A l’occasion du 300e anniversaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau, Alain Soral s’exprime sur le philosophe, au micro de la radio suisse Canal 3 :
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A l’occasion du 300e anniversaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau, Alain Soral s’exprime sur le philosophe, au micro de la radio suisse Canal 3 :
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Canal 3 – Ce matin la Carte blanche revient sur Jean-Jacques Rousseau. Hier, l’écrivain et philosophe fêtait ses 300 ans. L’auteur a vécu durant six semaines sur l’Île Saint-Pierre, en 1765. Il y a notamment rédigé une partie des Rêveries du promeneur solitaire. Aleksandra Planinic.
Aleksandra Planinic – Et c’est à travers les propos d’Alain Soral, interviewé par Jérôme Burgener que l’on traite de Jean-Jacques Rousseau ce matin. L’essayiste français se considère comme un disciple de Rousseau, il est notamment l’auteur d’un grand nombre d’ouvrages dont Comprendre l’Empire, son dernier essai en date. Alain Soral.
Alain Soral – Je dirais que Rousseau, c’est celui qui a inventé la méthode de pensée moderne qui ne s’appuyait ni sur la religion, c’est-à-dire Dieu ni sur ce à quoi ont opposé, les Encyclopédistes, à Dieu, c’est-à-dire la Nature. Mais lui s’appuyait sur l’histoire. C’est le premier penseur à faire de l’anthropologie. C’est pour ça que c’est le penseur moderne par définition. Et il le reste par sa méthode pratiquement éternellement.
Jérôme Burgener – Et puis, vous vous présentez en tant que disciple de Rousseau. Et en quoi est-ce que c’est le cas ?
Alain Soral – Déjà
parce que je suis citoyen de Genève comme lui, que je suis monté à
Paris, comme lui, et que je suis relativement un autodidacte, comme
lui. Et que je suis aussi un penseur qui fonctionne sur
l’historicité. J’essaye toujours de faire, comme disait
Clouscard, en sorte que la phénoménologie précède la
logique, voyez. Rousseau crée ses propres catégories. Elles sont
toujours historicisées. Et je fais un peu la même chose quand
j’écris Sociologie du dragueur. Je trouve qu’il y
a des liens entre ma méthode, qui est un peu sauvage comme ça et
très historique, notamment dans Sociologie du dragueur,
et Rousseau dans son Essai sur l’Origine de
l’inégalité parmi les hommes. Je me retrouve
assez bien dans cette méthode de pensée.
Jérôme Burgener – Et vous en conseilleriez ou connaissez d’autres, des gens qui sont dans cette veine-là ?
Alain Soral – Rousseau, l’air de rien – qui n’est pas un philosophe à proprement parler – a inspiré tous les grands philosophes arrivés après lui, chronologiquement. Il a inspiré Kant, il a inspiré Hegel, il a inspiré Marx. Il a inspiré tout le monde. C’est, je dirais, de ce point de vue-là, un anti-Voltaire. Voltaire est un auteur très politique, très mondain et très surfait dont il ne reste pratiquement rien. C’est une libéral, c’est un anglophile. Alors que Rousseau inaugure toute la pensée historiciste, la pensée anthropologique. Il a accouché de tout ça et bien plus, puisqu’il a aussi inventé la forme de ce qu’on appelle le roman autobiographique.
Il est aussi presque l’inventeur de l’écologie avec la découverte des paysages et de la possible perte des paysages avec la société industrielle à venir, c’est-à-dire une réflexion sur la Nature. Il est aussi intéressant dans son travail sur la musique. Enfin, il a en plus ce côté génie touche-à-tout, autodidacte, d’une grande indépendance d’esprit, d’une grande pureté aussi. C’est un anti-mondain, ce qui le rend très respectable par rapport aux Encyclopédistes justement qui eux cherchaient des gratifications mondaines. Il est l’anti-mondain. Il est encore le penseur qu’on peut opposer aujourd’hui à Sartre, à Bernard-Henri Lévy, et à son époque à Voltaire. C’est un être pur, je dirais.
Jérôme Burgener – Et puis, est-ce qu’il y en a d’autres, des penseurs actuels, qui iraient dans cette veine ? Est-ce que vous en voyez, vous ?
Alain Soral – D’aussi grands penseurs non. Mais des penseurs qui peuvent se situer dans le même esprit de questionnement intégral, de liberté, d’engagement aussi, je ne sais pas. George Orwell me semble un peu de la même famille. Sinon, il y a des gens sans doute qui doivent se réclamer du corpus de Rousseau, comme Michéa sans doute. Moi, j’ai fréquenté à une époque des philosophes marxistes qui étaient très rousseauistes, comme Michel Clouscard qui est décédé, Monsieur Pagani, qui est toujours vivant, qui est un grand spécialiste de Rousseau.
Jérôme Burgener – La pensée de Rousseau adaptée aux problèmes de sociétés actuelles, qu’est-ce qu’on pourrait en dire ?
Alain Soral – Rousseau,
c’est surtout une méthode. C’est la méthode dite toujours de
faire de l’histoire, d’être dans la chronologie et d’essayer
d’échapper à ce qu’on appelle les aprioris. Et moi, je me sens,
de ce point de vue-là, dans la tradition rousseauiste quand je
produis par exemple ma vision politique « gauche du travail,
droite des valeurs » voyez, ce côté transcourant où il y a
le respect du monde de la production, du peuple, des petites gens. Et
en même temps, ce questionnement sur les valeurs, la permanence des
valeurs, qui renvoie plutôt à la société grecque romaine.
Jérôme Burgener – Puis finalement, votre regard sur le côté marketing du 300ème anniversaire de Jean-Jacques Rousseau ?
Alain Soral – Moi, je trouve qu’on en parle pas tellement. Je trouve que Rousseau, comme les penseurs immenses, est assez difficile à manipuler politiquement. En réalité, on fait beaucoup moins sur Rousseau que sur d’autres. Je vois là, en France, il ne se passe pas grand-chose sur Rousseau. Parce que souvent, il y a une gêne par rapport à lui.
D’abord il a une dimension très anti-bourgeoise, très anti-mondaine, qui fait qu’il est mal vu par notre société, qui est en fait une société bourgeoise. Il est quand même plus proche de Robespierre que des Girondins. Il garde un côté sulfureux. On lui attribue quelque part la paternité aussi du totalitarisme. Il est mal aimé par la bourgeoisie. Ce qui est très bon signe.
Canal 3 – Alain Soral répondait à Jérôme Burgener.
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