Les savants de Harvard insistaient : l’année dernière nous avons reçu la visite d’émissaires d’une galaxie lointaine ; très lointaine ? Enfin, presque. L’engin spatial soupçonné Oumuamua s’est d’abord rapproché de la terre, puis s’est mis à accélérer, fonçant sur notre planète, avant de disparaître quelque part dans l’espace profond. Qu’est-ce qui a donc foiré ? Pourquoi les petits hommes verts de Vega, l’étoile la plus brillante de la constellation de la Lyre, avait-elle renoncé à ce qui avait l’air d’être son plan d’origine, nous rendre visite, à nous Terriens ? Se pourrait-il qu’ils aient lu nos échanges sur le web, regardé nos shows télévisuels, vérifié nos journaux et choisi de remettre à plus tard la rencontre, en attendant des jours meilleurs ?
On peut les comprendre. Nous avons créé un de ces bazars avec nos communications. Nous les humains avons besoin de débattre, pour prendre les décisions appropriées, et le champ des débats est en train de rétrécir à grande vitesse. Nous avons perdu les médias, pour commencer.
Jadis, les journaux se faisaient concurrence, les dirigeants avaient des points de vue différents, les autorités argumentaient, les partis appelaient à des actions variées. Ils se battaient pour capter nos sous et nos voix, ils faisaient des efforts pour nous convaincre. Plus maintenant. Maintenant ils savent mieux que nous ce qui est bon pour nous. Ils s’en fichent, de la circulation des idées, ils n’ont plus besoin de faire vendre les journaux, de toute façon, les publicités sont là pour ça, et sont payées par les riches. Autrefois, les minorités étaient exclues des débats, maintenant, ce sont les majorités.
Il n’y a plus un seul journal aux US qui soutienne le point de vue du président. Personne ne l’a défendu quand il a été accusé froidement, dans le Washington Post, d’être un agent russe. Personne ne l’a soutenu quand il a appelé au retour des troupes de Syrie. Personne n’est venu à son aide quand il a songé à prendre ses distances avec l’OTAN. Il y a des dizaines de millions d’hommes et de femmes qui ont voté pour lui, mais il n’a que son compte Twitter à sa disposition.
Les médias ont accusé Trump de prêter trop peu d’attention aux besoins d’Israël. C’est Israël qui a besoin de troupes US en Syrie et en Allemagne, de jets US en Espagne et au Qatar, de navires US en Italie et dans le Golfe. Israël a besoin que les US soient à la tête de l’OTAN pour contenir la Russie. Si Israël en a besoin, les US devraient subvenir, dit Daniel Shapiro, ex-ambassadeur. Pas un seul journal américain, pas un seul homme d’État US n’a pris la peine de répondre que le président Trump a été élu par le peuple américain pour faire ce dont il a besoin, lui, et non Israël.
Et les US ne sont pas une exception. Des millions de Français soutiennent les GJ, mais il n’y a pas un journal, pas une chaîne de TV qui leur offre une plateforme. On les traite d’antisémites parce qu’ils sont révoltés par Danny Cohn-Bendit et par BHL, qui sont juifs. On les traite aussi d’homophobes parce qu’ils ne veulent pas du soi-disant mariage gay. Ils sont maintenant l’objet d’attaques par les troupes d’assaut des banquiers, les antifas, et il n’y a pas de média pour les défendre. Le brillant Alain Soral vient d’être condamné à une peine de prison pour un post irrévérencieux, et nulle foule de « Jesuischarlie » n’a bondi pour le défendre.
Des millions de Britanniques soutiennent Jeremy Corbyn, mais tous les médias mainstream sont contre lui, y compris la BBC, chaîne d’État, et le Guardian, travailliste. Corbyn est accusé d’être antisémite, parce qu’il parle pour les travailleurs et contre les banquiers. Personne pour le défendre, pas de média pour abonder dans son sens.
Il n’y a que la chaîne russe RT, mineure, pour offrir quelques points de vue alternatifs, jusqu’à un certain point, pour défendre la souveraineté des peuples américain, britannique ou français, mais elle ne peut pas grand-chose. Paradoxalement, RT n’est pas diffusée en russe, et ce qu’elle envoie, en anglais, les Russes ne peuvent pas y avoir accès. Le reste des médias russes ne diffère pas beaucoup de la variante occidentale.
