Si l’on s’interdit de grossir les rangs de la victimologie lacrymale quand un Noir d’Amérique du Nord agonise si lentement qu’il a le temps de voir défiler ses huit minutes de suffocation, au motif de ne pas nourrir le dessein de récupération politique, ce n’est pas non plus pour donner dans la lacrymologie victimaire quand un Blanc d’Afrique du Sud se fait trancher à la machette dans le sens de la longueur. Nous exhorter à pleurnicher pour le fermier blanc tout en nous demandant de ravaler notre émotion face au fumier noir, est un raccourci qui peine à me convaincre, d’autant que :
1- La plupart des propriétaires agraires blancs d’Afrique du Sud avaient senti le vent tourner lorsque Mandela a passé la main à Thabo Mbeki, puis à cet obscurantiste de Jacob Zuma, et ont soit remigré vers la Hollande de leurs ancêtres soit immigré en Nouvelle Zélande ou en Australie, anticipant la vendetta.
Par conséquent, la découpe du Blanc en Afrique du Sud reste anecdotique. "La bagarre", comme dirait Dieudonné.
2- Certes, les Boers ont apporté la modernité technique aux Bantous chasseurs cueilleurs ; nul ne conteste la paternité blanche du développement économique de l’Afrique du Sud, la question n’est pas là. Le problème est de savoir à qui a profité ce progrès. À en juger par les bidonvilles en carton-pâte, ravagés par les viols, le sida et l’analphabétisme, il convient de tempérer un certain enthousiasme sur l’apport de l’homme blanc à ce "pays". Pour le coup, il est loisible de dire qu’en Afrique du Sud, l’homme blanc (au sens messianique où l’entendait Kipling) a totalement failli à son devoir civilisateur. L’apartheid n’est pas un idéal universel de civilisation dans lequel un homme blanc peut se reconnaître sans rougir.
3- Le seul progrès dont le Blanc peut se prévaloir en Afrique du Sud est d’y avoir bâti un contre-modèle de civilisation (la ségrégation raciale), ou plutôt un parangon de dystopie civilisationnelle dont l’effondrement sert de préfiguration, joyeuse, au délitement involutif de l’entité fondée sur la spoliation et la discrimination ethno-confessionnelle.
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