Dans Extension du domaine de la lutte, en 1994, Michel Houellebecq avait recouru à des sauts de ligne pour faire ressortir la thèse centrale de son livre, car il savait qu’elle apportait un éclairage inédit : « La sexualité est un système de hiérarchie sociale ».
Il faudrait cette fois employer un burin pour ajouter ceci dans chaque esprit de chaque « gentil garçon » de France qui glisse vers cette addiction sournoise : « La pornographie est le sommet de cette hiérarchie ».
Là on froncera peut-être les sourcils ; est-ce un sujet d’enquête valable ? Si la moitié des connections internet quotidiennes constituent probablement un sujet d’enquête valable, il faut admettre que les enquêtes d’investigation comme il en sort environ dix par an sur le sujet ne posent jamais les questions oratoires d’Envoyé Spécial ou de Zone Interdite : Qui produit ? D’où viennent les financements ? Quels sont leurs réseaux ? etc..
On attend toujours que nos journalistes à-qui-on-ne-la-fait-pas se posent seulement la question, eux qui ont étudié le sujet, nos Olivier Alexandre, Patrick Baudry, Denna Harmon, Laureen Ortiz, Boris Laurent, Gary Wilson, Matt Fradd, Ben Shapiro, Gail Dines, Mark Chamberlain etc, idem des dossiers bi-annuels de GQ ou de Vice Magazine. Tous semblent ignorer les deux cents studios planqués quelque part en Californie, et leur syndicat central Adult Video Network.
La sociologie du hardeur exigeait de faire aussi celle – passez l’expression, du branleur, car si le premier existe dans la hiérarchie du marché de la rencontre c’est grâce à la frustration du second reclus dans le virtuel. Il faudra, on peut le craindre, davantage que les conseils pratiques du mouvement Nofap pour vaincre une solution de facilité qui mine le moral à long terme et empêche la saine rencontre avec la femme.
Sociologie du hardeur est une longue discussion de bistrot entre deux anciens amis de collège qui se recroisent une fois trentenaires pour échanger des souvenirs, et notamment celui de leur initiation aux filles, initiation gâchée par l’exposition simultanée à la pornographie. C’est aussi une enquête au cours de laquelle Cyril révèle à un certain Lou, les éléments qu’il a glané au cours d’une enquête de terrain. Si un type de 20 ans un peu émotif, un peu seul, souhaite opérer un sevrage durable de ce poison il devra en passer par une compréhension claire du système qui l’incite à cliquer sur le fameux onglet « J’ai plus de 18 ans, visiter le site ».
On découvrira que le porno s’avère un puissant moyen darwinien de réduction de la population, que les lois qui encadrent de plus en plus les rencontres réelles, libres ou tarifées, ouvrent la voie au virtuel invasif. L’homme coupé de la femme est pris d’une soif que la pornographie va non pas étancher mais enfermer dans la cellule capitonnée d’une prison virtuelle, prison rendue avec le web à la fois mondiale et pilotable à distance (par les geôliers ?). La baisse tendancielle du taux d’excitation exige le renouvellement perpétuel d’un porno de plus en plus agressif et son extension à toutes les classes, à tous les âges de la vie. Les pornocrates exploitent l’armée de réserve d’un sous-prolétariat inépuisable, et ainsi le système se survit à lui-même, contrairement aux consommateurs.
En 1996, Sociologie du dragueur d’Alain Soral et en 2016, Sociologie du gamer d’Adrien Sajous donnaient des clés pour mieux appréhender respectivement la rencontre avec les femmes pour le premier, et la sortie d’addiction aux jeux vidéos pour le seconde. Ce « troisième tome » veut prolonger l’analyse de ces aînés et leur pédagogie de développement personnel. Dominer sur son propre corps et oser rencontrer des femmes sont, chacun en fera l’expérience, l’une des plus hautes joies de ce bas monde. Le jeune homme occidental, il me semble, a fort à faire pour s’extraire du piège qu’on lui tend sur le chemin de cette rencontre. Pour simplifier, je le vois tenaillé entre la peur du migrant africain d’un côté et la dinguerie LGBT anti-homophobe de l’autre côté, et ces deux fronts en apparence distincts grandissent chaque année davantage. La sociologie du porno américain (90 % du flux mondial) montre une sur-représentation d’acteurs à la fois noirs (c’est connu) et pédés (c’est moins connu), pour se départager les « blanches » bien soumises livrées par Greg Lansky et ses confrères.
Certains lecteurs n’y croient pas ? Qu’ils cherchent… Hormis Rocco S, Manu F. et deux ou trois exceptions, au moins 15 des 20 hardeurs « stars mondiales » sont des homosexuels sous viagra qui jouent au métisseur viril (qu’ils ne sont pas). Il serait bien présomptueux de faire des complexes sur des tocards, mais l’une des missions des Rastapornpoulos de Californie consiste aussi à faire complexer le gentil garçon. La question que ne posent jamais tous nos « enquêteurs » cités plus haut serait plutôt de savoir qui a mis là ces tocards, et dans quel but, pour quel rôle, à quelles conditions etc… Sociologie du hardeur, en répondant à ces questions, a pour mission d’aider à comprendre le projet global de soumission par l’image dont le gentil garçon est sans le savoir, la cible. Quel projet global ? A peu près « Faire de chaque homme un sous-homme ».
Le lecteur souhaitant en savoir davantage trouvera sur le lien ci-dessous ce livre publié chez Kontre Kulture, que l’auteur doit à la recommandation bienveillante de Laurent Guyénot et au travail remarquable de l’équipe d’édition (papier crème, couverture etc).