Depuis #JeSuisCharlie, les « hashtag » grégaires revendiquant une subjectivité agressive se multiplient comme des petits pains virtuels. Le dernier bébé révolutionnaire issu de la matrice néolibérale à la sauce Schiappa : #JeSuisCute. Lancé par Marina, « une jeune femme agacée par la "Police des Mœurs" qui sévit sur les réseaux sociaux dès qu’une partie d’un corps féminin est divulguée », ce cri de désespoir antisexiste est soi-disant devenu « viral » au point que « des dizaines de femmes ont publié des photos d’elles dénudées en soutien à une femme harcelée ».
Pour la petite histoire officielle, tout serait parti d’un selfie en petite culotte d’une « internaute de 18 ans » envoyé sur Twitter et « partagé plus de 800 fois ». Un cliché qui aurait déclenché une vague de « haine » insoupçonnée, la jeune femme assurant avoir reçu injures et menaces, ce qui en 2018 confine automatiquement au « harcèlement » si cher à notre bonne Marlène.
« J’ai posté la photo parce que je l’aimais bien, sans arrière-pensées. »
Heureusement, « de nombreux internautes ont souhaité apporter leur soutien à la jeune femme ». Parmi eux, une modèle française flairant probablement le bon coup de com’, Manny Koshka, qui « dénonce des violences sexistes insupportables ».
- Manny Koshka le modèle qui dénonce "l’amalgame entre nudité et pornographie"
« On voit que les mentalités ne changent pas. Le #JeSuisCute est simplement un mouvement classique de femmes qui cherchent à se réapproprier leur corps, qui est le leur. »
Si toi aussi tu t'en bats littéralement la race de la Police des Moeurs Twitter qui pense que les nanas qui choisissent de montrer leur corps sont des putes, tu peux balancer tes selfies préférés en lingerie sous le #JeSuisCute Votre corps ? Vos choix ! pic.twitter.com/92dTCnNIn1
— Mарина [Gally] Kошка (@MannyKoshka) 28 juillet 2018
Bref une énième resucée du credo féministe en parfaite imbrication avec la société de consommation libérale : le fameux « Mon corps m’appartient ». Sauf qu’en période de crise économique et de radicalisation communautaire, il ne s’agit plus seulement de « revendiquer la fierté de disposer de son corps » mais aussi de l’exhiber au plus grand nombre possible tout en exigeant la mise à mort des insatisfaits...
Un paradoxe typique de notre société américanisée à outrance qui consiste, comme de l’autre côté de l’Atlantique, à mêler puritanisme et hypersexualisation, judiciarisation et harcèlement publicitaire propre au Marché du désir. En résumé : pornographie partout, sexualité nulle part.
À l’image de Marlène Schiappa indignée par les remarques sur son décolleté, la mauvaise foi des élites se calque parfaitement sur l’hypocrisie de la jeune femme de gauche qui érige l’individualisme victimaire en modèle social indépassable. Une apologie de la déresponsabilisation qui ne profite in fine qu’à ceux qui ont les moyens financiers de s’en extraire ou le cas échéant d’en assumer les conséquences !
« Manny Koshka réfléchit à engager des poursuites contre les auteurs des messages. Ces derniers risquent gros. Début juillet, trois hommes ont été condamnés à six mois de prison avec sursis pour avoir harcelé une journaliste sur le forum jeuxvideo.com. Le Code pénal prévoit une peine pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45 000 d’amende dans le cas d’une menace de mort. »
Propagé pour lutter contre le harcèlement, #JeSuisCute ne semble être rien d’autre qu’une nouvelle manifestation du système de domination néolibéral diabolisant les valeurs traditionnelles et la virilité.
À se demander qui harcèle qui !