De Tokyo à Paris en passant par Los Angeles, les médias parlent d’une seule voix. Toutes les autres opinions ont été boutées hors du débat mainstream. Heureusement que nous avons Internet et des sites comme Unz Review qui nous permettent d’exprimer nos points de vue. Mais le problème, c’est la diffusion. Comment atteindre le public ? Les médias dominants ont tellement plus d’audience ! Pour eux des centaines de milliers ou des millions de vues ne sont rien d’exceptionnel.
Nous avons besoin de nos réseaux sociaux pour lancer nos idées et pour échanger des opinions, pour informer les lecteurs de nos publications, pour convaincre et rallier. Dans le monde surpeuplé et nucléarisé, avec des liens familiaux et de voisinage en miettes, il n’y a rien pour remplacer ces réseaux. Or Facebook et Twitter pourraient nous aider, et Google aussi.
Mais ils nous ont trahi, eux aussi. Les réseaux sociaux, avec leurs bannissements et retraits, nous ont ôté la dernière possibilité de communiquer. Un vieux produit du baby boom comme moi, qui ai vécu dans bien des pays et sous des régimes variés, je me vois relégué par le nouveau totalitarisme qui s’est infiltré sous les atours des nouvelles technologies. Même au triste temps de Staline et de Mc Carthy, les autorités avaient moins de contrôle sur nos esprits que Mr Zuckerberg et ses pairs.
Et cela ne vaut pas seulement pour la politique. Ils veulent imposer leur agenda par-dessus tous les sujets, en écartant nos points de vue.
Facebook déteste les hommes qui ont des rapports sexuels pleins, avec des femmes. C’est tabou pour eux. Les hommes sont censés abuser des femmes. Les femmes sont censées porter plainte sur le mode MeToo. Solution alternative, les hommes peuvent courir après les hommes, et les femmes derrière les femmes. En fait, ils bannissent les rapports normaux entre les sexes.
J’ai été chassé par les modérateurs de Facebook, qui ont supprimé mes posts pour avoir écrit que les Françaises sont parmi les femmes d’excellence. C’est du sexisme et cela va contre les « standards de la communauté », qu’ils disent. Vous ne pourriez pas, Mr Zuckerberg, arrêter de vous mêler des communications des autres ? Et laissez-moi avoir ma propre opinion (hautement favorable) sur les Françaises ! Eh bien non, il n’en est pas question.
Je suis victime d’une purge, et mes posts ont été effacés, parce que j’ai mentionné un éditorialiste de l’Université de Durham qui a perdu son poste pour avoir dit « les femmes n’ont pas de pénis » . C’est une offense pour les transgenres et cela va contre les normes de Facebook.
La censure de Facebook et de Twitter est insistante, elle distorsionne le discours partout, mais le Facebook en langue russe a subi un coup de censure particulièrement sévère. Les modérateurs FB pour les Russes sont principalement des Ukrainiens qui ont une dent contre les Russes. Apparemment il faut montrer patte blanche en ce sens, pour être choisi pour le rôle. Ils suppriment pratiquement toute référence russe sur l’Ukraine et ses affaires, mais ne touchent jamais aux insultes des Ukrainiens. Les poètes russes, classiques et modernes, se voient pourchassés ; et ce que ces têtes de lard considèrent comme les règles du politiquement correct, ne fait qu’enfler et embellir.
Ils bannissent des gens pour des posts soi-disant incorrects, et les commentaires attenants, des choses publiées il y a des années. Il y a deux ans, un homme avait cité sur sa page un poème de Joseph Brodsky, prix Nobel de littérature, et deux ans plus tard, ils ont retrouvé sa citation, et il a été exclu pour un mois.
Encore un exemple : en 2006, un spécialiste russe en philologie a fait une conférence sur les origines de la langue russe dans un café bilingue de Moscou. En 2015, sa conférence a été reprise par un usager sur Facebook. Cette semaine, en 2019, il a été éjecté, et la conférence avec.
Les Russes n’ont aucune tradition en matière de politiquement correct. Ils n’hésitent pas à parler de nègres et de mulâtres, de gitans ou de juifs. Ils ne sont pas au courant que ces termes sont considérés comme insultants par ceux qui font la loi désormais. Ils appellent les Ukrainiens khokhol, ou forelock, les « touffes », à cause de la coupe de cheveux traditionnelle en Ukraine. Khokhol, cela se dit en russe depuis des années, généralement avec une connotation affective, en bien ou en mal. Un surnom moderne pour les Ukrainiens, c’est ukr ou ukrop. Jusqu’à aujourd’hui, personne ne le prenait mal, c’était comme chico, okie et tex, rien d’insultant. Mais pour Zuckerberg, tous ces mots-là réclament une purge.
