Dans la plupart des endroits que nous nous donnons la peine de regarder, nous pouvons observer un modèle récurrent : un phénomène atteint son maximum peu de temps avant de déclencher un déclin rapide ou régulier. Les drogués atteignent leur dosage maximum juste avant de faire une overdose. Les patients atteints d’obésité morbide atteignent leur poids maximal juste avant que leurs organes internes ne lâchent. La fièvre atteint son apogée avant qu’elle ne chute et que le patient récupère ou décède. L’eau monte à son plus haut niveau juste avant que le barrage ne cède. Les montages financier pyramidaux atteignent leur pinacle avant de s’écrouler.
Mais pendant la descente une amélioration temporaire est parfois possible. Par exemple, les États-Unis ont atteint leur pic de production pétrolière brute vers 1970. Après cela, la production de pétrole a diminué pendant des décennies, avec une amélioration mineure et temporaire lorsque la production de Prudhoe Bay en Alaska a été mise en service, à l’été 1977. Puis on a récemment eu une importante augmentation, réalisée grâce à la technologie d’hydrofracturation et à un investissement spéculatif très important et surtout improductif.
Si vous pensez toujours que le « fracking » est un « game-changer », considérez que la technique a été lancée par les Soviétiques dans les années 1950, mais ils ont déterminé que c’était un gaspillage de ressources et ne l’ont jamais utilisée. Ce qui a motivé les Américains pour cette technique ancienne et abandonnée, c’est le désespoir : ils n’avaient pratiquement plus rien en magasin pour forer, sauf les schistes. Même si le fracking produit une surabondance temporaire de pétrole et de gaz, les puits entrent en déplétion extrêmement rapidement et, par conséquent, la flambée de la production ne sera qu’un coup de fouet certes impressionnant mais restant dans une trajectoire de déclin global.
Mais cela, probablement, n’aura que peu d’importance. Si vous regardez d’autres choses qui ont récemment atteint un sommet − ou y sont maintenant, ou sont susceptibles d’y arriver rapidement dans un futur proche − il n’y aura plus autant de raisons de brûler du pétrole aux États-Unis. Si le déclin inexorable de la production de pétrole brut se fait parallèlement à un déclin inexorable dans d’autres domaines, tout cela fonctionnera bien, du moins dans le sens où la pénurie de pétrole ne sera pas le principal moteur de l’effondrement.
Au lieu de cela, il y a de nombreux facteurs d’effondrement, et ils sont de deux sortes : le déclin de tout ce qui a empêché jusqu’à présent l’effondrement et le savonnage de la planche de tout ce qui l’accélère. Regardons cela de plus près.
Bien qu’il y ait encore beaucoup de discussions sur la croissance du PIB pour savoir si on est à 0,7 % ou 1,2 %, le chiffre réel est négatif. La façon d’y arriver est de prendre en compte le montant en dollars du PIB et de soustraire l’augmentation de la dette fédérale. Alors il s’avère que jusqu’à présent l’économie américaine a diminué de façon constante. Mais ce point n’est pas sous le feu des projecteurs, et pour une bonne raison : il est très difficile de justifier l’accumulation de plus de dettes dans une économie qui diminue. Mais l’accumulation de plus de dettes est à ce stade essentiel. C’est ce qui permet de garder l’économie en vie artificiellement ainsi que les différentes bulles financières qui menacent d’exploser. Il ne s’agit pas d’une solution à long terme. Il est inévitable qu’à un moment donné toute augmentation supplémentaire de la dette fédérale commence à aboutir à l’opposé de l’effet visé : au lieu d’étendre l’euphorie financière, le patient deviendra paranoïaque.
Alors que le PIB n’est qu’une statistique concoctée par les économistes, il y a d’autres quantités légèrement plus tangibles qui diminuent également et qui expliquent en grande partie la baisse du PIB. Ce qui stimule sa croissance, c’est la demande des consommateurs : les consommateurs gagnent et dépensent de l’argent. Cela représente environ 2/3 de toute l’activité économique aux États-Unis. Et ici, nous avons un problème majeur : les salaires stagnent depuis des générations maintenant.
Tandis qu’auparavant l’écart entre les gains et les dépenses étaient pris en compte avec la dette des consommateurs, ce processus est maintenant arrivé en fin de course, la dette fédérale devant combler la différence due au ralentissement de la croissance de la dette des consommateurs. Au cours des dernières années, la majeure partie de l’augmentation de la dette privée l’a été sous la forme de prêts étudiants, de prêts automobiles et de dette médicale.
