Rébellion : C’est le premier livre que vous écrivez sur un président, pourquoi Macron et pas Hollande ou Sarko ? En quoi la présidence Macron est-elle si importante ?
Michel Drac : D’abord, elle marque le début d’une recomposition politique. Il y a une nouveauté : le « macronisme ». Qui reste à définir précisément.
Ensuite, rupture en vue. L’Union européenne est au bord de l’explosion. Le capitalisme occidental au bord de l’implosion. Washington peut faire le choix de la guerre.
À l’échelle de l’histoire universelle, il ne s’est pas passé grand-chose sous François Hollande. Il a fait d’énormes conneries, certes, mais à petite échelle. Petite guerre en Syrie. Petite crise des migrants, un ou deux millions, pas grand-chose par rapport à ce qui est dans les tuyaux.
Sous Macron, qui sait, ça pourrait bouger un peu plus.
Comment jugez-vous cette première année de mandat qui s’achève ?
Économie : une politique conçue pour le décile supérieur de la stratification des revenus. Terrain balisé pour la prochaine casse sociale. D’ici 2022, sûrement une bonne crise à ne pas laisser perdre. Loi travail, ordonnances, statut des cheminots, un pur gouvernement de régression sociale. Avec de la mousse genre « start-up nation » pour dorer la pilule.
À noter : les retraités, très majoritairement des électeurs de Macron au deuxième tour de la présidentielle, se font plumer avec la hausse de la CSG. Bien fait. Et logique : les revenus des actifs ont morflé depuis 2008, il faut rééquilibrer.
Politiquement risqué pour Macron : il contrarie son électorat. Pas grave, l’oligarchie capitaliste française tient la carte Wauquiez en réserve.
Europe : pour l’instant, pas grand-chose. Des beaux discours. En pratique, blocages politiques allemand et italien. On va voir la suite, mais ça m’étonnerait que ça nous mène bien loin. Refonder l’Europe avec Mamie Merkel ? Hum.
Sinon, pas que des mauvaises surprises. Le niveau technique de l’équipe Macron est meilleur que celui de l’équipe Hollande. On n’est pas obligé d’être fan de Blanquer, mais en tout cas, ça n’est pas Vallaud-Belkacem.
Sur le plan international, l’administration Macron semble moins dingue que la précédente. Comment expliquez cette légère amélioration ?
Plus de marge de manœuvre. Washington et Berlin au bord de la guerre commerciale, ça desserre la tenaille. Brexit, crispation entre Francfort et la City of London : politique de la bascule jouable pour Paris. Élection de Trump, l’oligarchie capitaliste française s’est calmée sur l’atlantisme. La horde des néoconservateurs à la française se fait discrète. Récent sommet de l’OTAN : discours hyper-agressif du secrétaire général, sur le thème « niet à l’Europe de la défense ». Comme quoi, la question se pose.
Ensuite, un certain pragmatisme. Macron, il faut le reconnaître, est assez fidèle à ses engagements généraux. Pour le pire, quand il casse le modèle social français. Mais ça va parfois dans le bon sens. Depuis un an, l’Élysée en fait le moins possible dans le registre idéologique droit-de-l’hommesque.
Le président Trump revient souvent dans les différents scenarios. Qu’est-ce que l’élection de Trump permet à Macron que l’élection de Clinton aurait interdit ?
Comme je vous disais : jouer la bascule. Trump est états-unien, pas atlantiste. Son administration défend une Amérique industrielle de moins en moins germano-compatible.
Il y a aussi autre chose. Je crois que l’élection de Trump a été une vraie surprise. Il n’est pas exclu que le Parti Démocrate ait discrètement favorisé la victoire du milliardaire new-yorkais aux primaires républicaines. But : offrir à Hillary le pire candidat républicain possible.
Manque de bol, le pire candidat a gagné ! En cause : l’aggravation de la crise, insupportable pour la classe moyenne blanche, les erreurs de com de Clinton, caricaturale, mais aussi des réseaux sociaux tendance Frankenstein échappant à leurs créateurs.
L’élection du Donald a prouvé aux oligarques mondialistes qu’ils pouvaient perdre le contrôle. Ça les a secoués, je crois.
Du coup, on a serré les boulons en haut lieu. La France n’est plus du tout un régime parlementaire, c’est la haute administration qui gouverne. Avec compétence sur le plan technique, à défaut de vision stratégique.
Si on doit détecter la tendance lourde qui est à l’œuvre pendant le quinquennat Macron, pourrait-on la résumer par un probable effondrement du consensus post-guerre froide c’est-à-dire de la fin de la globalisation occidentale soit la fin de la fin de l’histoire ?
Plus d’une chance sur deux, si vous avez lu mon bouquin !
L’actualité semble tendre vers le scenario 4 de votre livre, qui est de loin le plus optimiste. Peut-on déjà se réjouir ? Un mot sur les évènements électoraux italiens ?
Je ne sais pas si on va vers le scénario 4, le printemps italien, avec une Italie qui ferait péter la zone euro. Pour l’instant, on ne sait pas du tout qui va gouverner à Rome. Ni pour faire quoi !
Mais le scénario 1, « La mort douce », business as usual, s’est clairement éloigné. Ça va être compliqué pour la Commission de Bruxelles, dans les années qui viennent. Alors qui sait…
Retrouvez Michel Drac en conférence le 17 mars à Toulouse :
La bande-annonce de l’événement :