La section Santé d’Égalité & Réconciliation réunit des professionnels actifs couvrant à peu près tous les secteurs de la santé (praticiens médecins ou non médecins, journalistes, auteurs, chercheurs) qui se donnent pour ambition d’être les sentinelles des dérives du système de soins moderne. La section Santé se veut aussi un outil pragmatique présentant des solutions concrètes pour rester en bonne santé.
Les grandes ruptures alimentaires historiques
Le génome, c’est-à-dire l’ensemble du matériel génétique d’un organisme, détermine l’ensemble de ses besoins physiologiques. Il faut comprendre que nos gènes sont d’une très grande stabilité dans le temps. Ainsi, en nutrition comme ailleurs, ce sont nos gènes qui mènent la danse. Le professeur Stanley Boyd Eaton dans son article « Paleolitic Nutrition » de 1985, paru dans le New England Journal of Medecine, démontre que nos gènes contemporains sont quasiment inchangés depuis le paléolithique supérieur, s’étalant entre -35.000 et -10.000 ans. En alimentation, on ne peut donc guère parler d’adaptation. Seule exception : le développement d’un gène permettant la digestion du lactose dans les populations du nord de l’Europe, sans doute due à une plus longue tradition d’éleveurs que les populations du pourtour de la Méditerranée.
Cette constance de nos gènes, toujours adaptés à un régime de chasseurs-cueilleurs, s’est heurtée aux grandes ruptures alimentaires de l’Histoire. Aujourd’hui, la façon moderne de se nourrir est radicalement différente, et nos gènes sont donc en contradiction avec les denrées alimentaires contemporaines disponibles en magasin.
On peut parler de trois chocs majeurs :
La révolution néolithique, il y a environ 10.000 ans, marque un tournant alimentaire décisif pour la majorité des populations du globe, qui se sédentarisent. L’agriculture naissante introduit les céréales, quasiment absentes jusqu’alors, et la domestication des animaux autorise une nouvelle classe d’aliments : les produits laitiers. Ces changements permettent de faire face à une explosion démographique en facilitant l’accès aux denrées alimentaires. Mais l’archéologie révèle que diverses pathologies apparaissent de façon concomitante : anémie ferriprive, déminéralisation, caries, rachitisme, augmentation de la mortalité infantile et maternelle. L’alimentation carnée diminuant, la taille est plus petite. La mâchoire se rétrécit et on voit apparaître les premiers chevauchements de dents.
- La révolution industrielle du XIXe siècle au milieu des années 50 accentue le problème en généralisant l’emploi de produits raffinés, farines, huiles, et sucres. Les processus modernes de meunerie ont été une des causes importantes des maladies modernes en ôtant du produit fini, fibres, oligo-éléments et vitamines. La tétralogie alimentaire moderne produits laitiers/céréales/sel/sucre acidifie déjà le terrain. En Suisse, le docteur Catherine Kousmine a beaucoup étudié les effets délétère de ce raffinage sur la santé et la genèse des maladies dites de civilisation. Sans publication scientifique à son actif, elle a néanmoins contribué à travers ses ouvrages à faire passer le message auprès du grand public francophone.
La révolution agro-alimentaire à partir du milieu du XXe siècle voit l’arrivée en masse dans nos assiettes de nouvelles denrées à base de produits transformés. Le bétail nourri aux céréales donne une viande de plus en plus grasse ne correspondant plus du tout à la viande sauvage du chasseur paléolithique. Le déséquilibre entre Oméga-3 et Oméga-6 fait glisser la population vers un contexte d’inflammation chronique. L’aliment n’est pas simplement « appauvri », il est « dénaturé » : graisses trans pratiquement inexistantes jusqu’alors, rajout quasi-systématique de sirop de glucose-fructose à base de maïs faisant exploser la glycémie, innombrables additifs, conservateurs, colorants, émulsifiants. Autant de molécules nouvelles non reconnues par notre système immunitaire.
