Théodophilos III, le pape de Jérusalem, Sa Béatitude le patriarche de la sainte église orthodoxe grecque de Jérusalem et de la Terre sainte, car tel est son titre habituel, ose à peine se rendre dans les églises de nos jours. Chaque fois qu’il arrive, ses brebis l’attendent au dehors et l’empêchent d’entrer. La semaine dernière, la police juive l’a aidé à pénétrer dans une église de village, tandis que des centaines de croyants se pressaient pour le conspuer à grands cris. Il y a un plan pour l’empêcher de pénétrer à Noël prochain dans la Basilique de la Nativité.
Il faut se souvenir que son prédécesseur Irineos avait été déposé par les évêques douze ans plus tôt, et que depuis lors il vit dans une cellule solitaire dans le monastère, car il refuse de sortir de ses murs. Il sait que s’il s’en va, il ne sera pas autorisé à revenir. Considérant ses souffrances, l’actuel patriarche n’est pas porté à la complaisance.
Le bas clergé et les laïcs, les Palestiniens chrétiens de la Terre sainte, sont très ennuyés avec ce patriarche et avec la tournure que prend la direction de l’Église. Le patriarche est en train de vendre des terres de l’Église à des prix de braderie ; les terres de Césarée, propriété de l’Église, ont été cédées par lui pour un prix plus bas que celui d’une seule des maisons de cet immense espace. Bientôt l’Église va se retrouver dépouillée, et la communauté chrétienne de Palestine établie par le Christ lui-même va disparaître, disent les ecclésiastiques.
Mais l’argent n’est pas tout. Le patriarche ne permet pas aux Palestiniens de s’élever au sein de l’Église ; un seul Palestinien, Sa Béatitude Theodosius Atallah Hanna, archevêque de Sébaste, a été ordonné il y a des années mais même lui n’a pas été autorisé à participer aux décisions de l’Église, il est tenu à l’écart du Synode, qui est l’organe directeur de l’Église, à l’écart de la Fraternité du Saint Sépulcre, il n’a même pas une église à lui, il n’a pas de salaire, c’est le seul archevêque qui soit ainsi maltraité. Tout cela parce qu’il n’est pas de sang grec.
Dans l’Église orthodoxe, seuls les moines peuvent prétendre devenir évêques, tandis que les simples prêtres paroissiaux peuvent se marier, ce qu’ils font en général. Le patriarche n’autorise pas les moines palestiniens qui ont fait leurs études de théologie en Grèce à retourner en Terre sainte, afin qu’ils ne puissent pas prétendre à la chasuble épiscopale dans son Église. Il y a maintenant 24 moines palestiniens dans des monastères en Grèce ; tous ont demandé à être nommés sur leur terre natale, et cela leur a été refusé à tous.
« Si vous voulez vous installer en Palestine, renoncez à vos rites monastiques et mariez-vous. Autrement, restez au loin », leur a répondu le Patriarche. Tous les évêques de l’Église de Jérusalem sont des Grecs ethniques ; et ils sont bien décidés à prolonger éternellement cette occupation.
Tandis que les sionistes tiennent les Palestiniens à l’écart des décisions politiques (même les Israéliens de gauche n’autorisent jamais des partis palestiniens à rejoindre le gouvernement) les Grecs tiennent les Palestiniens, descendants des Apôtres, à l’écart pour ce qui est de contrôler l’Église. Tout le monde est au courant de l’occupation juive en Palestine, c’est fréquemment l’objet de débats à l’ONU, les présidents en jouent tandis que les militants la combattent, mais l’occupation grecque de l’Église de Jérusalem n’est jamais mentionnée en bonne compagnie.
Bien des Grecs excellents soutiennent la lutte contre l’occupation, et prennent la mer pour briser le blocus de Gaza. C’est sûrement très bien, mais ce serait encore mieux s’ils prenaient position contre l’occupation grecque.
L’Église grecque, c’est-à-dire l’Église orthodoxe de Grèce, connaît parfaitement cette histoire honteuse. Leurs évêques se rendent en Terre sainte et rencontrent les chrétiens palestiniens. Mais ils n’osent pas affronter la hiérarchie de l’Église de Jérusalem et, sous la direction de l’actuel patriarche, ils considèrent les Palestiniens comme leur propre vache à lait, à traire à souhait.