C’est rien de le dire. La défaite honorable – avec les moyens du bord, un paquet de Bleus touchés par les blessures et d’étranges maladies – en finale de Coupe du monde a durci et précipité les conflits qui agitaient gentiment le football français.
Il y a toujours eu des intérêts divergents et des fractures, sauf que là, ça prend des proportions dangereuses et ça déborde de partout. Les clans se rendent coup pour coup. Ils incluent le président de la République, les investisseurs du Qatar, le président de la FFF Noël Le Graët, Didier Deschamps, Zinedine Zidane et les journalistes qui les soutiennent (ou les démolissent), c’est-à-dire ceux de Canal+ ou RMC, sans oublier ceux de BeIn Sports, plus discrets quand même.
On en arrive, alors que le football français exporte ses meilleurs joueurs partout (sauf Mbappé, retenu par le Président en personne), qu’on a joué deux finales de CDM de suite, que Mbappé est le prince du sport-roi, que les millions ruissellent sur nos clubs (l’OL a récemment fait entrer l’investisseur US John Textor et ses 800 millions d’euros – soit 80 % de la maison lyonnaise – dans le capital), à une situation ingérable.
Allons droit au but : Zidane rêve depuis longtemps de remplacer Deschamps, à la tête des Bleus depuis 2012 (une finale d’Euro, 2 finales de CDM), et qui vient de rempiler jusqu’à 2026, mais le palmarès de son ancien coéquipier des Bleus des années 90-2000 joue en sa défaveur. Il ronge son frein dans son coin en attendant la chute de Dédé, mais elle ne vient pas.
Et si Zizou a enquillé les titres avec le Real (3 Ligues des champions), il n’a pas l’oreille de Le Graët, entre autres parce qu’il a soutenu Benzema quand ce dernier était sous les feux de la justice. Benzema, qui a été écarté des Bleus au Qatar par le noyau Griezmann-Mbappé-Giroud, a difficilement caché son ressentiment. Tout est parti de là.
C’est aussi hors sol et irrespectueux que lorsqu’il propose des plans à trois à des femmes du foot français #GrandeNoël#EtUneEtDeuxEtTroisZero #CaSauteApreslAudit https://t.co/GIVRN0hwTh
— Romain Molina (@Romain_Molina) January 8, 2023
Aujourd’hui, le journaliste d’investigation Romain Molina tire à boulets rouges sur Le Graët, Le Graët flingue Zidane, et les lieutenants de Benzema chargent le noyau dur des Bleus. Il ne manque plus que les couvs tabloïds anglais ou allemands pour que la fête soit complète. Derrière, comme toujours, au-delà des histoires ou des scandales de cul, il y a la raison financière, qui charpente le football français.
Les grands acteurs de ce marché
TF1, premier soutien de l’équipe de France
La chaîne du groupe Bouygues a investi 30M sur les Bleus en 2022 et a engrangé 150M en pubs. On parle d’un bénef de 75M. La chaîne a signé sur cette belle lancée un nouveau contrat jusqu’en 2028 pour diffuser tous les matchs des Bleus, qui reviendront à près de 3M l’unité. TF1 a déjà par le passé dicté sa loi, jusqu’au casting des Bleus, on se souvient de l’éviction de Ribéry ou de Benzema. Les panels de téléspectateurs et les sondages quali ont parlé.
La puissance discrète d’un Jean-Claude Darmon
Le natif d’Oran aura longtemps conservé le monopole sur le foot français, mais il est un ennemi déclaré du Graët. Plus largement, on doit prendre en compte le poids des agents ou agences qui tiennent les grands joueurs et draguent les futures stars (voir le cas Camavinga passé de Rennes au Real en un coup de baguette magique zidanienne), faisant monter encore prix et enchères, donc la tension sur le marché.
Noël Le Graët, l’intouchable
Le Breton tient fermement les rênes de la FFF depuis 2011 (et 20 ans auparavant ceux de la Ligue), mais il est aujourd’hui en butte avec le ministre des Sports Oudéa, qu’il méprise ouvertement. Au-dessus de lui, c’est le soleil, avec l’axe Macron-Mbappé, qui ne cache plus ses complicités et ses intérêts communs.
Les gazodollars du Qatar
L’émirat exploite la notoriété économico-politique du PSG, un club plus mondialiste que français partagé entre l’Élysée et Doha. On comprendra assez vite le rôle pivot et l’énorme pression qui pèse sur un Mbappé, malgré son jeune âge.
À côté de ça, Zidane, malgré son palmarès et sa notoriété, ne pèse pas assez lourd face à Deschamps, le protégé du Graët. On l’aura compris : les luttes de clans autour du gâteau sont inévitables. Et quand Le Graët, qui se sent invincible, renvoie Zidane dans ses 22, Mbappé et le ministre des Sports (épouse d’un grand banquier) lui tombent dessus.
Zidane c’est la France, on manque pas de respect à la légende comme ça…
— Kylian Mbappé (@KMbappe) January 8, 2023
Déclarations à nouveau hors sol avec en prime cette fois un manque de respect honteux, qui nous heurte tous, à une légende du foot et du sport : un "président" de la première fédération sportive de France ne devrait pas dire ça.
Des excuses pour ce mot de trop sur Z.Zidane svp. https://t.co/FUdE76nBz0— Amélie Oudéa-Castéra (@AOC1978) January 8, 2023
Si l’on croit Le Graët soutenu à 100 % par Macron, on se trompe : le ministre des Sports – qui n’a aucune autorité – a déclenché un audit sur la fédération pour des accusations de harcèlement... Une manière de tenir monsieur FFF ?
Quand Riolo tente de remplacer Deschamps et Le Graët
« Il y a peut-être beaucoup de supporters en France qui se disent “ce serait pas mal que Zidane reprenne l’équipe de France et qu’on voit autre chose”, et puis j’ai envie de dire à Emmanuel Macron que, plutôt de s’occuper de savoir si Deschamps doit rester, il devraient plutôt s’occuper de savoir si Le Graët ne doit pas partir, parce que le président de la fédé a un audit sur le fonctionnement de la fédé en cours, dont on connaîtra les conclusions mi-février. Il a évidemment, en bon politicien qu’il est, cherché à se cacher derrière les résultats de l’équipe de France.... »