Les derniers échos qui nous parviennent de Libye montrent que le retour de la Russie s’accélère et qu’il semble même se faire en « fanfare ».
Après ses succès en Syrie, la Russie paraît en effet vouloir s’impliquer directement dans la question libyenne. Deux indices permettent de le penser :
1) Moscou vient d’envoyer des « conseillers militaires » afin d’épauler les forces du général Haftar. Vladimir Poutine aurait en effet très mal pris l’intervention des forces spéciales turques qui, il y a quelques semaines, avait empêché son allié de prendre Tripoli, la capitale libyenne. Depuis, via Misrata, Ankara a acheminé des chars, des drones et des hélicoptères.
2) Second indice, plusieurs responsables de Misrata, ville étroitement liée à la Turquie, auraient compris que l’intervention russe allait donner la victoire au général Haftar. Or, Misrata est détestée par les tribus kadhafistes qui combattent aux côtés du général. Ces dernières n’ont en effet pas oublié que ce furent les milices de cette ville qui lynchèrent ignominieusement le colonel Kadhafi après l’avoir sodomisé avec une baïonnette. Voilà pourquoi, Fathi Bachaga, ministre de l’Intérieur du GUN (Gouvernement d’union nationale) installé à Tripoli, et homme chargé de la défense de la capitale, aurait décidé de changer de camp et d’abandonner le GUN pour traiter avec le général Haftar. Afin de sauver l’autonomie, et peut-être même l’existence de la cité-Etat. Ce changement de politique sera-t-il accepté par les Frères musulmans qui dominent à Misrata et par leurs soutiens turcs ?
Si ces indices étaient confirmés, la Russie serait donc en position de « faiseur de paix ». Loin des palabres de la communauté internationale, elle aurait en effet décidé de trancher le nœud gordien en faisant éclater la baudruche GUN soutenue par l’ONU, l’Union européenne et les États-Unis, pour la remplacer par un régime fort, seul capable de mettre au pas les centaines de milices qui se partagent la Tripolitaine. Une tâche ardue…
Les conséquences d’un tel renversement de situation se feraient alors sentir en Europe, car les trafics de migrants à partir des ports libyens cesseraient. Mais également au Sahel où les djihadistes ne seraient plus ravitaillés en armes par la Turquie via Misrata. La tâche de Barkhane s’en trouverait alors simplifiée.
Prise dans le cercle hostile que l’OTAN tentait de refermer sur elle, en butte à des sanctions de la part des pays européens, la Russie brise donc peu à peu son isolement. En Afrique, elle se place au cœur des véritables structures de pouvoir et d’influence, à savoir les forces armées. Par la fourniture d’armes et des techniciens chargés de leur maintenance, Moscou prend le contrepied du diktat démocratique imposé à l’Afrique à la suite du discours prononcé à la Baule par François Mitterrand en 1990.
La recette de la Russie est simple : partir du réel, donc des vrais rapports de force, en tournant le dos à l’irréaliste préalable démocratico-humanitaire. La réalpolitique, en un mot. Loin des jérémiades morales et des a priori d’une classe politique européenne moribonde car corsetée dans les paradigmes imposés par les ONG, les médias, l’OTAN et autres archipels de la « bien-pensance ».