La vidéo date d’avril 2018 mais il est étonnant de penser que ce sketch de Nicolas Canteloup présentant Sarkozy comme un menteur invétéré soit diffusé sur TF1, la chaîne de Martin Bouygues, le grand ami de Nicolas Sarkozy. Ou alors il y a du renversement d’alliance au bénéfice de Macron dans l’air...
C’est le magazine people Closer qui, de manière encore plus étonnante car ce n’est pas son domaine (mais avec la reine du people Mimi Marchand qui gère l’image des Macron tout est possible), évoque l’accord entre le président de TF1 et le nouveau président de la République.
« Emmanuel Macron a fini par céder. Ce dimanche 15 octobre [2017, NDLR], le président français fera une apparition dans un journal télévisé. Une décision inattendue pour celui qui avait même refusé d’honorer la traditionnelle invitation à la télévision après le défilé du 14-Juillet. Et pour se prêter à l’exercice médiatique, le chef de l’État n’a pas choisi n’importe quelle chaîne. En effet, Le Journal du Dimanche paru ce 14 octobre dévoile que si Emmanuel Macron a accepté de venir sur le plateau de TF1 à 20h05 pour évoquer son mandat et ses débuts de président, c’est en réalité grâce à l’intervention de Martin Bouygues. Ce dernier n’est autre que le propriétaire et principal actionnaire du groupe. Un coup de pouce discret, qui a porté ses fruits, permettant de coiffer au poteau France Télévisions. »
Pour ceux qui veulent aller plus loin, au printemps suivant, on apprenait les dessous du scandale de la vente d’Alstom énergie à General Electrics... Un deal énorme dans lequel Macron s’est énormément investi, un député de droite (Olivier Marleix, LR) allant jusqu’à parler d’un pacte de corruption. On apprend en passant que Macron savait que Bouygues voulait sortir d’Alstom... Dans cette recomposition industrielle au profit de notre voisin germanique (Siemens) et de la concurrence américaine (GE), c’est Bouygues qui s’octroiera un dividende exceptionnel d’un demi milliard d’euros !
Voici le topo de Libé du 27 septembre 2017 sur cette fort juteuse revente :
« Après cette étape, le groupe Bouygues sera d’ailleurs libre de revendre sa participation. Pour le moment, il indique à Libération ne pas avoir arrêté de choix. Le cours de l’action, à partir de juillet 2018 sera sans doute déterminant. En 2006, Bouygues est entré dans le capital d’Alstom, à la demande de l’Etat, au prix de 62 euros par titre. Aujourd’hui, la cote de l’action ne dépasse pas 35 euros. A ce prix-là, la moins value serait donc sévère. Pour autant, sur les 11 dernières années, l’investissement de Martin Bouygues dans Alstom n’est pas la plus mauvaise affaire qu’il ait faite. Son groupe a encaissé, durant cette période 1,5 milliard de dividendes et primes diverses. Si l’on y ajoute les 496 millions à venir, on frôle les 2 milliards de gains. Ce qui au départ s’apparentait à une opération de sauvetage industriel s’est, semble-t-il, doublé d’une bonne affaire financière. »
Las, en janvier 2018, l’association anti-corruption Anticor porte plainte contre la puissance publique pour « négligence ». Selon Libé du 31 janvier 2018, l’État s’est privé d’un gain de plus de 350 millions dont le groupe Bouygues ne s’est pas privé, lui :
« L’Etat a-t-il été “négligent” dans sa gestion des deniers publics en renonçant à une plus-value de 350 millions d’euros qu’il aurait encaissée s’il était resté actionnaire d’Alstom ? La question, posée au moment de l’annonce du rachat du fabricant du TGV par l’allemand Siemens, est devenue une plainte déposée par Anticor devant le Parquet national financier (PNF). L’association anti-corruption poursuit les services de l’État et notamment Bercy pour “négligence par personne dépositaire de l’autorité publique”, comme l’a révélé le Canard Enchaîné dans son édition de mercredi. »
Explication un peu technique mais dans ce dossier, tout est technique :
« Si la plainte est contre X, elle vise en fait directement le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, et au-delà de lui le président de la République, Emmanuel Macron. Les deux hommes ont en effet avalisé sans ciller, à l’automne, la prise de contrôle d’Alstom par Siemens, qui reste aujourd’hui très contestée à gauche comme à droite. Ils ont surtout renoncé, au passage, à exercer l’option d’achat dont disposait l’État sur les 20% détenus par le groupe Bouygues jusqu’au 17 octobre 2017, au motif que Siemens ne souhaitait pas que la puissance publique française reste actionnaire d’Alstom. Une décision prise directement par le chef de l’Etat, qui a suivi de bout en bout les négociations entre Alstom et Siemens, en liaison avec la chancelière allemande, Angela Merkel. Au bout du compte, c’est donc Bouygues qui devrait empocher les dividendes du rachat (une prime minimum de 8 euros par action) et peut dire merci Macron, avec un gain pouvant aller jusqu’à 500 millions d’euros. »
Y a-t-il eu un pacte secret entre Macron et Bouygues, puis une rétrocession sous une forme quelconque ? L’avenir nous le dira. Mais sûrement pas l’avenir proche : toute cette affaire date de 2014 et en France, la justice nous a habitués à une certaine lenteur quand il s’agit de ferrer des puissants. Elle est plus rapide pour embastiller un Gitan boxeur de gendarmes et le garder en préventive au-delà des limites, alors que l’exécutif fait tirer à boulets rouges LBD sur les manifestants depuis des semaines !
« "Ce qui est nouveau et qui est apparu dans les auditions de la commission d’enquête, c’est que, début octobre 2012, l’Agence des Participations de l’État confie et demande à un groupe anglo-saxon de faire un rapport sur l’avenir d’Alstom parce qu’un actionnaire, Bouygues, envisagerait de se retirer du capital, a expliqué Jean-Michel Quatrepoint, journaliste économique et auteur du livre "Alstom, scandale d’État". Cette enquête, faite en quatre semaines, conclut que la moins mauvaise solution serait d’adosser Alstom à General Electrics."
"Ce qui ressort de cette commission d’enquête, c’est que Emmanuel Macron, qui est l’homme qui a visiblement commandé cette enquête, en tant que secrétaire général adjoint de l’Élysée, était au courant que Bouygues voulait sortir d’Alstom, a-t-il ajouté. Or, on nous a expliqué que l’État avait été mis devant le fait accompli quand on a découvert un accord entre le PDG d’Alstom et le PDG de General Electrics, en avril 2014, pour vendre la branche énergie d’Alstom à General Electrics pour 12,35 milliards de dollars." » (Source : Sud Radio)
Ce sketch tombant à point nommé rappelle ceux des Guignols de l’info qui s’attaquaient sur ordre aux concurrents commerciaux (TF1) ou aux « ennemis » idéologiques (Le Pen) de la chaîne cryptée. Conclusion : quand l’humour politique est autorisé contre les puissants, c’est qu’il y a une bonne raison supérieure.
Aujourd’hui, lundi 4 février 2019, Sarkozy est toujours en liberté, Macron est toujours président, et BHL, l’homme qui voulait la peau de Kadhafi, toujours invité dans les médias français. Au grand dam des Gilets jaunes qui rejettent en bloc tout ce système qui sent très fort l’entente sur le dos des peuples, pour ne pas dire la corruption.
L’homme du livre vert