3 – La politique industrielle de Barack Obama : le complexe militaro-industriel
Un détour par le complexe militaro-industriel, avant de conclure. Il se trouve en effet que nous avons là un autre « signal » tangible sur ce que sera la politique Obama. Les Etats-Unis des années 2000 ressemblent un peu, sous certains angles, à l’URSS des années 1970. Il n’y a plus grand-chose qui marche bien, mais il reste tout de même un domaine où l’argent ne manque jamais, et où l’on produit toujours plus : le complexe militaro-industriel.
Le développement de ce complexe militaro-industriel hypertrophié n’est pas, contrairement à l’image que nous nous faisons en France, une spécificité républicaine. La croissance des dépenses militaires dans une logique ne correspondant plus aux exigences stratégiques date de Bill Clinton, qui développa sans relâche les ventes d’armes américaines à l’étranger, au moment même où il laissait se créer les conditions d’une implosion du reste de l’appareil productif US. Cette politique militaro-économique a été amplifiée encore sous George Bush, mais ce dernier ne l’a pas initiée.
Or, l’élection d’Obama ne devrait logiquement entraîner aucune modification dans cette politique, puisque pour la première fois dans l’histoire des Etats-Unis, un président nouvellement élu a conservé en poste le secrétaire à la Défense et à la Guerre de l’administration sortante, en l’occurrence Robert Gates. Une des raisons de la poursuite de cette politique « américano-brejnévienne » est, soit dit en passant, que de nombreux membres du Congrès ont investi dans le complexe militaro-industriel. Là encore, la ressemblance avec l’URSS corrompue de Brejnev est troublante.
Enfin, signalons que les industriels de l’armement ont investi, dans la campagne d’Obama, des sommes considérables, légèrement supérieures même, semble-t-il, à celles investies dans la candidature républicaine. C’est dire la probabilité pour qu’il révise le choix impérial des Etats-Unis, la politique militaro-industrielle qui l’accompagne…
… et la structure cible de l’économie américaine définie par ses prédécesseurs : une économie impériale fondée sur la prédation intérieure et extérieure.
4 – Les USA au bord de la révolution ?
Or, pour comprendre la gravité de la situation réelle aux Etats-Unis, pour mesurer le problème posé par l’absence d’une vraie politique de relance et de réforme de la part d’un président Obama dont la cote de popularité s’effrite déjà à vitesse grand V, il faut se reporter aux chiffres récents sur le désastre social. En mars, 130.000 foyers américains se sont déclarés en faillite personnelle, ce qui traduit une croissance de 40 % des cas de faillite personnelle sur un an. Le même mois, le nombre de maisons saisies pour défaut de paiement avoisine 340.000, en hausse par rapport aux mois précédents. Selon les sociétés de crédit, le taux de cartes de crédit irrécouvrables devrait rapidement s’établir à 10 % (ce qui veut dire en gros qu’un Américain sur 10 est ruiné, et que cela peut devenir encore pire). La crise, sur le terrain, s’accentue de mois en mois. Elle est en train de rattraper en violence les lointains souvenirs de la Grande Dépression.
Les Etats-Unis ne sortiront pas l’ornière sans « redistribuer les cartes ». Or, pour l’instant, c’est le contraire qui va se passer : 40 % des entreprises américaines ont bloqué ou révisé à la baisse de leurs employés, ou encore s’apprêtent à le faire. Le marché déjà insolvable va donc littéralement imploser, si rien n’est fait… et apparemment, pour l’instant, rien n’est fait. A ce stade, il n’y a aucun plan massif pour la refondation des relations sociales, ou pour une relance directe par l’injection de moyens aux ménages. Les Etats fédérés, presque tous au bord de la cessation de paiement (certains ruinés par les produits dérivés inventés par Wall Street), effectuent des coupes claires dans les budgets sociaux déjà sous-dimensionnés, et l’Etat fédéral ne les aide pas. L’équipe Obama a trouvé beaucoup d’argent pour sauver Wall Street, qui ne produit rien. Elle n’en a, apparemment, pas trouvé autant pour l’industrie, mal gérée mais productive – et elle n’en a pas trouvé du tout pour la population fragilisée.
Quand on se souvient que ceci arrive alors que Goldman Sachs, la banque dont est issu l’ancien secrétaire Paulson, vient d’annoncer un bénéfice de 1,8 milliards de dollars, après avoir bénéficié du plan de stabilisation bancaire, on imagine ce que doivent penser les millions de travailleurs américains confrontés à cette violence sociale tout simplement inouïe (travailleurs victimes parmi lesquels on compte, signalons-le au passage, 400.000 employés du secteur bancaire – et ce sont ces licenciements massifs qui expliquent, avec quelques manipulations comptables, les profits inattendus du secteur bancaire US au premier trimestre 2009).
Le cynisme qui se déploie outre-Atlantique, à l’occasion de la crise en cours, est tout bonnement incroyable. Et les conséquences commencent à se faire sentir…
Un sondage est paru récemment aux USA sur les options politico-économiques des jeunes Américains. C’est peu de dire qu’il est étonnant. 36% des Américains de moins de 30 ans préfèrent le capitalisme, 33% le socialisme, 31% ne sont pas décidés. Aux Etats-Unis, ces résultats sont stupéfiants. Aussi stupéfiants que, disons, un Mur de Berlin s’écroulant pratiquement d’une heure sur l’autre…
(1) On remarquera l’hilarante analyse de la convergence franco-allemande par Nicolas Sarkozy : les Allemands, selon ses dires, auraient été « obligés » de se rallier à « ses » vues géniales, quand ils ont pris conscience de la fragilité de leurs banques (déclaration publique). Comme si le reste de nos ennuis ne nous suffisait pas, il faut en plus que notre pays soit dirigé par le remplaçant de Bush dans le rôle du benêt mondial ! (2) Rappelons aux lecteurs monétaristes qu’en principe, une crise est plus facile à surmonter quand on a des créances, des usines productives et un marché intérieur à développer, plutôt que quand on a des dettes, des usines en sous-investissement et un marché intérieur non solvable.
E&R - Michel Drac