L’émission a duré 25 minutes et 31 secondes. Elle s’appelle 8h30 Fauvelle/Dély, un titre affreux, et elle est diffusée sur franceinfo, le site internet mi-télé mi-radio du service public audiovisuel. Le 13 mai 2019, Renaud Dély et Marc Fauvelle reçoivent Daniel Cohn-Bendit, qui a été récemment interrogé dans le métro par le vrai journaliste Marc Rylewski, alias Isadora Duncan, à propos de ses attouchements sur des enfants.
L’omission est la première désinformation
On a guetté les questions des deux journalistes, on a attendu la question journalistique qui rebondit sur le fait du moment, l’altercation entre le paparazzi et le pédophile, on s’est goinfré 25 minutes et 31 secondes de blabla politicard sans intérêt mais qui intéresse les journalistes mainstream, et aucune question n’est venue. Marc & Renaud ont tout simplement oublié de poser la question principale, la question morale qui sous-tend toutes les autres : êtes-vous toujours pédophile, monsieur Cohn-Bendit ?
Cela s’appelle une clarification et c’est le job numéro un du journaliste politique qui est là pour éclairer les gens, pas pour les laisser dans le brouillard. Car la politique c’est du brouillard, du naturel comme de l’artificiel.
À la place de ça, on a eu droit au numéro de déférence habituel du journalisme français, du journalisme de cour qui attend la petite phrase à la con qui va faire le tour des rédactions et qui va faire buzzer l’émission. C’est tout. Cette phrase c’est « Les Verts français, c’est une secte », voilà, ce dont 99% des Français se foutent car cela n’intéresse pas leur quotidien (les Verts sont 3 000, les Gilets jaunes des millions). Mais pour le système politico-médiatique, c’est de la plus haute importance. Cela va générer un jeu de mots du Canard enchaîné (Vert/verre, secte/insecte, Bendit/bandit), des reprises partout, un droit de réponse de Yannick Jadot, le patron des Verts, des Verts qui ont vu leur tête changer 10 fois ces dernières années, à l’image de l’Olympique de Marseille qui change d’entraîneur comme de chemise.
« Marine Le Pen est une agent de Trump et de Poutine »
Le culte de la petite phrase, c’est l’écume de la politique, et c’est ce qui a évincé la politique des grands fonds, celle qui tient sur l’histoire, la structure des événements, les relations complexes, et une logique pas forcément chronologique. Celle-là n’intéresse pas les journalistes mainstream et c’est normal : elle risquerait de les éclabousser, eux et leurs attaches.
On a quand même eu un petit frisson quand Renaud Dély a employé l’adjectif « sulfureux ». On s’est dit, le socialo-sioniste d’Arte et ancien de Marianne a eu le courage que ses confrères n’ont pas eu, on retire tout ce qu’on a écrit de mal sur lui, et Dieu sait s’il le méritait. Hélas, il ne parlait pas du sulfureux qui nous intéresse et qui touche à la question morale fondamentale.
La question avec « sulfureux » commence à 20’59 :
« Jeudi dernier, Daniel Cohn-Bendit, l’émission Envoyé spécial sur France 2 a diffusé une enquête sur les liens étroits entre le sulfureux Steve Bannon, l’ancien directeur de campagne de Donald Trump, et le Rassemblement national. On voit une réunion, on voit des liens entre éventuellement potentiellement des liens financiers d’ailleurs... »
Voilà, c’était 8h30 sur franceinfo, une émission de Marc Cohn-Bendit et Renaud Cohn-Bendit. Allez, une dernière de Renaud Cohn-Bendit et la réponse de Daniel Cohn-Attouchements-Bendit. Vous allez voir que la courte échelle entre les Cohn-Bendit va mener à un sommet d’imbécillité...
Renaud Cohn-Bendit Dély : « Marine Le Pen à vos yeux elle est à la solde de Donald Trump aujourd’hui ? »
Daniel Attouchements : « Elle est objectivement une agent(e) de Trump et de Poutine... C’est eux qui demandent, d’ailleurs qui ont demandé de l’argent à Poutine et c’est eux qui aujourd’hui veulent une politique beaucoup plus orientée vers la Russie donc c’est je crois en tout cas elle dessert absolument la nécessité de souveraineté de l’Europe, de la France dans l’Europe. Et ça je trouve que politiquement il faut le dénoncer. »
Renaud Cohn-Bendit Dély : « Elle est antipatriote à vos yeux Marine Le Pen quand elle prend cette position ? Vous dites qu’elle dessert les intérêts de la France... »
Daniel Attouchements : « Elle est antitout. Elle est antitout. C’est pas à moi, je sais pas ce que c’est qu’un patriote. Donc je vais pas dire elle est antipatriote moi. Je dis elle est antitout, elle ment, quand une candidate à la présidence de la République peut comparer l’URSS à l’Union européenne, tous les morts des goulags, les millions et les millions d’assassinés en URSS ils se retournent dans leur tombe ! Enfin et on laisse passer les pires bêtises, les pires infamies de Marine Le Pen sur le Tchernobyl identitaire et tout ça et donc elle est vraiment un danger pour l’avenir de la France et de l’Europe. »
Une minute avant la fin, après la déception du « sulfureux », Renaud Cohn-Bendit avait encore une ultime chance de sauver l’émission et la déontologie en posant la question des attouchements. Malheureusement, il a préféré une question sur « le couple franco-allemand ». Pendant tout l’échange sur Marine Le Pen, Marc Cohn-Bendit a tenu la chandelle, pardon, le chandelier à 7 branches.