ans bientôt dégagé – plus lamentable que jamais) :
Malgré sa modernité formelle (jeune, Instagrameuse, anglicismes à répétition), Dora Moutot nous ressort la fameuse litanie féministe-libertaire déjà entendue du temps de sa grand-mère qui consiste à « revendiquer la jouissance », à « libérer la parole » et à « inviter les femmes à assumer leur désir et leur sexualité ».
L’incompréhension nous guette [1]. Après des années de féminisation et de libération en tout genre, après avoir abattu les dogmes obscurantistes et sexistes les plus retors et malgré l’élection d’un président progressiste, les hommes seraient encore des monstres rétrogrades ?!
Dora Moutot sur BFMTV :
Ce dont la nouvelle héroïne féministe 2.0. se plaint ici sans pouvoir le conceptualiser, c’est du comportement de consommateur de l’homme à son égard. Apparemment [2] incapable de mettre en perspective ses secrets d’alcôve avec la superstructure idéologique, Dora l’exploratrice des sens se heurte à un mur. Difficile pour elle d’admettre que les hommes-objets qu’elle croise en décroisant les jambes par le biais de sites spécialisés sont également des consommateurs. Oui Dora, les sites de rencontre sont des véritables temples de la consommation érigés et fréquentés par les adeptes de la société libérale. Comment pouvais-tu en attendre autre chose ?
Mais Dora ne se préoccupe que de son plaisir... Les caractéristiques qu’elle reproche aux hommes (« égoïstes », « ignorants », « se préoccupent très peu du plaisir des femmes ») seraient-ils réversibles ?
Dora Moutot chez Brut., le « nouveau média des millennials » créé par quatre anciens de Canal + :
À bien la comprendre, Dora ne veut pas remettre en question le règne du Marché. Elle veut en être la reine. La consommatrice en chef. Les hommes qu’elle sélectionne doivent rester des produits à son service. Dora doit jouir sans entraves, c’est son droit. Elle a payé pour ça. Enfin, ils ont payé pour ça [3].
Calmos, un film visionnaire :
Malheureusement, la science du plaisir de Dora n’a d’égal que son inconscience du désir. En conservant ce schéma de pensée, la brunette risque en effet de multiplier les désillusions et de terminer dans la catégorie infamante « peine-à-jouir/mal-baisée », loin des promesses étoilées de Mai 68... Mais dans sa perspective individualiste, les hommes qu’elle rencontre doivent « réussir à la faire jouir ». C’est toute l’hypocrisie du néolibéralisme : les responsabilités incombent toujours aux autres. L’individualisme et la consommation c’est pour les femmes comme Dora ; les hommes, eux, doivent rester des servants et des producteurs.
Le problème dans cette vision, c’est que le désir féminin qui se fonde sur le sentiment de domination ne risque pas d’être stimulé... Car réussir à faire jouir c’est d’abord réussir. Et une armée de robots-esclaves ne seront d’aucune aide à Dora pour atteindre le septième ciel malgré sa volonté manifeste de réduire la jouissance à la mécanisation [4]. Comme l’humain, la sexualité est une mécanique liée à un imaginaire et les femmes ont bien du mal à être excitées par ce qu’elles méprisent.
Alors plutôt que de les culpabiliser en les poussant à se soumettre toujours un peu plus à la société néolibérale, Dora ferait mieux de les aider à s’en émanciper. C’est dans son intérêt.
À moins que le plébiscite médiatique (son petit quart d’heure de gloire warholien) ne suffise à la combler... En attendant, celle qui se voulait libre se retrouve à tapiner pour une cause qui la dépasse : le renforcement du caractère anxiogène des relations homme-femme par une codification marchande fondée sur la culture pornographique et prostitutionnelle (sexualité vue comme un objet masturbatoire, tarifs, performances, pénalisations). Le tout en s’appuyant sur des rapports de l’Institut Kinsey !