Le 14 décembre dernier, le philosophe et jazzman Gilad Atzmon a fait une déclaration à Berlin devant une assemblée enthousiaste. Voici la vidéo ainsi que la traduction en français de ce discours.
Ces derniers jours, en préliminaire à la cérémonie de récompense humanitaire du Neue Rheinische Zeitung, tout comme le journaliste Ken Jebsen et d’autres, j’ai fait l’objet d’une odieuse campagne de diffamation. Rien de ce qui a été avancé n’a été prouvé par des faits. Tout ceci était constitué par des citations fabriquées de toutes pièces : on m’a traité de « négateur de l’holocauste » et de « relativiste de l’holocauste ». Pourtant, pas une seule référence authentique n’a été faite en rapport avec mes écrits ou mes discours.
Dans mon travail, je critique le fait de réduire l’holocauste à une simple religion, à un dogme intolérant. Dans mes écrits, je proteste contre toutes les lois mémorielles. (Les lois sur la Nakba, sur le génocide arménien, sur l’Holocauste, etc.) L’histoire, pour moi, c’est une tentative de narrer le passé alors que nous allons de l’avant. En tant que telle, il faut lui permettre de maintenir un discours dynamique, elle doit être sujette à des changements constants et à la révision, même si ces changements apparaissent comme quelque peu inconfortables. Pour moi, l’histoire est un message éthique. Ce n’est que lorsque nous révisons le passé que nous sommes capables, une fois de plus, de repenser notre futur et notre destin.
Au cours des derniers jours, certains éléments de la presse allemande m’ont qualifié d’antisémite. Le suis-je ? Ai-je déjà critiqué quelqu’un, y compris les juifs, en tant que « peuple », en tant que « race », sur la base de considérations « biologiques » ou « ethniques » ? Jamais. Mon travail est antiraciste. J’ai consacré toute ma vie d’adulte à me battre contre le racisme, à travers ma musique, mes écrits et mes performances. Je suis opposé à toutes les formes de politiques qui sont orientées par la biologie : qu’elles soient blanches, noires, de genre ou bien juives.
Au lieu de ça, je suis à la recherche de ce qui rassemble les êtres humains. Dans mes écrits et dans mes discours, je fais une distinction claire entre les juifs (le peuple), que je ne critique jamais, le judaïsme, (la religion) que j’aborde très rarement, et la judéité (l’idéologie, la politique et la culture). Dans mon travail, je me concentre sur ce dernier point, l’idéologie, la politique et la culture, en assumant que nous sommes tous d’accord sur le fait que ces éléments doivent être soumis à la critique.
Mais si vous voulez aborder le sujet de la négation de l’holocauste, alors je vais vous dire quelque chose à propos du déni. Le fait de dénier aux intellectuels, aux auteurs et aux artistes le droit d’exprimer ouvertement leurs vues, représente le début du fascisme. Ce que j’ai vu en Allemagne ces derniers jours, me fait suggérer que certains segments de votre société n’ont absolument rien appris de l’histoire de votre pays. Nier l’holocauste, c’est nier sa signification, détourner les yeux quand on voit le mal, laisser son cœur devenir froid quand on participe soi-même au mal ou qu’on célèbre la haine. Nier l’holocauste, c’est échouer par rapport au fait de s’occuper de sa propre incapacité à tolérer les autres et autrui. C’est extrêmement douloureux pour moi de voir à quel point l’Allemagne se dirige aveuglément dans le même piège, sept décennies seulement après la libération d’Auschwitz.
Mais je souhaiterais ajouter une chose de plus sur la Palestine. Certains Allemands affirment être tourmentés par leur passé, par les atrocités du IIIe Reich. Si c’est le cas, laissez-moi vous rappeler un fait simple mais néanmoins embarrassant – les Palestiniens sont les dernières victimes d’Hitler.
C’est l’étendue de la Shoah qui a fourni un soutien au sionisme et qui a mené à la formation d’un État juif en Palestine. Mais ce sont les Palestiniens innocents qui, depuis sept décennies, paient le prix des crimes commis par les Européens.
Si vous vous sentez coupables à propos d’Hitler alors défendez la Palestine et les Palestiniens !
Traduit à partir de l’anglais par Alimuddin Usmani