Belle illustration de l’hypocrisie féministe avec cet article qui masque mal sa fascination pour la virilité assumée et les signes extérieurs de richesse d’un côté, son intégration parfaite au système de domination néolibéral de l’autre...
Coaching en séduction alpha ou séminaires pour « réapprendre les codes de la virilité dominante ». En élevant mon fils en féministe, voilà que je le priverais de devenir un homme à succès. Au secours. Pétrole et jupette. Une chronique de Marie Thibaut de Maisières.
Il y a quelque temps, Julien Rochedy, le très médiatique ex-président des jeunes du Front national, s’est lancé dans le coaching en séduction alpha. Il n’est pas seul, on assiste, depuis une quinzaine d’années, à l’ouverture de nombreux séminaires pour « réapprendre les codes de la virilité dominante ». Cela m’a rappelé une conversation avec un voisin de table nordique qui racontait avoir dû, plus jeune, apprendre les codes de l’alpha (notamment les techniques d’insécurisation) pour séduire les filles du Sud. Alain Soral le disait : « La prime ne va pas au gentil. » Au secours, le mâle alpha est-il de retour ?
Si oui, quel échec pour les milliers de féministes qui, depuis les années 60 (et encore plus récemment, dans le sillage du mouvement #metoo) tâchent de « dé-alphaïser » les rapports femmes-hommes ! Il semblerait qu’en élevant mon fils en féministe, je le priverais de devenir un homme à succès. Dois-je me résoudre au fait que « dans notre nature, la sélection naturelle fait que les femmes aiment les hommes forts, dominants et agressifs car ils font les meilleurs géniteurs » ?
Sauf que l’alpha de la nature n’est pas celui que vous croyez ! Le primatologue néerlandais Frans De Waal explique, dans une conférence Ted, que chez les chimpanzés, nos plus proches cousins génétiques, on définit le mâle alpha comme le leader du groupe. (Même si, chez les bonobos, autres cousins tout aussi proches, c’est souvent une femelle). Parfois, il est le plus fort physiquement – pas toujours car il peut accéder et rester au pouvoir en coalisant – mais il est toujours le plus empathique et le plus juste. Ses responsabilités : consoler et maintenir la paix. Son privilège : l’accès aux femelles.
Qui gère les groupes chez nous ? Assiste-t-on à une résurgence des alphas ? Et si oui, qui a accès aux femelles (et aux mâles) ? Est-ce les mêmes individus ?
En politique, on voit émerger deux types de leaders aux antipodes : les « alphas dominants » avec comme trio de tête : Trump, Netanyahou et Poutine. Tous les trois connus pour leur manque d’empathie, leur peu de respect pour les faibles et leurs débordements sexuels (pour deux sur trois). Et les « alphas empathiques » comme Angela Merkel (surnommée Mutti), Emmanuel Macron ou l’irrésistible Justin Trudeau. Les politologues le disent, les premiers plaisent à ceux qui ont peur, les seconds, à ceux ont confiance en l’avenir.
Et en séduction ? Il faut reconnaître que le style « alpha dominant flingue, voiture de sport et dollars » à la Dan Bilzerian continue de fonctionner. (Si vous avez plus de 45 ans, imaginez un Alain Delon barbu sous stéroïdes). D’où, probablement, le succès des coachings alpha ou les travestissements virils de mon voisin de table suédois. Mais avec qui est-ce que ça fonctionne ? Mon ami Charles, plus aguerri que moi aux rapports de séduction dans la jungle moderne (les boîtes de nuit) me disait : « Pour créer du désir, il faut d’abord sortir du lot. Et la technique la plus efficace, est de déstabiliser sa "proie" pour prendre l’ascendant sur elle et que ce soit elle qui cherche à te plaire. Mais si tu la joues trop dominant, tu n’attraperas que les filles qui ont une mauvaise estime d’elles-mêmes et/ou un père peu valorisant. »
Pour la majorité cependant, l’alpha de base n’est plus la panacée ! En effet, malgré un passif de 4 000 ans de conditionnement culturel des femmes à l’insécurité et donc à rechercher un homme dominant – Blanche-Neige, Cendrillon et Aurore, par exemple, ne peuvent se débrouiller seules face à l’adversité, elles doivent se trouver un prince pour se tirer d’affaire –, force est de constater que « l’accès aux femelles » est plus démocratisé chez les humains que chez les chimpanzés (mais moins que chez les bonobos). Avec un peu de confiance en soi (et une hygiène buccale correcte), on peut s’en sortir dans tous les styles.
On assiste d’ailleurs à l’émergence de séducteurs qui n’auraient jamais pu voir le jour, il y a 30 ans, comme Jamel Debbouze, 50 kilos tout mouillé, qui a conquis l’exquise Mélissa Theuriau ou Ashton Kutcher, qui conclut en affichant sa vulnérabilité.
D’ailleurs, si l’on suit la logique darwiniste, à l’heure de l’économie virtuelle, choisir un mâle agressif est totalement contre-productif. Il est celui qui a le plus de chances de finir en prison. Pour améliorer l’espèce, il vaudrait mieux choisir celui qui a 12 doigts et la bosse des maths. Il vaudrait surtout mieux, si nous voulons parvenir à l’égalité réelle, arrêter de valoriser dans la séduction, les signes de dominance chez les hommes, pour que ceux-ci cessent de les manifester pour nous plaire. Mais c’est un autre débat !
Bref, pour ma part, je m’en vais continuer d’élever mon fils en féministe en espérant avoir en retour, une belle-fille bien dans sa peau. Et je vais m’efforcer de rendre mes filles assertives pour éviter d’avoir Dan Bilzerian comme gendre.