Je ne connais pas un usager du FB russe qui n’ait pas été puni au moins pour un mois. Ce n’est plus de la censure, c’est un vrai programme de ré-éducation, du genre habituellement associé au président Mao en son temps.
Zuckerberg et ses sombres brutes ont décidé de faire rentrer le discours public de la civilisation russe dans le moule, un moule à leur image. Les pauvres Russes qui ont survécu à une rééducation par les Bolcheviks dans les années 1920, et par les antisoviétiques en 1990, voilà qu’ils sont dans le broyeur des justiciers du SJW. Quand les soviétiques ont lâché l’affaire, on avait promis aux Russes la liberté d’expression. Elle est où, cette liberté d’expression ?
FB interdit de poster des liens vers les sites qu’ils n’aiment pas. J’ai été censuré pour avoir posté un lien vers unz.com ; même tarif pour les liens vers RT et Sputnik. La semaine dernière, FB a fermé 500 comptes totalisant 850 000 followers parce qu’ils renvoyaient sur RT et Sputnik. Oleg Tsarev, qui est un de mes amis, ancien membre du parlement ukrainien, candidat à la présidence de l’Ukraine, et président du parlement du Donbass, s’est vu fermer son compte avec 200 000 followers, et Mr Zuckerberg y a mis le cadenas sans explication.
J’ai demandé à mes amis sur FB de signaler chaque fois qu’ils se faisaient évincer, et de me faire savoir la raison invoquée. Voici une courte liste de leurs réponses : pour avoir dit du mal de Stepan Bandera, le collabo ukrainien ; pour avoir eu un débat sur Shevchenko, le poète ukrainien du XIXe siècle ; pour avoir mentionné les touffes sur la tête des Ukrainiens ; pour avoir posté un portrait de Poutine ; pour avoir parlé des victimes des bombardements ukrainiens sur le Donbass ; pour utiliser des mots tels que « pédéraste » ou « lesbienne » ; pour avoir dit que les femmes sont plus émotives que les hommes ; pour avoir posté une vidéo tirée d’un film d’Almodovar ; pour s’être moqué de l’historien ukrainien qui a proclamé que Jésus et Bouddha étaient ukrainiens ; pour avoir défendu l’Église russe ; pour avoir critiqué Mr Gozman, le libéral chef de la tendance pro-occidentale ; pour avoir critiqué les manœuvres de l’OTAN dans les États baltes ; pour avoir rouspété contre la discrimination des Russes ethniques dans les États baltes.
Et maintenant c’est Israël et les juifs, la cause majeure de bannissement de FB. Il est presque impossible de mentionner Israël sur FB et d’y survivre. J’ai été éjecté, et mon post avec, pour avoir mis en lien mes propres articles publiés sur unz.com. Un lien vers un article de ForeignPolicy.com qui racontait comment les terres d’une église palestinienne avaient été vendues à des colons juifs a été effacé aussi. Les liens vers le journal Haaretz sont presque toujours retirés et interdits.
Par exemple, Haaretz avait informé ses lecteurs que la mère palestinienne d’un gamin tué par les soldats israéliens avait été emprisonnée pendant onze mois, parce qu’elle avait envoyé un post rageur sur FB. Et moi, j’ai été barré pour avoir raconté cela aux lecteurs de FB, parce que c’était « haineux ». Tuer le fils de cette femme, envoyer au trou la mère, c’est sûrement « aimant », mais le raconter, c’est de la haine, purement et simplement.
Les médias mainstream russes se gardent d’approcher Israël. Les chefs de rédaction ruses ne sont pas nécessairement juifs, mais il y a assez de juifs dans chaque journal pour empêcher de paraître quoi que ce soit d’un tant soit peu critique. S’il n’y a pas de juif à l’horizon, chaque rédacteur sent bien qu’il serait plus prudent pour lui d’éviter le sujet. FB est le seul conduit possible pour une information libre concernant Israël. Hélas, c’est tout aussi partial sur Facebook. Mes amis qui sont des juifs antisionistes ont souvent été réprimandés pour leur antisémitisme. Ma page sur FB avec ses quelques milliers de followers et de visiteurs occasionnels permet aux lecteurs russes de se tenir au courant de ce qui se passe en Israël. J’ai une audience bien plus réduite que la hasbara mainstream. Ne pouvez-vous donc pas tolérer une petite fenêtre de parole libre et de nouvelles vraies, Mr Zuckerberg ? Non, apparemment, il ne peut pas.
