L’affaire Richard Ferrand, du nom de l’un des premiers responsables du Parti « socialiste » à s’être rallié à Emmanuel Macron, secrétaire général du parti du Président (LREM) et ministre de la Cohésion des Territoires, agite aujourd’hui tous les médias.
Au-delà des faits qui, s’ils ne semblent pas relever de l’illégal n’en apparaissent pas moins profondément immoraux, se posent deux questions. La première est liée à la prétention, affichée par Emmanuel Macron, de renouveler largement la politique, et d’y apporter nouveauté et probité. La seconde est liée au comportement des médias, qu’il s’agisse des journaux, des radios ou des chaînes de télévisions. Car, l’affaire Ferrand pourrait bien s’avérer être l’arbre qui cache, de plus en plus mal il faut le dire, la forêt. À la suite de l’émotion causée par l’affaire Fillon, des enquêteurs se sont penchés sur le cas de François Bayrou ou de Madame de Sarnez, et ils ont trouvé, mutatis mutandis, les mêmes infractions si ce n’est au code pénal du moins au code implicite de déontologie que se devrait de respecter tous les responsables politiques : servir et non se servir.
Or, on constate que François Bayrou, Madame de Sarnez et même Richard Ferrand n’ont pas été traités avec la même hargne, et la même haine, que François Fillon. Ce qui pose à son tour un intéressant problème quant à la déontologie de ces médias. Et, là ou cela devient intéressant, c’est que ce problème survient alors qu’Emmanuel Macron a publiquement stigmatisé deux médias russes, RT et Sputnik pour avoir soi-disant répandu des calomnies à son égard. Si c’est le cas, cela relève de la justice, et l’on s’étonne qu’Emmanuel Macron, avant même que d’être élu, n’ait pas porté plainte. Mais, si cela relève de la déontologie alors où est la différence avec la manière de traiter les informations par des médias eux bien « français » ?
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Les faits
Revenons tout d’abord sur les faits.
Richard Ferrand, en tant que directeur général des Mutuelles de Bretagne, un organisme à but non lucratif, propose à ces dernières de louer un local dans des conditions effectivement très avantageuses. L’affaire est connue à la suite d’un article publié dans Le Canard enchaîné dans son édition du 24 mai. Ce local appartient à une société civile immobilière (SCI), nommée la SACA. Mais, cette SCI n’existe pas encore légalement. Elle « n’est même pas encore propriétaire des surfaces qu’elle propose à la location » et sa future gérante, l’avocate Sandrine Doucen, qui a fait une très bonne affaire, est la compagne de Richard Ferrand. L’avocate enregistre alors sa SCI, la SACA, au capital de 100 euros avec un ami de Richard Ferrand car une SCI doit compter au moins deux associés. Quelques mois plus tard, cette SCI achète les locaux brestois et obtient un prêt d’environ 402 000 euros, soit 100 % du prix d’achat ainsi que les frais de notaire. Ceci n’est pas exceptionnel et relève d’un traitement qui est en général réservé aux acquéreurs qui disposent d’un locataire dont les revenus sont garantis. Ce locataire, ce sont les Mutuelles de Bretagne… Ce locataire s’engage, en outre, à rénover entièrement les lieux pour la coquette somme de 184 000 euros, qui n’est donc pas déboursée par la SCI mais qui vient en partie valoriser le bien propriété de cette SCI. Ce montage, des plus avantageux pour Madame Doucen n’est pas illégal. Il n’en pose pas moins un sérieux problème moral.
Là où l’affaire se dévoile c’est dans la déclaration d’un avocat, qui fut mêlé à cette affaire, le bâtonnier Alain Castel. Il fait cette déclaration dans Le Parisien, lundi 29 mai et dénonce ce qu’il appelle un « enfumage » de la part du ministre. Alain Castel déclare que, le 23 décembre 2010, « la promesse de vente du bien incriminé a été signée par Richard Ferrand et comportait une condition suspensive, liée à un bail à venir des Mutuelles de Bretagne et à la composition d’une SCI ». Cela signifie que Richard Ferrand a acheté le bien à son précédent propriétaire, qui était dans l’obligation de s’en défaire pour payer les frais de justice dans un autre affaire, et que la SCI s’est alors substitué à Richard Ferrand, pour réaliser une juteuse affaire. Comme cette SCI appartient quasi entièrement à Madame Doucen, il y a là plus qu’un soupçon de conflit d’intérêt. C’est l’avis de l’ancien bâtonnier, Alain Castel, qui accuse frontalement dans l’article paru le 29 mai dans Le Parisien : « J’ai tout de suite compris la manœuvre (…). Richard Ferrand allait louer l’immeuble à la mutuelle et il allait s’enrichir avec tous les travaux à la charge de celle-ci. Il faut appeler un chat un chat. »
Cependant, comme M. Ferrand et Mme Doucen ne sont liés ni par un mariage ni par un PACS, ce montage est légal. Mais il démontre que Richard Ferrand a commis un acte que la loi tolère mais que la morale réprouve.