Tous les amateurs de trains et les personnes concernées par la problématique de la dénationalisation connaissent cette ligne Carhaix-Paimpol. Qui ne perd pas d’argent, argument numéro un des privatiseurs.
« De prime abord, rien ne différencie la ligne Carhaix-Paimpol des autres. Cependant, elle n’est pas gérée par la SNCF, mais par la CFTA, Société générale des chemins de fer et de transports automobiles, dans laquelle Veolia a des parts. L’entreprise sous-traite l’exploitation pour le compte de la SNCF. » (Source : france3-regions)
Cependant, il n’est pas sûr qu’on puisse multiplier la ligne Carhaix-Paimpol par mille pour obtenir un réseau national bénéficiaire. Quand Free a été autorisée à prendre une part de marché à France Télécom, devenue Orange, les investissements lourds avaient déjà été faits. Free a bénéficié de ces milliards investis par les Français à travers l’État sur des décennies.
C’est grâce à cela que Free a pu casser les prix, il est vrai avec une politique d’augmentation technologique de qualité. Le service, lui, sera moins efficace. N’oublions pas que Free paye un impôt à Orange sur chaque ligne vendue qui utilise le réseau Orange...
La naissance des opérateurs de téléphonie en face de l’opérateur public a réveillé la vieille maison, qui ronronnait sur ses effectifs mexicains, mais la réforme a été douloureuse : personne n’a oublié le management agressif qui a conduit à plusieurs dizaines de suicides et un nombre incalculable de burn-out et de dépressions chez les personnels « à l’ancienne ».
Après l’opérateur téléphonique national au début des années 2000, c’est à la SNCF de subir la pression des hommes politiques libéraux à la solde du Marché. Il y a 15 ans, il n’y avait pas eu de grève générale à France Télécom. Aujourd’hui, il y a une différence : les cheminots sont prévenus. Cette grève peut donc faire très mal, des deux côtés.
Sur la petite ligne qui intéresse les médias dominants, un agent devient polyvalent :
« “Nous faisons tous les métiers : conducteur de train, agent de bord, vente de titres de transport, maintenance de la voie ferrée et des passages à niveaux”, affirme Loïc Lanne, directeur CFTA Bretagne. Une salariée confirme : “Chez nous, on est polyvalents. On peut être au guichet en gare à Paimpol, agent de circulation, agent d’accompagnement, chef de train.” »
On sent que quatre emplois se sont fondus en un seul. Une sorte de synergie à l’échelle individuelle :
« Aujourd’hui, les voyageurs ne remarquent pas cette différente, car ils réservent leurs billets sur le site de la SNCF. En revanche, les salariés, eux, la ressentent : ils n’ont pas le statut de cheminot. "J’ai 60 ans et je travaille toujours ici. Chez la SNCF, j’aurais arrêté de travailler depuis huit ans", constate Jean-Yves Le Mahoariec, conducteur. »
L’argument économique prime la pénibilité du travail :
« À l’heure où il est question de réformer la SNCF, cette organisation unique pourrait servir de modèle pour d’autres lignes. Elle coûte trois fois moins cher que si elle était gérée par la SNCF. »
Depuis deux ans environ, les reportages se multiplient comme par hasard sur les trains et leur exploitation dans les autres pays d’Europe, surtout du Nord. On voit un jeune patron qui gère une ligne en Suède et qui gagne de l’argent, des Allemands qui ont brisé leur Deutsche Bahn il y a 30 ans qui ne sont pas mécontents... En revanche, pas un mot sur la dégradation du train britannique, qui a hérité de la purge thatchérienne... Ce n’est pas nous qui le disons, c’est La Tribune, peu suspecte de bolchevisme :
« La qualité du service ferroviaire se détériore à vitesse grand V outre-Manche, 20 ans après la privatisation de British Rail. Hausse incontrôlée du prix des billets, trains supprimés et réduction du personnels conduisent près de deux Britanniques sur trois à souhaiter une renationalisation complète. A cela s’ajoutent de nombreuses grèves, notamment dans le sud du pays, où les conducteurs et les chefs de train entament demain leur 33e jour de mouvement en moins d’un an. »
Voilà pour le résumé. Attaquons l’argument économique :
« Selon des estimations du Labour, le prix des billets annuels a ainsi augmenté de 27% depuis 2010. Après avoir comparé les prix de 200 lignes, le parti emmené par Jeremy Corbyn, militant de la renationalisation, estime à 2.788 livres (3.222 euros) le coût du pass, soit 594 livres (686 euros) de plus qu’en 2010. Pas mieux, pour le syndicat TUC, selon lequel le prix moyen des billets de train augmente deux fois plus vite que l’inflation. Résultat, les Britanniques déboursent chaque mois six fois plus que les Français simplement pour se rendre sur leur lieu de travail. 14% de leur revenu mensuel, très exactement, contre 2% pour les usagers de l’Hexagone. »
Selon Guillaume Pepy, le monsieur Retard en charge de la réforme interne, cette ouverture à la concurrence (on ne dit pas privatisation, c’est un gros mot chez nous) va améliorer la qualité de service. Réponse encore une fois d’outre-Manche :
« Sauf qu’en dépit des prix exorbitants, force est de constater que la qualité du service laisse à désirer. Usagers et conducteurs constatent les mêmes dysfonctionnements : retards à répétition, suppressions de trains et réduction des effectifs en gare. Dans le sud du pays, la situation est particulièrement catastrophique. Entre avril 2015 et mars 2016, quatre trains sur cinq du réseau Southern Rail, qui permet à 300.000 personnes de se rendre à Londres chaque jour depuis Eastbourne, Brighton & Hove ou encore Crawley, étaient en retard. Pire, le très fréquenté Brighton-Londres de 7 heures 29 n’est pas arrivé une seule fois à l’heure en 2014... »
L’Union européenne a fixé l’ouverture du rail à la concurrence pour 2020. En France, 80 ans après la nationalisation des compagnies privées de chemin de fer, on parle désormais de privatisation... « rampante ».