Déstabilisée par l’intervention de l’OTAN, la Libye est depuis 2014 fracturée par la rivalité entre le chef du gouvernement d’union nationale Fayez al-Sarraj et le maréchal Khalifa Haftar.
En proie au chaos politique et sécuritaire depuis l’intervention de l’OTAN en 2011, la Libye est encore loin de retrouver le chemin de l’unité et de la stabilité. En plus de la menace terroriste, le pays est le théâtre depuis 2014 d’une confrontation entre deux forces revendiquant le pouvoir, se traduisant désormais par des affrontements armés.
Le pays, de fait, se trouve divisé en deux. À l’ouest s’étend le pouvoir du gouvernement d’union nationale (GNA) de Fayez al-Sarraj. Si cette entité politique, basée à Tripoli, est reconnue par la communauté internationale, elle parvient difficilement à imposer son autorité sur ses propres milices. Les violents affrontements impliquant certaines d’entre elles en septembre dernier, mettent en exergue les limites de son influence politique sur le terrain.
Face à elle, le maréchal Khalifa Haftar, qui dit tirer sa légitimité du Parlement de Tobrouk, également reconnu par la communauté internationale. L’Armée nationale libyenne (ANL) qu’il dirige a étendu son contrôle sur l’ensemble de la Cyrénaïque (région orientale de la Libye), où se trouvent les plus grandes réserves de pétrole du pays.
À la faveur du ralliement de plusieurs tribus et d’officiers dont des ex-kadhafistes, le maréchal Haftar a multiplié les succès militaires et poursuit son offensive vers l’ouest, afin notamment de conquérir la capitale, Tripoli, comme en témoigne le raid aérien que ses forces disent avoir mené en banlieue de la ville ce 7 avril.
Selon un premier bilan du ministère de la Santé du GNA, au moins 21 personnes ont été tuées et 27 autres blessées depuis le début de l’offensive du maréchal Haftar vers l’ouest le 4 avril. Le ministère ne précise pas si les victimes comptent des civils, mais le Croissant rouge libyen a déploré la mort d’un de ses médecins. De son côté, l’ANL a fait état de 14 morts parmi ses combattants.
La menace terroriste en toile de fond
Bien que cette guerre – plus ou moins – larvée occupe le devant de la scène médiatique, la menace terroriste demeure dans le pays. Si la branche libyenne de l’Etat islamique a perdu en 2016 la ville de Syrte, alors son principal bastion, elle n’a pas pour autant disparu. L’organisation terroriste continue en effet de sévir sur le territoire libyen et n’hésite pas à frapper la capitale au cœur. Le 26 décembre dernier, elle a visé le ministère des Affaires étrangères à Tripoli, provoquant la mort de trois personnes. Elle a en outre revendiqué plusieurs attentats contre les forces pro-Haftar ainsi que l’attaque survenue en mai 2018 contre la Haute commission électorale à Tripoli (HNEC).
Profitant de la porosité des frontières méridionales du pays, al-Qaïda est également toujours présent dans le pays. Le 19 janvier, l’ANL a affirmé avoir éliminé un de ses chefs, Abu Talha al-Liby ainsi que deux terroristes, le Libyen el-Mehdi Dengo et l’Egyptien Abdallah Desouki.
Une situation de chaos doublée d’une impasse diplomatique
Dans ce contexte est prévue une conférence internationale sous l’égide de l’ONU, du 14 au 16 avril prochain à Ghadamès (sud-ouest de la Libye). Une grand-messe diplomatique dont la mission ardue sera de mettre en place une « feuille de route » afin de trouver une issue politique au conflit.
Preuve du scepticisme ambiant quant à la concrétisation de cet objectif, les propos, tenus le 5 avril, par le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, lors de sa visite en Libye. Après avoir rencontré Fayez al-Sarraj à Tripoli et Khalifa Haftar à Benghazi (est), il a déclaré : « Je quitte la Libye avec une profonde inquiétude et un cœur lourd. » Un ton différent de celui adopté le lendemain, 6 avril, par l’émissaire de l’ONU pour la Libye, Ghassan Salamé. « Les Nations unies vont rester au côté du peuple libyen et nous continuerons à œuvrer pour assurer le succès du processus politique, loin de toute escalade », a-t-il ainsi assuré lors d’une conférence de presse organisée à Tripoli.
Cette déclaration de principe cache mal les échecs des diverses initiatives dont l’objet était également de régler définitivement la crise libyenne. Ni la conférence de Paris de mai 2018 au cours de laquelle Emmanuel Macron avait promis la tenue d’élections législatives et présidentielle en décembre de la même année, ni celle organisée par l’Italie à Palerme, ne se sont traduites par des avancées concrètes.
Preuve, en tout état de cause, de la difficulté pour les Nations unies de résoudre l’équation libyenne : son appel à l’application d’« une trêve humanitaire » de deux heures pour évacuer civils et blessés près de Tripoli ce 7 avril, n’a pas été entendu, selon les services de secours et la mission de l’ONU en Libye (Manul).