Le Portugal a été la victime ces derniers jours d’un coup d’État silencieux organisé par des dirigeants pro-européens de ce pays [1].
Cet événement est particulièrement grave. Il survient alors qu’est fraîche la mémoire du coup de force réussi contre le gouvernement grec par la combinaison de pressions politiques venant de l’Eurogroupe et de pressions économiques (et financières) en provenance de la Banque centrale européenne. Il confirme la nature profondément antidémocratique non seulement de la zone euro mais aussi, et on doit le regretter, de l’Union européenne.
Le résultat des élections portugaises
On a beaucoup dit, en France en particulier, dans la presse que la coalition de droite était sortie vainqueur des dernières élections législatives portugaises. Ceci est faux. Les partis de droite, emmené par le Premier ministre, M. Pedro Passos Coelho, n’ont réuni que 38,5% des suffrages, et ont perdu 28 sièges au Parlement. Une majorité d’électeurs portugais a voté contre les dernières mesures d’austérité, en fait 50,7%. Ces électeurs ont porté leur vote sur la gauche modérée mais aussi sur le Parti communiste portugais et d’autres formations de la gauche radicale. De fait le Parti socialiste portugais a 85 sièges, le Bloc de gauche (gauche radicale) 19 et le Parti communiste portugais 17. Sur les 230 sièges du Parlement portugais, cela en donne 121 aux forces anti-austérité, quand la majorité absolue est de 116 [2].
Un accord aurait pu être trouvé entre les partis de droite et le Parti socialiste. Mais cet accord n’était clairement pas possible sans une remise en cause d’une partie du programme d’austérité qui découle de l’accord passé entre la Portugal et les institutions européennes. Ceci n’est pas sans évoquer la situation de la Grèce…
Les socialistes, et le « bloc de gauche » ont clairement dit que cet accord devait être révisé. C’est ce qui a motivé le président Cavaco Silva dans sa décision pour rejeter le projet de gouvernement présenté par la Gauche. Mais, les attendus de sa déclaration vont encore plus loin. Il a dit :
« Après tous les importants sacrifices consentis dans le cadre d’un important accord financier, il est de mon devoir, et dans mes prérogatives constitutionnelles, de faire tout mon possible pour empêcher de faux signaux d’être émis envers les institutions financières et les investisseurs internationaux [3]. »
C’est cette déclaration qui pose véritablement problème. Que M. Cavaco Silva pense qu’un gouvernement de la gauche unie puisse conduire à un affrontement avec l’Eurogroupe et l’UE est son droit, et c’est même très probablement le cas. Mais, dans une république parlementaire, comme l’est le Portugal actuellement, il n’est pas dans son pouvoir d’interpréter des intentions futures pour s’opposer à la volonté des électeurs. Si une coalition de gauche et d’extrême-gauche a une majorité au Parlement, et si elle présente – ce qui était le cas – un programme de gouvernement, il doit lui laisser sa chance. Toute autre décision s’apparente à un acte anticonstitutionnel, un « coup d’État ».