Le concept de malnutrition synergistique
Ces désordres alimentaires ont été particulièrement étudiés et publiés par le professeur Donald Rudin des universités de Harvard et de Philadelphie.
La thèse de Donald Rudin postule que les modifications alimentaires et les changements d’habitudes diététiques du XXe siècle, en interagissant avec le stress et l’absence d’exercice physique, ont créé les conditions d’un groupe de troubles non reconnus qu’il nomme « syndrome de maladie de la modernité ». Ses recherches ont prouvé que l’essentiel des maladies modernes résultent de carences qui sont les conséquences directes de ces modifications alimentaires, dont au demeurant personne n’a jamais testé l’absence de risque. Ces maladies sont les cousines germaines des déficiences vitaminiques classiques (pellagre, beri beri, scorbut, anémie ferriprive...) qui, dans le passé, ont affecté des populations entières. Rappelons-nous par exemple l’épidémie de pellagre qui a touché 3 millions de personnes dans le sud des États-Unis entre 1906 et 1940. Mais surtout, la part des Oméga-3, grand absent de l’alimentation moderne, s’effondre littéralement.
Le point essentiel à retenir est qu’il s’agit d’une malnutrition synergistique, prenant en compte de nombreux éléments qui doivent normalement interagir les uns avec les autres. Le désordre est centré sur les déficiences d’un système biologique de découverte récente : le système des acides gras essentiels, les prostaglandines et, plus récemment, les cytokines inflammatoires.
Malheureusement, les médecins – y compris les médecins universitaires – bénéficient de trop peu de nutrition clinique au cours de leur formation. Ils ne saisissent pas vraiment la portée de cette notion de synergie nutritionnelle, pourtant centrale pour la compréhension des pathologies modernes. C’est ce que résumait humoristiquement un professeur de nutrition de Harvard : « En matière de nutrition, les médecins en savent à peu près autant que ma secrétaire ; sauf lorsque celle-ci fait un régime parce qu’alors elle s’informe et devient beaucoup plus compétente ! »
De travaux scientifiques majeurs sur les Oméga-3 aux marchands du temple
C’est à la suite d’études épidémiologiques chez les Esquimaux dans les années quarante que l’on a mis en évidence la nature essentielle des Oméga-3. En effet ces acides gras sont dit « essentiels », pour décrire l’impossibilité de leur fabrication par l’organisme. Ils doivent donc impérativement être apportés par l’alimentation.
Dans les années 80, Donald Rudin a approfondi la question de ces Oméga en démontrant qu’il s’agissait d’un « nutritional missing link », le chaînon nutritionnel manquant du XXème siècle. Ses travaux, toujours inégalés à ce jour, prouvent que les carences en Oméga-3 sont un élément central de l’émergence des maladies des temps modernes. C’est l’élément qui manque le plus cruellement dans notre mode d’alimentation contemporain, au point de nous faire basculer vers la pathologie. Trente ans après la parution des travaux de Donald Rudin, en France, le succès du livre du Dr Servan-Schreiber Guérir le stress, l’anxiété et la dépression sans médicament ni psychanalyse, a propulsé les acides gras polyinsaturés sur le devant de la scène. Les Oméga-3 connurent du jour au lendemain une grande popularité. Du jour au lendemain également fleurirent soudainement une armée d’experts autoproclamés... et de petites boîtes de capsules huileuses à vendre dans toutes les officines.
À certains la renommée, à d’autres le mérite ! Comme souvent dans ces phénomènes de mode, la formule de Sénèque se vérifie. Les authentiques savants sont totalement ignorés. C’est en particulier le cas de Serge Renaud, qui aurait largement mérité le prix Nobel pour ses remarquables travaux sur le régime crétois. Son nom et ses livres sont assez peu connus. Il est pourtant à l’origine du concept de « French paradoxe » prouvant que la mortalité cardiovasculaire est plus réduite dans le sud-ouest de la France grâce à la consommation de vin et de graisse de canard, également riche en Oméga-3.
