Elle n’a pas 40 ans et doit lever le menton pour regarder dans les yeux l’aîné de ses enfants âgé 17 ans, un gabarit de lutteur. Une mère et son fils, en Seine-Saint-Denis, que l’on appellera Sabrina et Younès.
L’adolescent raconte comment il a été approché par un jeune du quartier à l’hiver 2014, qui l’encourageait à « partir en Syrie, aider nos frères ». À l’époque, Younès était apprenti pâtissier. Un travail rude qu’il allait abandonner quelques semaines plus tard. Il a été « approché » au pied de chez lui. « Au début, c’était un petit groupe. Ils étaient un peu plus vieux que nous, 20 ou 25 ans. Ils nous faisaient des rappels sur la religion : tu fais la prière, tu vas à la mosquée, faut pas toucher à l’alcool, à la drogue... », explique le jeune garçon, musulman comme sa mère. Parmi eux, un homme a rapidement poussé la conversation : « Je le croisais en ville, on s’arrêtait pour parler. »
Younès, qui a étudié la religion petit, appréciait ces échanges : « C’était pour me mettre en confiance. Assez vite, quand on était seuls, on a parlé de la Syrie... Il disait qu’il fallait aller là-bas pour défendre les musulmans. Il m’a parlé de Daech. » Ce nom n’évoquait alors rien pour Younès : « Je suis allé voir sur Internet. Il y avait des images de villas avec piscine. Des gens qui donnaient des glaces aux enfants. Et puis, il y avait des photos de bombardements, des morts. »
« Pour moi, c’était comme une association humanitaire »
L’homme était-il un recruteur ? Difficile à dire. Jamais il n’a fixé de rendez-vous à Younès, jamais il n’a proposé d’organiser son départ. Mais il a suffi de ces échanges répétés pour que l’adolescent songe à partir. « Pour moi, Daech, c’était comme une association humanitaire », assure-t-il. Avant de se remémorer que l’homme lui disait qu’il fallait « mourir en martyr ».