Près de 200 000 euros. C’est l’« incroyable et somptueux cadeau fiscal » dont Dieudonné a bénéficié de l’administration française alors même qu’au sein du gouvernement on l’accusait d’être un fraudeur. C’est ce qu’affirment les avocats de l’humoriste dans un livre qui sort aujourd’hui et qui est publié par une maison d’édition suisse.
Maître David De Stefano et Maître Sanjay Mirabeau, respectivement avocat fiscaliste et avocat pénaliste au barreau de Paris, peuvent un peu être considérés comme « les avocats du diable » en France. Tous deux assurent en effet la défense d’un client qui ne laisse pas indifférent : l’humoriste Dieudonné M’bala M’bala. Un artiste qualifié presque systématiquement de « controversé » qui comptabilise plus d’une demi-douzaine condamnations définitives à son casier judiciaire.
« Chasse à l’homme » et « haine ministérielle »
Au premier trimestre 2014, Dieudonné a un peu donné l’impression d’être devenu la principale préoccupation du gouvernement français. Son spectacle « Le Mur » a été interdit et David De Stefano et Sanjay Mirabeau n’ont pas chômé pour le défendre. Un labeur et des heures aux côtés de l’humoriste qui leur ont inspiré un livre : « Interdit de rire. L’affaire Dieudonné par ses avocats ». Celui-ci sort officiellement ce lundi 22 septembre. L’ouvrage de quelque 150 pages est publié par une maison d’édition indépendante suisse (les Editions Xenia). Tiré « à plusieurs milliers d’exemplaires », il a figuré toute la semaine avant sa parution en 2e place des ventes sur le site Amazon en France… avant que le libraire en ligne arrive en rupture de stock !
« Interdit de rire » est, selon ses auteurs, « un récit circonstancié des persécutions » dont Dieudonné et son entourage ont récemment fait l’objet. L’ouvrage veut dénoncer de manière argumentée la véritable « chasse à l’homme » et la « haine ministérielle », menée en premier lieu par Manuel Valls (alors ministre de l’Intérieur), dont Dieudonné aurait été la victime. Le livre est aussi vendu comme un « réquisitoire qui fera date contre un pouvoir en proie à l’incohérence et à la dérive autoritaire ».
La vraie signification d’une « quenelle »
« Interdit de rire » propose notamment un chapitre et un historique du fameux geste de « la quenelle ». Pour ses avocats : « la vérité est que la quenelle est un geste humoristique inventé par Dieudonné et qui correspond tout simplement à un bras d’honneur détendu signifiant : je vous ai bien eu ou vous m’avez bien eu, dans un esprit farce ». Les autres interprétations sont mensongères, selon les magistrats-auteurs.
Le livre expose encore en détails les raisons et relate les coulisses judiciaires de l’interdiction du spectacle « Le Mur », une première en France. Les auteurs évoquent aussi la nature du rire, la fonction du comique dans une société, notamment en France. Se demandant notamment : « Y aurait-il, d’un côté, des personnes dont il est interdit de se moquer et de l’autre, celles dont il est permis de rire ? »
2 millions d’euros d’impôts versés par Dieudonné
Surtout, ce livre révèle qu’un « incroyable et somptueux cadeau fiscal » a été offert à Dieudonné « par le ministre du Budget Jérôme Cahuzac ». Dans un des chapitres, Maître David De Stefano et Maître Sanjay Mirabeau assurent que Dieudonné, accusé de ne payer ni ses impôts ni ses amendes et même d’organiser son insolvabilité, est d’un point de vue fiscal « un patriote de l’impôt » dont la situation fiscale est en règle.
Documents à l’appui, les avocats expliquent que Dieudonné a versé au Trésor Public français plus de 2 millions d’euros, une somme « qui correspond aux impositions dont l’humoriste s’est acquitté ces dix-sept dernières années, de 1997 à 2013 ». Les défenseurs de l’artiste soulignent que « Dieudonné paie ses impôts en France. Contrairement à de nombreuses célébrités françaises issues des milieux de la chanson, du cinéma et du théâtre, Dieudonné n’a pas, pour des raisons fiscales, quitté son pays, la France. C’est un patriote de l’impôt ».
Surtout, ses avocats expliquent que Dieudonné a bénéficié d’une remise fiscale d’environ 200 000 euros (la somme précise donnée est de 197 103,88 euros) accordée par Jérôme Cahuzac, le 1er février 2013. « L’État a fait un cadeau de 200 000 euros à Dieudonné alors même qu’il le soupçonnait d’être un fraudeur, d’une part, et que l’humoriste ne lui avait toujours pas réglé ses amendes d’un montant de 65 000 euros, d’autre part », notent ses avocats.
Des dysfonctionnements dans l’action du Gouvernement ?
Et ceux-ci de s’interroger dans leur livre : « Comment une telle situation a-t-elle pu se produire ? Pourquoi le gouvernement français a-t-il accusé en fanfare Dieudonné d’être un fraudeur, après lui avoir accordé en sourdine un cadeau fiscal de presque 200’000 euros ? »
Allant encore plus loin, Maître David De Stefano et Maître Sanjay Mirabeau écrivent souhaiter « la création d’une commission d’enquête parlementaire afin de connaître le fonctionnement et de déterminer les éventuels dysfonctionnements dans l’action du Gouvernement et des services de l’État, entre le 27 décembre 2013 et le 1er mai 2014, dans la gestion d’une affaire qui a conduit à la détérioration de la cohésion nationale ».
Dieudonné : « Je ne me sens guidé par aucune haine »
« Interdit de rire » est préfacé par Dieudonné. L’artiste, qui saura mardi 23 septembre s’il est expulsé du théâtre parisien de la Main d’Or, comme le demandent à la justice les propriétaires de cette salle où il se produit depuis 15 ans, y défend le droit à la liberté d’expression et à celui d’exercer son métier d’humoriste.
Extrait : « Insolent, provocateur et même indigne, ce sont des qualificatifs que je veux bien entendre mais lorsqu’on m’accuse d’antisémitisme, d’incitation à la haine ou je ne sais quel renouveau nazi, je ne peux que compatir aux souffrances psychologiques de mes accusateurs ».
Il poursuit : « Je vous dirais que malgré la puissance de la rumeur, sachez que je ne me sens guidé par aucune haine, je n’ai aucun projet d’extermination en tête, pour les temps qui viennent. Au contraire, j’ai envie de dire aux gens que je les aime et par-dessus tout, que j’aime les voir rire. Ce sont pour moi des instants de grâce et de communion ».
Et de conclure : « Si j’ai heurté, choqué ou indigné quiconque, je m’en excuse sincèrement. Mais je vous préviens que je recommencerai, et de plus belle, car c’est mon droit et ma liberté. Libre à vous de ne pas m’écouter. »