« Gentrification (de gentry : petite noblesse) : tendance à l’embourgeoisement d’un quartier populaire ». Étudié pour la première fois à Londres dans les années 1960 [1], le phénomène de gentrification se constate à présent dans toutes les grandes villes : des groupes sociaux aisés investissent petit à petit un quartier, ouvrant des commerces, s’installant dans les habitations, faisant au final flamber les prix de l’immobilier, forçant les plus modestes à déménager. Ainsi, à Paris, le quartier du Marais, populaire au début du XXe siècle, est aujourd’hui l’un des quartiers aux loyers les plus élevés.
En ce début de XXIe siècle, le « gentrificateur » type n’est plus le bobo (bourgeois-bohème), mais le hipster. Terme anglo-américain né dans les années 1940 pour désigner les jeunes blancs amateurs de jazz et qui fréquentaient les musiciens afro-américains, les hipsters se retrouveront dans la Beat Generation des années 1950. Aujourd’hui, le hipster est généralement un jeune de classe moyenne-supérieure, sans enfant, travaillant souvent dans la communication ou la publicité, accro aux produits high-tech dernier cri, aux sorties, revendiquant une culture personnelle, et surtout, ne se qualifiant jamais lui-même de hipster. Il arbore bonnet et barbe, vêtements faussement négligés, a son propre langage truffé d’anglicisme, se déplace à vélo, ouvre des boutiques de cupcakes sans gluten, cherche à vivre des expériences culturelles (au restaurant, à un concert…), et fréquente d’autres hipsters dans des lieux de hipsters.
La flambée des prix
La gentrification de la société par les hipsters porte plus précisément le nom de « brooklynisation » : en effet, c’est dans le quartier de Brooklyn de New York, considéré aujourd’hui comme modèle à suivre, que, au tout début des années 2000, des journalistes ont constaté l’apparition d’une nouvelle vague hipster. Cet arrondissement de New York, qui compte plus de deux millions et demi d’habitants, a connu une profonde modification de sa population à la fin des années 1990 : de nouvelles populations s’installèrent dans les quartiers ouvriers de Williamsburg et Greenpoint ; des gens travaillant dans les médias, des artistes, qui ne veulent plus vivre dans les gratte-ciel de Manhattan, mais ne veulent pas non plus partir en banlieue. Ils cherchent de « l’authenticité »… Brooklyn, avec ses communautés diverses, devient leur lieu de prédilection. Avec, à la clef, une modification de l’environnement et une hausse des loyers… Quartier historique des hipsters, c’est le nom de Brooklyn qui est utilisé dans la publicité et le marketing pour qualifier le nouveau « cool », à l’image de l’événement « Brooklyn Rive Gauche » organisé par le grand magasin Parisien le Bon Marché, en septembre 2015…