Voici comment les conclusions d’études scientifiques sérieuses finissent en bout de chaîne à faire vendre des journaux et des compléments alimentaires... Aujourd’hui, de la consultation chez son généraliste aux articles grand public, tout le monde a plus ou moins entendu parler des Oméga-3. Mais il convient de dissiper l’illusion que la prise d’une capsule d’Oméga-3 de temps en temps va résoudre nos problèmes de santé comme par miracle !
Oméga-3, mon ami
Cette star des articles santé mérite bien un petit rappel pédagogique :
Les Oméga-3 font partie de la famille des acides gras, provenant des graisses alimentaires. Les acides gras peuvent être saturés (c’est le cas la plupart du temps dans les graisses animales), mono-insaturés (Oméga-9 comme dans l’huile d’olive ou l’avocat) et poly-insaturés (regroupant les Oméga-3 et les Oméga-6). Le chiffre 3, 6 ou 9 provient de l’architecture de la molécule chimique : elle signe la position de la première double liaison à 3 carbones du groupement méthyle de chaque série d’acide gras.
Les Oméga-3 sont essentiels. Nous venons de voir en effet que le corps est incapable de le synthétiser. Ils doivent faire impérativement partie de la ration alimentaire quotidienne pour couvrir nos besoins physiologiques.
Dans la série Oméga-3, l’acide alpha linolénique (ALA) est le précurseur à partir duquel de nombreux acides gras polyinsaturés à longue chaine de la famille des oméga 3, dont l’acide éicosapentaénoïque (EPA) et l’acide docosahexaénoique (DHA) pourront être synthétisés. En théorie, seul le précurseur ALA est essentiel car il est l’élément de base qui servira à la synthèse des autres. Mais la conversion devient difficile en cas de mauvaise santé ou en prenant de l’âge. Il devient alors capital de consommer directement de l’EPA et le DHA, les plus utiles pour notre santé, et heureusement présents en abondance dans la chair des poissons des mers froides, l’huile de colza, de lin ou les noix.
Le ratio Oméga-3/Oméga-6 favorable à la santé est de 1/4. Nous devrions consommer au maximum 4 fois plus d’oméga-6 que d’oméga-3, comme c’était le cas au Paléolithique. Ce rapport, déjà en déséquilibre au Néolithique, atteint des sommets dangereux aujourd’hui dans la plupart des pays occidentaux, avec 20 fois plus d’Oméga-6 que d’Oméga-3.
Il faut saisir cette différence qualitative fondamentale entre Oméga-6 et Oméga-3. Les Oméga-6 (huile de maïs ou de tournesol) sont pro-inflammatoires alors que les Oméga-3 (dans les huiles de lin ou de poisson) sont anti-inflammatoires.
La différence est de taille car l’inflammation chronique, dite silencieuse car en deçà du seuil de perception de la douleur, est le point de départ de presque toutes les maladies chroniques. Aujourd’hui, notre environnement et notre mode de vie sont « inflammatoires ». La tendance est à inverser de toute urgence. Car, pire que les maladies de civilisations, ce sont les maladies neuro-dégénératives qui explosent aujourd’hui.
La synergie, notion centrale de l’efficacité nutritionnelle
Mais une malnutrition synergistique n’est pas une simple carence. C’est une série de petites modifications synergiques, responsable de la perturbation du système régulateur dans son entier, qui engendre le processus pathologique. Ainsi, le problème étant synergistique, la solution doit l’être aussi. Ce sont donc des traitements synergistiques qu’il faut rechercher.
Car en nutrition comme ailleurs, la synthèse est plus que la somme des parties. En d’autres termes, les effets combinés des nutriments sont supérieurs à leur action individuelle. Par exemple, l’EPA est protégé de la destruction dans le corps par des agents anti-oxydants tels que la vitamine C, la vitamine A, la vitamine E, le sélénium, etc. Si ces éléments manquent, la seule prise de compléments alimentaires sera moins efficace. Or, il faut savoir que tous les régimes alimentaires traditionnels fournissaient cette synergie.
