Alain Soral a récemment dit que tout juif intègre qui avait déchiré le voile de la solidarité tribale comprenait que son combat n’était absolument pas un combat antisémite. L’essayiste estime qu’au contraire, il montre un certain danger lié à une dérive communautaire raciste et brutale qui en dernière instance risque de se retourner contre les juifs [1]. Quelle est votre opinion à ce propos ?
Je n’ai aucun doute sur le fait que le « litige » qui oppose Soral aux « juifs » n’a rien à voir avec l’ethnicité ou la race. Soral est critique envers la culture et la politique juives et ses réflexions sur le sujet sont à la fois valides et opportunes.
Nous avons été formés à croire à une valeur qui privilégie la critique consistante et la révision continuelle de la politique et de la culture. Cependant, il semble que de nombreux juifs croient que la culture et la politique juives se situent au-delà de la critique. Pour une raison étrange, un certain nombre d’institutions majeures de la gauche ont convenu que la culture et la politique juives n’étaient pas sujettes à quelconque évaluation. Je suppose que c’est l’affirmation, au moins aux yeux de la gauche, que le peuple élu l’est vraiment.
Le Hezbollah a bâti une armée capable de confronter Israël de manière efficace, bien mieux que le Hamas. Est-ce que le monde chiite est plus efficace dans la promotion d’une société méritocratique et dans la construction d’une élite cognitive ?
C’est intéressant. Pour commencer, je dirais que je ne suis pas entièrement d’accord avec la prémisse de votre question.
Autant d’un point de vue militaire que politique, le Hamas a accompli des performances extrêmement bonnes lors du dernier cycle de violence. Il a investi dans la technologie et a développé une force militaire et une stratégie qui lui ont permis de remporter une victoire décisive sur le terrain. Mais vous avez raison de manière générale. L’élite sunnite et l’élite palestinienne traditionnelle sont claniques par nature et dominées par une culture népotique. Ces cultures comprennent nombre de familles prestigieuses qui transmettent le pouvoir de père en fils. Ainsi que je l’ai récemment examiné dans ma conférence de Manhattan [2], l’élite traditionnelle palestinienne est une élite servile. Cela peut se comprendre lorsque l’on passe en revue l’histoire palestinienne. La Palestine est sous occupation depuis au moins deux millénaires et le rôle de son élite a été de maintenir le peuple sous contrôle. Cette caractérisation de l’aristocratie palestinienne, en tant qu’élite servile, pourrait expliquer la paralysie politique qui est ancrée au sein de l’attitude de l’élite palestinienne occidentale. Ceci explique certainement pourquoi Ramallah est devenue la capitale mondiale des ONG. Mais je suis sur le point de contredire mes propos.
Manifestement cette explication ne dévoile qu’une partie de la réalité. La situation à Gaza est clairement différente. Lorsque Gaza a été transformée en prison par Israël, les habitants de Gaza ont été poussés à adopter un nouvel ordre méritocratique, influencé par l’islam. À travers l’éducation islamique, les Gazaouis ont construit une nouvelle élite cognitive. Ils sont parvenus à trouver des personnes qui maîtrisaient la technologie et la science, d’autres qui étaient aptes à se battre et à mener le combat ou encore des individus qui avaient du talent pour la politique, l’éducation religieuse et ainsi de suite.
Effectuons maintenant un zoom arrière et examinons la situation dans la région. Alors que l’islam a été rétabli, les sunnites sont devenus une force de combat efficace, une force que ni Israël ni l’Occident ne peuvent confronter. Mais vous avez raison en soulignant le fait que les chiites ont atteint cette étape en premier. Dans une certaine mesure, les chiites ont expérimenté cette stratégie depuis des années. D’une manière similaire à celle de l’univers rabbinique, les chiites ont recherché des talents et ont investi des efforts pour promouvoir ces talents. Autant Hassan Nasrallah que l’ancien président Mahmoud Ahmadinejad sont des résultats exemplaires de cette méthode. Ces dirigeants ont tous deux été des combattants de base, élevés au sommet une fois leurs qualités exceptionnelles identifiées.
