Vous pouvez commencer à accrocher vos ceintures de sécurité cérébrale et mettre vos lunettes 3D, car on va attaquer le billard à quinze bandes. Les trois bandes, c’est terminé, du passé, de la petite bière : ce qui est en train de se jouer au niveau international est un Grand Jeu d’un type nouveau, car il n’est plus binaire (comme du temps de la guerre froide), mais multipolaire, farci de contradictions apparentes, de conflits théoriques et de deals fugaces, qui ne tiennent que le temps d’une encre sympathique.
Le tout accouche d’une géopolitique mondiale dominée par les mégaforces en présence, à savoir le bloc anglo-israélo-américain face au bloc russo-chinois agrémenté de l’Iran, plus des pays importants mais pas décisionnels qui s’agrègent sur ces deux pôles au gré de leurs intérêts. On y trouve l’Inde, qui joue un coup la Russie, un coup les USA, histoire de narguer la Chine ; la Turquie, capable de jouer sur tous les tableaux bilatéraux ; le Japon, aligné sur la politique US mais qui ne veut pas perdre le marché chinois et l’énergie russe ; et bien sûr pas la France, qui est descendue en Ligue 2 des nations d’influence. Grâce à Macron, mais pas que : depuis Sarkozy et Hollande, notre pays, dirigé par des faibles, accorde tout à l’axe israélo-américain. Le prix à payer est exorbitant, on le voit avec la paupérisation actuelle.
La situation, tout le monde la connaît, tient sur deux pôles brûlants, mais on ne sait pas tout des connexions souterraines entre les blocs, les sous-blocs et leurs conflits : la guerre OTAN-Russie, et la guerre israélo-palestinienne. Sachant qu’Israël conserve des relations (tendues) avec la Russie (qui tient un Iran qui tient les turbulents Yéménites), et que la réduction de l’Ukraine, qui a fait tant de mal aux juifs pendant la Deuxième Guerre mondiale, ne semble pas émouvoir la bande à Netanyahou.
Le Grand Jeu (du moment) se fonde sur un deal plus ou moins secret USA-Iran qui fait voir l’élimination de Soleimani puis de Nasrallah d’un autre œil. C’est l’option que propose Meyssan dans cette vidéo de Verhaeghe. On connaît Meyssan pour la finesse de ses analyses, souvent fondées sur des informations très « services » dont personne ne dispose et qui sont invérifiables. Autant dire qu’à l’arrivée, la marge d’erreur excède les 5 % syndicaux, d’ailleurs, lui-même reconnaît que ses montages sont volatiles. Mais parmi ses prédictions, il a souvent touché juste. On l’écoute.
Si un missile tiré par les Houthis mais contrôlé (informatiquement) par les Russes a bien touché un gazoduc en Israël, ce que nous n’avons pas pu vérifier, cela expliquerait la cavalcade de Netanyahou chez Poutine, qui n’est pas non plus officielle.
Ce qui est officiel, en revanche, c’est que les Israéliens ont bien bombardé le port pétrolier d’Hodeidah au Yémen, tenu par les Houthis, proches des Iraniens, comme représailles pour le tir de missile sur Israël. Conséquence : les Houthis, qui plaisantent rarement, menacent de viser les installations gazières israéliennes offshore en Méditerranée (le Hezbollah avait fait la même menace). Et là, ça ne plaisante plus du tout : Israël, à la ramasse économiquement (les investissements étrangers dans ce pays en guerre, donc peu sûr, sont en chute libre), a un besoin vital de ce gaz. De plus, les gisements se trouvent entre autres au large de Gaza et du sud du Liban...
Comprendre que les deux gros blocs se font face, mais laissent leurs lieutenants, iraniens et israéliens, se rendre coup pour coup. Et ces lieutenants ont aussi des proxys, Israël avec ses attentats sous faux drapeau (dont ils se vantent de plus en plus), l’Iran avec les Houthis, le Hezbollah et le Hamas (dans une moindre mesure). Dans ce contexte, la possibilité que Nasrallah ait été lâché par les Iraniens, du moins la partie non-antisioniste du pouvoir iranien, existe, mais cela pourrait aussi être une intoxication israélienne dont le but est de dessouder l’axe de la résistance, à savoir la liaison Hezbollah-Iran, une façon de désagréger plus vite le Liban, qui n’a plus d’autre armée que le Hezbollah… et la FINUL.
Nous n’allons pas nous lancer ici dans les hypothèses et les contre-hypothèses, mais pour l’instant, personne n’a vu les dégâts sur la base de Nevatim, et quasiment aucune perte civile israélienne ne serait à déplorer : un point pour la théorie meyssanienne. Cependant, les faucons de Tel-Aviv veulent profiter de la pluie de missiles du 1er octobre 2024 pour détruire les installations nucléaires iraniennes, bien planquées dans le sous-sol, et même le sous-sous-sol. Qu’importe, les bunker-busters, les bombes pénétrantes ont fait leurs preuves à Beyrouth. Mais il y a un hic : ce sont les Américains qui autorisent ce bombardement en profondeur, car ils sont les seuls à en posséder. BFM TV cite le NYT, l’organe officiel du lobby militaro-industriel US et de sa politique extérieure :
Selon le New York Times, l’analyse d’une vidéo de l’armée indique que les avions impliqués dans l’attaque étaient « équipés d’au moins 15 bombes de 2 000 livres » (environ 900 kg) chacune. Celle-ci montrait huit avions équipés d’au moins 15 bombes de 2 000 livres, dont le BLU-109 de fabrication américaine. Ces bombes, connues sous le nom de « bunker-busters » (bombes anti-bunkers), peuvent pénétrer profondément sous terre avant d’exploser.
Et pour l’instant, le camp Biden ne veut pas d’une escalade dans l’escalade, à un mois d’une échéance présidentielle où la kamalamania ne prend toujours pas. Personne ne sait ce qui pourra sortir du bombardement massif de Natanz, par exemple.
Proche-Orient : Joe Biden se dit opposé à des frappes israéliennes sur les sites nucléaires iraniens pic.twitter.com/azXXtlPoMz
— Liberté égalité Brunet (@BrunetBFMTV) October 2, 2024
Si l’Amérique interdit à Israël de s’attaquer physiquement aux installations du programme nucléaire iranien, cela tendrait à confirmer un deal secret, une sorte de pacte de non-agression provisoire entre USA et Iran. Pour savonner la planche à Trump, qui veut faire la paix partout, se concentrer sur l’économie à l’intérieur et à la contention de la puissance chinoise à l’extérieur ?
Conclusion non hypothétique : le 4 novembre est un nœud dont le dénouement permettra de voir plus clair dans tout ce bordel.