Dur, dur d’être un journaliste indépendant en Algérie. Le régime algérien impose plus que jamais une chape de plomb sur les médias qui tentent de s’émanciper de son emprise. Et cette fois-ci, les méthodes de la censure et de la répression ont changé. Elles ont beaucoup évolué. Plus de procès ou d’emprisonnement. En tout cas rarement. Désormais, tout se passe sur Internet et les réseaux sociaux. Intimidations, menaces de mort, piratages, e-réputation et détournement de l’identité. Zoom sur les nouvelles pratiques de la répression des médias indépendants en Algérie.
Une « division électronique » à l’oeuvre
Tout commence lors de la campagne électorale en faveur du 4e mandat d’Abdelaziz Bouteflika. Dans le siège de la direction de communication du staff du candidat-Président Abdelaziz Bouteflika, une superbe villa située à Hydra, le quartier chic d’Alger, toute une « division électronique » a été mise en place par Abdelssam Bouchouareb et ses conseillers. L’homme qui deviendra plus tard ministre de l’Industrie et des Mines, a été chargé, en sa qualité de directeur de communication de la campagne électorale, d’approcher tous les « influenceurs » du web algérien pour les embrigader et les recruter. L’objectif est de former une « véritable armée électronique » qui va sévir sur les réseaux sociaux et Internet pour faire taire les opposants au sulfureux 4e mandat.
Les administrateurs des Pages Facebook les plus populaires dans le pays ont été approchés. Des sommes faramineuses leur ont été proposées. Des salaires de 100 mille Da par mois jusqu’à des primes d’un million de Da. D’autres groupes ont été financés pour qu’ils élargissent le nombre de leurs fans sur Facebook. Des spots ont été diffusés massivement sur Youtube. Mais le travail de cette division électronique ne s’est pas arrêté-là. Des hackers ont été recrutés à des prix très exorbitants pour attaquer les pages Facebook, les comptes et profils de ces opposants qui militent contre la réélection de Bouteflika.
« Barakat escroquerie »
Et aux actions de piratage, dont a été victime plusieurs fois cette année le site Mondafrique, le cyber-harcèlement est venu en rajouter une couche pour intimider et dégoûter définitivement les opposants. Une première page fut créée. « Barakat Escroquerie ». Son rôle ? Publier les photos privées des opposants du mouvement Barakat, qui activait sur le terrain contre le 4e mandat, et salir leur réputation pour les délégitimer. Une dizaine d’autres pages arabophones ont été créées. Les trolls se multiplient sur les réseaux sociaux et diffusent tous des commentaires haineux, propos diffamatoires et révèlent des mensonges sur la vie privée de ces journalistes qui écrivent des articles contre la campagne de Bouteflika.
La violence monte crescendo jusqu’au vol de l’identité et la création de faux-profils visant à jeter le discrédit sur tout journaliste ou opposant qui déplaît au staff de campagne d’Abdelaziz Bouteflika.
Insultes et insanités
Informations mensongères et rumeurs diffamatoires. Ces redoutables armes ont été très efficaces dans cette guerre des « réseaux »”et de nombreux opposants en sortent salis, abattus, apeurés et fortement démoralisés. À la fin de La campagne électorale, cette « division électronique » continuera son travail.
Mais elle se divise en plusieurs groupes et cercles. Et chaque groupe est placé sous le contrôle d’un lobbyiste lié aux services de renseignement algérien, le DRS. Après la réélection de Bouteflika, et grâce aux budgets colossaux dépensés sur Internet, ces divisions se sont très bien enracinées dans le web algérien au point de devenir une véritable force médiatique. Mais dans ces divisions, on retrouve souvent des jeunes âgés de 19 à 20 ans qui n’ont aucune formation politique ou journalistique. Nombre d’entre-eux ont été instruits d’utiliser le courant religieux et de se faire passer pour des islamistes conservateurs pour instrumentaliser la fibre religieuse et retourner l’opinion publique contre les opposants jugés impies, athées ou traités d’homosexuels. Des arguments qui donnent leur fruit dans une société très conservatrice.
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