Lors de chaque débat sur Press Tv, Lee Kaplan insiste pour vous surnommer « la Rose de Tokyo [3] ». C’est le surnom donné par les troupes alliées lors de la Seconde Guerre mondiale pour désigner Iva Toguri, une anglophone chargée de saper le moral des forces alliées à la radio japonaise. Cependant, cette comparaison est totalement inappropriée. Iva Toguri était une Américaine née à Los Angeles, fille d’immigrants japonais qui a fini par rejoindre le Japon pendant le conflit. Cela indique qu’elle n’a jamais vraiment rompu avec ses inclinations tribales. Vous par contre, êtes né en Israël dans un environnement juif sioniste et avez rompu plus tard totalement avec cette idéologie. Comment expliquez-vous que Lee Kaplan ait autant de difficulté à vous catégoriser ?
Les juifs ont beaucoup de mal à faire face aux membres du club qui démissionnent. Je ne suis pas le premier. Jésus a été crucifié. Spinoza a été excommunié. Uriel da Costa a été contraint de se coucher sur le pas de la porte de la synagogue et de subir les crachats de toute la communauté. Humilié et épuisé par cette épreuve, il s’est suicidé. À l’époque contemporaine, nous avons assisté à la campagne de harcèlement menée contre Israël Shamir, puis à la guerre contre Gilad.
Il n’y a rien qui menace plus le juif que l’assimilation. Autant le sionisme que le Bund [4], prétendument antisioniste, servaient à défier l’assimilation. Même les antisionistes contemporains comme JVP (Jewish Voice for Peace), Mondoweiss et Max Blumenthal combattent l’assimilation. L’argument antisioniste est simple : il n’est pas nécessaire de partir à la dérive, il est possible de rester dans son ghetto progressiste et d’être un « bon juif ».
Je soupçonne que la plupart des non-juifs ne savent pas que Yeshu, le nom que les juifs attribuent à Jésus, est en réalité l’acronyme de Yamach Shemo Ve-zichro (Que son nom soit éradiqué) – une épitaphe particulièrement infâme réservée aux ennemis les plus vils du peuple juif comme Hitler ou Staline. Si on examine tout cela avec soin, Jésus a en effet commis le crime antisémite ultime : il a prêché, à ses frères juifs, l’amour du prochain.
Mais il y a un rebondissement intéressant à cette philosophie. La gauche utilise des tactiques similaires à l’encontre de ceux qui osent développer une attitude indépendante et humaniste. Examinons les cas de Dieudonné et de Soral, tous deux des anciens héros de la gauche. Regardez comment ils ont été malmenés après qu’ils ont commencé à penser de façon indépendante. Nous assistons, de la part de la gauche, à une humiliante manifestation de la forme la plus radicale de la culture talmudique du herem (forme la plus sévère d’exclusion). La gauche paie un prix sévère pour sa loi tribale.
L’évolution historique du fascisme aurait pu donner lieu à un développement continuel de la pensée socialiste, qui part du cosmopolitisme pour aboutir au localisme et au nationalisme. La gauche aurait pu traiter le fascisme en tant que mouvement « réformiste ». Une telle approche à l’égard du fascisme aurait pu permettre à la gauche de maintenir son idéologie et de se placer au centre d’un mouvement populiste et prédominant en constante évolution. Cela aurait permis d’entretenir le lien entre la gauche et la classe laborieuse. Au lieu de ça, la gauche a tourné le dos au fascisme, elle a mis en application le modèle rabbinique du herem. Plutôt que de promouvoir le socialisme au sein de chaque nation séparément, la gauche a traité le fascisme comme une hérésie. L’aboutissement a été sans appel, les masses et la classe ouvrière ont tourné le dos à la gauche. Ce très intéressant dilemme est apparent dans les écrits de nombreux penseurs de gauche, y compris Wilhelm Reich et George Orwell.
Par rapport à votre question : c’est compréhensible à cause de la nature du tribalisme juif. Les juifs ne peuvent pas gérer la critique, l’imitation ou l’assimilation. Il se trouve que certains des plus grands humanistes, Jésus, Spinoza, Marx, etc. étaient des dissidents juifs. Je crois que les campagnes de harcèlement des juifs tribaux ne parviennent qu’à faire ressortir ce qu’il y a de meilleur chez les juifs « ayant la haine de soi ». C’est simple pour moi. Je peux facilement faire face à mes détracteurs et aux noms qu’ils m’attribuent. En réalité, cela affine ma pensée, mon modèle idéologique et critique. Cela me fournit une vision plus profonde à l’intérieur de la paranoïa tribale et collective juive.