À ce stade, je trouve la tâche de commenter ce qui se passe aux États-Unis moins qu’agréable. L’ensemble est devenu un embarras.
Après avoir passé de nombreuses années à vivre et à travailler aux États-Unis, je me sens à juste titre impliqué dans ce qui s’y passe. Il était une fois ses nombreux crimes : bombarder, envahir, détruire et miner des pays dans le monde entier, empoisonner l’environnement, promouvoir toute sorte d’injustices pour des bénéfices à court terme. Tout cela m’a mis en colère. C’était la colère de la jeunesse, à la lumière de la conviction infondée et optimiste selon laquelle il est possible d’effectuer un changement en exprimant des opinions contraires. Je ne suis plus aussi jeune, et je suis certain qu’aucune participation politique de ma part (ou de la vôtre, sur cette question) ne changerait quelque chose. Ce que je ressens depuis des années maintenant n’est plus de la colère mais de la tristesse.
Plus récemment, cette tristesse a été recouverte d’un sentiment de gêne, qui est vite devenu assez aigu. C’est une chose de faire face au mal, une attitude héroïque et jeune. C’est autre chose que se sentir inconsciemment gêné en présence d’une extrême stupidité. Ce sentiment est exacerbé par le fait que parmi les Américains – au moins ceux autour de moi qui entendent et lisent la presse et les blogs – pratiquement aucun ne semble être capable d’éprouver ou de manifester de l’embarras sur le triste état de leur pays. Peut-être que ma capacité à me sentir embarrassé par les actions (et les inactions) de ceux qui m’entourent provient d’un autre endroit – une importation qui ne réussit pas à se développer sur le sol mince et toxifié de la vie publique américaine. Les sentiments qui se développent ici sont de plus en plus vifs : des seaux de vitriol sont lancés sur le débat politique. Le fait que cette division n’est rien d’autre qu’un moyen artificiel de jouer avec ce système politique qui a complètement échoué dans sa capacité à exprimer la volonté populaire, ou à l’exploiter à des fins utiles, ne sert qu’à accroître l’embarras.
La capacité de se sentir embarrassé est la clé de tout possible renouveau, que ce soit pour une personne, un groupe ou une société dans son ensemble. Permettez-moi de m’expliquer…
Pour une société qui se précipite sur le chemin de l’autodestruction, des sentiments de maladresse, d’embarras, de honte, de remords, de regrets, d’humiliations, de contrition, etc. offrent un moyen de rétablir le contact humain avec le reste de l’humanité et peut-être même un chemin vers un nouveau départ, purgé du pire des maux accumulés. La Russie a traversé une telle expérience de recherche de son âme dans les années 1990. Cela a été aggravé par le sadisme politique occidental et par les traîtres qui ont énormément exagéré l’ampleur des excès qui se sont produits pendant la période soviétique. Mais dans l’ensemble, ce processus a été bénéfique, et la Fédération de Russie bénéficie maintenant d’une volonté et d’un respect beaucoup plus grand dans le monde que n’en a jamais connu l’URSS.
Les Russes n’étaient pas meilleurs ni pires que les autres, ils n’étaient pas tous capables d’émotions élevées et positives. Beaucoup d’entre eux empoisonnaient leur esprit de colère, d’amertume, de désespoir et d’anomie. Beaucoup de Russes plus âgés vivent toujours avec un profond sentiment de trahison – parmi ceux d’entre eux qui ont survécu. Bien que les statistiques à ce sujet soient difficiles à trouver, mon sentiment général est que les plus angoissés, les plus amers, les plus désespérés et ceux avec le plus de ressentiment se sont tués ou sont morts assez rapidement – quelques millions d’entre eux – alors que ceux qui pouvaient faire le deuil de leur passé soviétique sans perdre leur sentiment d’appartenance ou leur sens de soi ont continué à vivre et beaucoup d’entre eux sont maintenant prospères.
Aux États-Unis, aujourd’hui, il y a beaucoup de raisons d’être en colère, amer, d’avoir du ressentiment et d’être sans espoir, et beaucoup de gens empoisonnent leur cerveau et leur chimie corporelle avec ces émotions négatives. Peut-être est-ce trop demander, mais j’aimerais pousser doucement ceux qui lisent ces lignes, et sont bloqués dans ce piège émotionnel, dans la direction de l’évasion, pour embrasser des émotions beaucoup plus positives et rédemptrices comme la maladresse, l’embarras, la honte, le remords, le regret, l’humiliation et la contrition, car c’est ainsi que survit l’espoir et la possibilité de renaissance. Pour faire court, je ne parlerai que d’une seule. J’espère que vous pourrez voir le modèle de base dans cet exemple et l’étendre à d’autres. Peut-être que je discuterai d’autres dans le futur.
À l’heure actuelle, beaucoup de gens se sentent particulièrement en colère que Donald Trump soit installé à la Maison-Blanche et qu’il y reste au moins pendant les trois prochaines années et demi. Ces personnes n’ont pas voté pour lui et ont mal pris le fait qu’il ait finalement gagné.