Lors d’un épisode franchement honteux, FB s’est soumis aux ordres des censeurs militaires israéliens. En novembre 2018, une bande d’espions israéliens déguisés en Arabes a été arrêtée dans la Bande de Gaza. Les Israéliens sont parvenus à s’enfuir, tandis que leur officier aux commandes, un Druze de haut rang, était abattu. Ce qui a transpiré, c’est que l’équipe israélienne était restée quelques jours de plus à Gaza, en prétendant être des membres d’une organisation humanitaire internationale de secours, alors qu’en fait ils faisaient bel et bien du repérage, et préparaient le terrain pour bombarder Gaza.
C’étaient des criminels dans la mesure où les lois de la guerre interdisent expressément aux combattants d’utiliser le Croissant Rouge (ou d’autres organisations de secours) comme couverture. Les Israéliens ne respectent pas cette règle et se servent des ambulances du Croissant Rouge pour convoyer leurs troupes. Marwan Barghouti, le Mandela palestinien potentiel, a été kidnappé par une de ces fausses ambulances. Les agents de sécurité de Gaza se sont débrouillés pour rassembler toutes les photos des criminels, et les ont mises en ligne en offrant un million de dollars pour toute information pouvant conduire à leur identification complète et à leur capture. Les censeurs militaires israéliens ont interdit aux médias israéliens et aux journalistes étrangers basés en Israël de publier les photos. Malgré cela, Richard Silverstein, dissident juif américain, a brisé l’interdit et il les a publiées. [1].
J’ai tenté de relayer la chose à mon tour, mais, honte à FB, ils l’ont retirée et interdite, jusque sur Messenger. Je n’en croyais pas mes yeux : j’avais placé la photo sur Messenger, et elle avait immédiatement disparu ! C’est quoi, alors, Facebook ? C’est une entité internationale, ou une filiale de la hasbara israélienne ?
Heureusement que Western Union n’appartient pas (encore) à Mr Zuckerberg, elle serait capable de censurer les lettres de nos familles, avec ses sbires.
Il est indispensable de sauver les réseaux sociaux des diktats de Zuckerberg. Cela devrait être un outil public, protégé par la loi, il devrait être possible de faire appel de tout blocage devant les tribunaux ; aucune décision arbitraire ne devrait se concrétiser. La censure en temps de paix est inacceptable ; c’est également contraire à la constitution US. Si nous voulons sauver le genre humain de la destruction, nous devons ouvrir des canaux de communication et les maintenir ouverts. Et alors, peut-être, la prochaine délégation de Vega aura envie de nous rendre visite.
P.S. En temps réel : tandis que je rédigeais cet article, j’ai vu un autre de mes posts bloqué. « Ce post est contraire à notre charte (Community Standards), par conséquent personne d’autre ne peut le voir". Il s’agissait de la reprise d’un lien vers une interview de Benny Morris sur Haaretz : il appartient à l’école dite des nouveaux historiens, et prédit que bientôt "les juifs [israéliens] ne seront plus qu’une petite minorité au milieu d’une vaste mer arabe de Palestiniens, une minorité persécutée ou massacrée, comme cela se passait quand ils vivaient dans les pays arabes. Et parmi eux, ceux qui le pourront vont filer en Amérique et à l’Ouest. »
Apparemment, c’est la vie qui est contraire à leur charte. Les gens ne devraient-ils pas pouvoir lire ce que l’un des historiens les plus importants d’Israël tient à dire ? C’est un texte assez sinistre. Benny Morris exprime le regret que les juifs n’aient pas fait le nettoyage ethnique complet de la Palestine en 1948, et n’aient pas viré tous les non-juifs ; et il dit qu’il n’y a pas la moindre chance de paix. Il dit aussi que Trump ne va pas tenir un an, et qu’avec son départ, Netanyahou aussi va être balayé.
P.P.S. Richard Silverstein a été chassé de Facebook pour son article, et il contre attaque vigoureusement. [2]