On attendait une diabolisation de Syriza, cette coalition de la « gauche radicale » aux déclarations tapageuses contre l’austérité imposée à la Grèce par la troïka UE-FMI-BCE. Or depuis hier au soir, toute la classe politico-médiatique française s’adonne à un bien étrange concert de louanges. Une unanimité qui donne cette impression que l’on pourrait résumer en un slogan : « Syriza est Charlie. »
Plusieurs questions s’imposent : quel est réellement le programme de son leader, Alexis Tsipras ? Les milieux financiers craignent-t-ils réellement ce bouleversement politique ? Qui paiera l’addition de ces promesses onéreuses ? Et si le moderne Tsipras n’était jamais que le Manuel Valls ou le Matteo Renzi qui manquait à la Grèce ?
Alexis Tsipras, les marchés financiers,
l’Union européenne et la protection des travailleurs
Quelques mois avant ces élections législatives, Syriza a multiplié les signes d’allégeance à l’égard des milieux financiers. En effet, en novembre dernier, Yiannis Milios et Giorgos Stathakis, les penseurs du volet économique du parti de la « gauche radicale », se rendaient en toute discrétion à Londres afin de rassurer la City lors d’une rencontre avec les représentants de 35 banques et fonds spéculatifs, parmi lesquels Merrill Lynch Bank of America ou encore Goldman Sachs [1].
Dès lors, comme le rapporte Libération (24 janvier) :
« Syriza s’est trouvé un allié inattendu : le vénérable Financial Times (FT), le journal préféré des traders de Londres et de Francfort, a publié en quelques semaines une myriade de tribunes donnant la parole aux principaux représentants de ce parti […] mais aussi à des intervenants extérieurs qui plaident en faveur des positions de la gauche radicale grecque. Dernière publication marquante en date, l’appel de quinze économistes réputés, dont le titre annonce le contenu : “Donnez une chance à la Grèce”, enjoignent-ils, se prononçant pour un allègement de la dette. Un thème qui se trouve au cœur du programme de Syriza, qui a promis de renégocier avec Bruxelles et le Fonds monétaire international le fardeau de la dette et les mesures d’austérité dont l’efficacité est désormais largement questionnée. »
Aussi, Alexis Tsipras, pro-européen convaincu, assurait le 30 décembre être attaché à l’équilibre budgétaire et vouloir que la Grèce demeure dans la zone euro. Or, demeurer dans la zone euro suppose le respect des critères de Maastricht.
Surtout, le programme de Syriza encourage le phénomène d’immigration massive, avec notamment l’instauration du regroupement familial, la facilitation des naturalisations, l’allongement de la durée de séjour sur le territoire grec et l’égalité des droits entre nationaux et immigrés. Comme la Grèce, membre de l’espace Schengen, est une des principales portes d’entrée de l’Union européenne, la mise en application de ces mesures soi-disant sociales constituera un appel d’air considérable pour une main-d’œuvre bon marché, dont la libre circulation dans toute l’Union européenne sera encore davantage facilitée. Soit une aggravation du dumping social auquel sont déjà gravement confrontés les travailleurs européens.
La mise au pas d’une société traditionnelle
Pour financer ses promesses électorales onéreuses (qui ne sont que des promesses), Alexis Tsipras proposait en 2012 l’expropriation de tous les biens immobiliers de l’Église orthodoxe grecque. S’il évoque désormais une « nécessaire rationalisation de la relation » entre l’Église et l’État, le nouveau Premier ministre grec, athée revendiqué (il vit en concubinage et ses enfants ne sont pas baptisés), compte toujours taxer tous les revenus de l’Église orthodoxe et a promis la séparation de l’Église et de l’État, un équivalent grec de la loi de 1905. Son combat contre l’importance du rôle social de l’Église s’accompagne d’une bienveillance à l’égard de la « communauté LGBT » [2].
Syriza soutient en effet depuis plusieurs années la Gay Pride d’Athènes et a milité, dès 2008, en faveur du mariage homosexuel. En mai 2014, Alexis Tzipras déclarait :
« Syriza est engagé à atteindre l’égalité des droits pour tous les citoyens, quel que soit leur genre ou leur orientation sexuelle. Nous avons toujours soutenu le mouvement LGBT dans ses efforts. Pour commencer, immédiatement, un gouvernement Syriza légiférera sur l’extension du pacte de vie commune pour couvrir tous les couples quel que soit leur genre. Il renforcera aussi les lois existantes contre les discours de haine et la discrimination. Nous respectons l’Église grecque orthodoxe, mais nous ne pensons pas qu’elle doive avoir une voix décisive sur des questions de politique publique et de loi sur la famille. Nous devons convaincre jusqu’au plus conservateur de nos compatriotes qu’il s’agit d’une question de démocratie et de droits humains, avant tout chose. »
Mais comme la Grèce est encore une société très religieuse, à quelques jours des élections, Tzipras s’est ravisé en expliquant, lors d’une cession de questions sur Twitter :
« C’est un sujet difficile qui requiert le dialogue. Il y a des contradictions dans la communauté scientifique sur cela et nous ne l’inclurons pas à notre programme politique. »