Il est remarquable que tous les types de dettes énumérés ci-dessus soient mauvais d’une façon ou d’une autre. La dette d’une personne est l’actif d’une autre personne, et la valeur de cet actif dépend de la plausibilité du remboursement qui, à son tour, repose sur les perspectives de gain du débiteur. Dans le cas de la dette fédérale, le débiteur est incapable de produire une croissance économique significative malgré l’endettement toujours plus rapide. Dans le cas de la dette des consommateurs, ce sont les gains stagnants du consommateur qui la rendent risquée. Dans le cas de la dette étudiante, c’est la valeur du diplôme, à un moment où quelque chose comme la moitié de tous les diplômes accordés aux États-Unis se révèlent inutiles pour trouver un emploi professionnel. En ce qui concerne le marché des voitures d’occasion et le nombre ridicule de nouvelles voitures invendues qui pourrissent dans des parkings géants, les prêts automobiles semblent être mal alignés sur la valeur de leurs garanties. Et avec plus d’un demi-million de personnes aux États-Unis se mettant en faillite médicale chaque année, les perspectives de retour sur investissement de la dette médicale ne semblent pas non plus très roses.
Les créanciers qui possèdent toute cette dette peuvent sembler riches sur le papier, mais en tenant compte de la qualité de cette dette, il se peut qu’ils se révèlent exactement aussi pauvres que leurs débiteurs. De toute évidence, les États-Unis n’en sont pas encore au Peak Dette, mais il y a des signes inquiétants. Tout d’abord, il semble y avoir un problème politique avec l’augmentation de la limite de la dette fédérale au-delà des 20 000 milliards de dollars environ, où elle est actuellement bloquée. Deuxièmement, des réductions dramatiques ont été proposées pour un grand nombre de programmes gouvernementaux, y compris en sciences, dans l’éducation, la recherche médicale, la protection de l’environnement et dans les arts. Troisièmement, Trump a récemment fait le tour du monde en essayant de secouer divers « alliés ». Il s’est envolé en Arabie saoudite et a fait en sorte que les Saoudiens signent un accord d’armement qui pourrait éventuellement générer 350 milliards de dollars. Gardez à l’esprit que l’armée saoudienne est au-delà du pathétique, incapable de soumettre même les Yéménites, et cela malgré l’aide de conseillers américains. De leur donner beaucoup d’armes ne changera rien ; Ce ne sera qu’un autre fiasco ridicule du type « former et équiper », pour faire comme en Afghanistan, en Irak, en Syrie et ailleurs. Mais l’argent saoudien est réel (jusqu’à épuisement des stocks) et c’est tout ce qui compte. Trump a également essayé de parler d’une sorte de grande alliance – une OTAN arabe – mais ce plan a déjà été abattu par une profonde fracture diplomatique entre le Qatar et plusieurs autres États arabes.
Trump s’est ensuite rendu à Bruxelles et a essayé de soutirer de l’argent des membres de l’OTAN. Il était à deux doigts de leur dire que les États-Unis ne les défendront que s’ils payent. Pour faire valoir ses propos, il a bousculé Mme Macédoine et lui a dit, ainsi qu’à Mme Lituanie (toutes deux incapables d’acheter beaucoup d’armes US très chères), de se tenir debout derrière lui. Cela n’a pas donné le résultat escompté. Au lieu de cela, Frau Merkel a commencé à faire des bruits comme quoi les Européens ne pouvaient plus compter sur les États-Unis. Et puis, un gros morceau de l’OTAN est tombé : la Turquie, qui a la deuxième armée de l’OTAN, a presque exclu l’Allemagne de sa base aérienne à Incirlik. Pas en reste, Poutine, s’exprimant au forum économique de Saint-Pétersbourg, a déclaré que « si l’OTAN s’effondrait, cela aiderait bien ».
De retour à Washington, Trump a pris une autre mesure de réduction des coûts en sortant de l’Accord de Paris sur les changements climatiques. Personne n’a jamais dit que la réduction des émissions de CO2 ne coûterait pas d’argent, et l’argent est un problème. Tout d’abord, l’accord de Paris repose sur l’augmentation de la consommation des combustibles fossiles – pour alimenter la croissance économique, bien sûr ! – et pour compenser l’augmentation des émissions de CO2 qui en résulterait, il promet de mettre en service une technologie inexistante pour séquestrer le carbone.
En fait, il existe une technologie vraiment efficace et éprouvée pour séquestrer du carbone. On appelle cela les « arbres ». Vous plantez un arbre, vous le laissez croître, hachez-le, transformez-le en charbon de bois (tout en utilisant le monoxyde de carbone résultant comme carburant) et planquez ce charbon dans le sol. Ça fonctionne super bien ! La fertilité du sol est améliorée et le carbone reste dans le sol pratiquement pour toujours. Mais il n’y a pas assez de terres pour cela, parce que toutes les terres arables sont nécessaires pour cultiver des aliments afin de nourrir les gens.