Les donneurs de leçons commencent à trembler
L’intérêt de cet article est ailleurs, comme la vérité. Bruno Roger-Petit est l’archétype du penseur de gauche socialiste, arcbouté sur ses postulats, que la réalité a pourtant balayés. Oui mais voilà, il est plus facile de nier le réel que de remettre en cause sa structure mentale. Les coups de boutoirs du réel que les penseurs de la gauche sociétale se prennent depuis deux ans sont tels, que la remise en cause définitive approche. Certains retournent leur veste (Ménard), d’autres évoluent lentement (Onfray), la plupart est tétanisée par l’enjeu : rester dans l’enclos et perdre ensemble, ou sortir, et se faire tirer dessus en tant que traître, ou, pire, néofasciste. Car la gauche idéologique s’est piégée toute seule : en créant un cordon de sécurité autour de ses intellectuels, qui faisaient office de penseurs du Système mais aussi de gardiens, elle a bloqué toute évolution en criminalisant l’amélioration de la pensée.
- Pas facile de passer de donneur à receveur de leçons
Le résultat ? Un Waterloo idéologique, où un peloton de donneurs de leçons surannées fusille quelques fuyards au lieu d’essayer de comprendre les raisons de leur fuite. En face, les affranchis rigolent bien : ils sont du côté du réel. Et le réel finit toujours par gagner sur l’idéologie. Après avoir craché tous les crachats de son corps sur les fachos et autres mal-pensants, Bruno Roger-Petit est en train de faire son aggiornamento. Va-t-il se cracher dessus, à l’image des communistes staliniens qui faisaient leur autocritique ?
N’allons pas si loin : le journaliste-système s’extrait lui-même du phénomène de rejet des élites que nous vivons actuellement. Or c’est toute une classe médiatico-politique qui est concernée, et, avec une lâcheté confondante, les journalistes qui ont collaboré se détachent des politiques en leur mettant tout sur le dos. À ce rythme, un jour, Bruno Roger-Petit viendra porter les sandwiches aux journalistes d’E&R...
Sachons apprécier dans l’article qui suit l’emprunt discret des thèses d’E&R.
Après le Brexit, Trump. Et après Trump ? Sarkozy ? Le Pen ? Et même, pourquoi pas, Macron ? Tout est possible désormais, puisqu’il est acquis que la vague du rejet des élites traditionnelles au pouvoir, incapables de protéger les classes populaires de leurs nations respectives des effets néfastes de la mondialisation, est la tendance de l’époque. Trump n’a pas gagné en se faisant l’ardent avocat des valeurs républicaines américaines traditionnelles, patrie, famille, sécurité, mais sur la défense sociale du travail et de l’emploi, le tout placé sous les auspices de la restauration d’une certaine forme de dignité sociale et culturelle.
Tandis qu’Hilary Clinton s’affichait avec le tout Hollywood, de George Clooney à Bruce Springsteen, Donald Trump parlait à l’Amérique industrieuse et besogneuse en proie au déclassement social. Soit le même genre d’électorat qui a voté au Royaume-Uni pour le Brexit. CQFD.
Le camp français du cercle de la raison s’est trompé sur l’Amérique, comme il s’était déjà trompé sur l’Angleterre. La raison n’a que peu d’influence sur le sentiment d’abandon, de déclassement, de perte de dignité sociale et la colère qu’il nourrit, cette volonté de revanche, voire de vengeance. À force de ne pas entendre la demande de protection, de verticalité rassurante, les élites mondialisées et européistes ont perdu le fil du peuple. La cassure est nette. Et partout constatée dans les démocraties occidentales. Podemos et Syriza sont sans aucun doute des mouvements de gauche, mais ce qui a présidé à leur avènement procède des mêmes mécanismes que ce qui a produit Trump aux États-Unis.
Le sociétal renversé par le social
Comme il était révélateur, ce mercredi [9 novembre 2016] matin, le débat entre deux partisans de Clinton et Trump organisé sur l’antenne de BFMTV : le premier parlait de la défense de ses amis LGBT, noirs et artistes, livrés à l’Amérique des beaufs, le second plaidait la cause des ouvriers, employés et « lower middle class », que les élites démocrates avaient négligé… Le sociétal venait d’être renversé par le social, et le démocrate clintonien continuait de s’y accrocher.
Pire encore, les instituts de sondage américains, qui n’ont donc fait guère de progrès depuis 1948, se sont trompés jusqu’au bout, qui toujours ont annoncé la victoire de Clinton, contribuant à entretenir l’illusion, via les médias les diffusant à haute intensité, que la victoire de Trump était impossible. Ils n’ont pas vu que dans les tréfonds de l’opinion américaine se dissimulait un vote Trump en gestation. Un vote caché, voire honteux (comment avouer à un sondeur que l’on vote Trump quand tous les Yann Barthès de la télévision américaine, Jimmy Fallon en tête, vous culpabilisent à longueur d’antenne) mais un vote déterminé qui, le moment venu, a offert à Trump une victoire imparable.
On résume les causes du succès Trump : mépris du social au profit du sociétal, déconnexion de la réalité des sentiments du peuple en proie au désespoir social, illusion de la classe politico-médiatique supérieure confiante en la raison et opinion stratège qui sait avancer masquée pour mieux frapper son élite discréditée au cœur, dès que l’on fait le bilan, surgit l’inévitable question : aujourd’hui l’Amérique, et demain la France ?
Prochaine étape électorale, la France
Commençons par les sondages, qui nous prédisent aujourd’hui l’inéluctable victoire, tant à la Primaire qu’à l’élection présidentielle, d’Alain Juppé. Que valent ces enquêtes qui tous les jours proclament l’avènement du président Juppé ? On a déjà dit ici, sur Challenges.fr, que dès que l’on se penche sur la dimension qualitative de ces enquêtes, la prudence s’impose.