La première réforme doit concerner le régime alimentaire qui vise :
à réduire les Oméga-6 pro-inflammatoires au profit des Oméga-3 anti-inflammatoires ;
réduire les aliments à index hyperglycémiant responsable de l’hyperinsulinisme ;
réduire les cuissons à haute température qui sont à l’origine du processus chimique de la glycation ;
réduire les calories qui font grossir (sucres d’absorption rapide et graisses hydrogénées).
La bonne nouvelle est qu’on peut y parvenir facilement en adoptant un des régimes de type crétois, méditerranéen, paléo, voire simplement traditionnel (c’est-à-dire typique de l’alimentation de notre région). Ces régimes permettent de rétablir un bon ratio Oméga-3/Oméga-6, de baisser l’index glycémique, d’apporter plus de nutriments, et de diminuer la charge acide. Mais on ne peut pas passer sur l’éviction la plus complète possible des produits transformés. Il faut impérativement revenir à une cuisine familiale à partir de produits frais, riches en fibres végétales et les plus complets possibles, selon sa tolérance digestive. Notre santé et celle de la famille toute entière ne peut pas faire l’économie d’un temps minimum passé en cuisine. Malheureusement, pour tenir compte des pesticides se concentrant dans le son, dans la peau et la chair des végétaux, ces matières premières devraient être le plus possible de culture biologique.
Il faut ensuite impérativement faire baisser, et contrôler le stress...
Il n’est en effet pas une maladie que le stress n’affecte pas. On pourrait dire que ce qui crée la maladie, c’est la maladaptation au stress. Les glandes surrénales qui gèrent l’adaptation au stress produisent des dizaines et des dizaines d’hormones qui régulent ou dysrégulent à leur tour de nombreux systèmes.
Et malheureusement, il ne s’agit pas « seulement » des soucis et des stress quotidiens en tout genre tel que nous l’entendons communément. Une dysbiose, un phénomène d’oxydation ou de glycation engendre également un stress interne, et on retrouvera dans tous les cas nos cytokines pro-inflammatoires.
La gestion du stress n’est pas un truc de bonne femme : c’est un pilier incontournable de notre santé auquel il faut accorder beaucoup de crédit.
... tout en pratiquant de l’exercice physique.
Les effets bénéfiques sur la santé physique et le bien-être émotionnel de l’activité physique sont connus depuis l’Antiquité. Ils sont confirmés par toutes les études épidémiologiques récentes démontrant un risque de décès moindre, quel que soit l’âge ou le sexe. Une activité sportive régulière, ou simplement du jardinage ou du ménage devra compenser l’accroissement du travail sédentaire au XXème siècle.
C’est dans ces conditions que les Oméga-3 auront les meilleures chances d’exercer leurs effets bénéfiques.
Supplément à l’usage des systèmes digestifs délicats
En exclusivité pour vous, voici le grand retour de la clinique à usage familial. Tout désagrément digestif devrait inciter à procéder à une évaluation complète de son système digestif. Pour se faire une première idée de son état, on peut facilement vérifier trois critères infaillibles : les selles sont de couleur marron, elles ne laissent pas de résidu sur le papier hygiénique, et elles tombent au fond de la cuvette. Si vous avez pris en considération ce bonus sans sourire exagérément, bravo vous êtes sur le chemin de la responsabilisation et de la prise en charge de vous-même en matière de santé !
En cas de difficultés de digestion (notamment des huiles de poissons), et de mauvais résultats à l’auto-évaluation décrite ci-dessus, une solution simple et pratique consiste à faire passer les acides gras par la peau qui absorbe 50 fois plus que les intestins. Privilégier l’huile de lin achetée en petite quantité et stockée au réfrigérateur pour éviter l’oxydation. Prendre 1 cuillère à café par jour à étaler sur le dos de la main, zone d’accès simple très richement vascularisée.
Adoptez un à un vos nouveaux comportements, et soyez persévérant. Vos intestins réclament soins et attention, ce que vous pouvez commencer à faire dès aujourd’hui en appliquant nos conseils. Il n’est jamais trop tard pour bien faire...