Les statistiques de la natalité française sont en berne. Pourtant, lorsque l’on prend le TGV, ils sont partout : des poupons déambulant en chaussettes dans les allées des wagons, la main exploratrice, grasse, sur laquelle la pince de leur mère se referme, non pas pour les aider à regagner leur siège, mais pour revendiquer la patente de ce chef d’œuvre de la manufacture ventrale, les encourager dans leur procession martiale, les bras maintenus fièrement en l’air comme un linge de Portugaise, tendu au balcon.
On nous dit que le nombre de naissances chute, mais ces gueules édentées de vieillards tout neufs promènent partout leur suffisance de vilaines miniatures en bois de l’époque Ming, s’arrêtent devant vous dans l’espoir de vous arracher un compliment émerveillé, et ne repartent jamais avant d’avoir entendu : « Oh, qu’il est mignon ! Il a quel âge ? » Les enfants ne sont pas partis, ils sont partout.
Ces Lilliputiens omniprésents, que la fierté parentale a promus empereurs, règnent sur les TGV, d’une autorité auguste dont seule peut se prévaloir une petite figurine articulée, pleine de gazouillis, de hurlements stridents et de compote décomposée.