Les élections présidentielles au Brésil se déroulent les 5 et 26 octobre prochains et une candidate, Marina Silva est déjà portée aux nues par la presse occidentale. Vous risquez d’en entendre parler dans les prochains jours comme d’une « Obama brésilienne » : « Il était une fois Marina Silva », titrait d’ailleurs le supplément du Monde le week-end dernier. Un vrai conte de fée et surtout un storytelling impeccable : femme, descendante d’esclave, orpheline, noire, écologiste… À quelques jours du premier tour, Marina Silva est créditée par les sondages de 25 % des intentions de votes. Pourtant, sa candidature n’était pas prévue…
Ex-membre du Parti des travailleurs (PT) Marina Silva (56 ans) fut ministre de l’Environnement du gouvernement Lula (2003-2008) avant de prendre ses distances pour se présenter aux élections présidentielles de 2010 pour le Parti vert du Brésil (20 % des voix). En tant qu’icône mondialiste en devenir, le CIO l’avait choisie pour porter le drapeau olympique lors de la cérémonie d’ouverture des jeux Olympiques de Londres en 2012. Après avoir échoué a créer son propre parti, elle avait rejoint le Parti socialiste brésilien (PSB) en 2013 et figurait comme deuxième de la liste d’Eduardo Campos, crédité d’un faible 10 % dans les sondages.
Un événement va changer la donne. Le 13 août dernier le jet privé d’Eduardo Campos s’écrase dans des conditions suspectes, comme le révélera l’enquête de l’armée de l’air brésilienne. Une foultitude de sites Internet brésiliens voient l’œuvre de la CIA derrière le crash de l’avion, selon un mode opératoire déjà utilisé par l’Agence dans la région (cf. John Perkins, Les Confessions d’un assassin financier, 2004). Quoi qu’il en soit, l’accident d’avion aura laissé le champ libre à sa colistière Marina Silva, une candidate beaucoup plus favelas-compatible. En moins de trois semaines la candidature du modeste Parti socialiste brésilien prend 17 points d’intentions de vote…
Mais la candidate plaît bien au-delà des favelas. « C’est désormais Marina Silva, la surprise de cette élection, qui a les faveurs des milieux d’affaires », résume aujourd’hui le quotidien économique Les Échos. Il faut dire qu’une équipe d’économistes a rédigé son programme. Leur CV ne laisse que peu de doutes quant aux orientations préconisées. Le groupe est coordonné par Neca Setubal, qui a soutenu (y compris financièrement) Marina Silva dès 2009. Héritière d’une des plus grosses banques privées brésilienne, la Banque Itaú, Setubal fut ministre de l’Éducation du prédécesseur de Lula, Fernando Henrique Cardoso, et fut une employée de la Banque mondiale (1992). Elle est entourée de Andre Lara Resende, formé à l’Institut de Technologie du Massachusetts (MIT), qui a notamment piloté le plan de privatisation du groupe de télécommunication Telebras en 1998 sous le gouvernement de Fernando Henrique Cardoso, ou encore de l’idéologue ultralibéral et ancien professeur d’économie à l’université de Cambridge (1988-2001) Giannetti da Fonseca.
On ne s’étonnera donc pas d’un programme économique qui prône, pêle-mêle, la diminution du rôle économique de l’État, la privatisation de la Banque centrale, une prise de distance avec le Mercosur (communauté économique des pays d’Amérique du Sud) afin de mettre sur pied une union douanière avec les États-Unis, soit le projet de l’ancien président Fernando Henrique Cardoso qui n’avait pas abouti suite à l’élection de Lula en 2002. Bref, son programme fait d’elle, de facto, la candidate de Washington.
Une candidature montée à toute vitesse et qui, si elle aboutissait, serait un sérieux coup de frein au projet des BRICS (Brésil, Russie, Indes, Chine, Afrique du sud) de créer un système monétaire alternatif à celui du FMI et de la Banque mondiale. C’est d’ailleurs au Brésil que les dirigeants des BRICS avaient été reçus par Dilma Rousseff pour officialiser il y a tout juste deux mois et demi la création d’une nouvelle banque de développement. Bref, Dilma Rousseff dérange de plus en plus les États-Unis, qui considèrent l’Amérique du Sud comme leur pré carré. Autre signe révélateur, Marina Silva a pris position en faveur du mariage homosexuel, avant de se raviser suite aux menaces de non-soutien d’un des pasteurs évangéliques les plus influents du pays. Elle-même est membre de l’Assemblée de Dieu, la plus importante église pentecôtiste du monde. Un élément important dans une société où les églises évangélistes sont un vecteur d’américanisation en expansion. Tirant bénéfice de la misère galopante et du recule du catholicisme, ces églises rassemblent 22 % de la population brésilienne contre 5 % en 1970 et ont acquis un poids très significatif aussi bien économiquement que politiquement.
Sur tous les plans (économique, spirituel, sociétal, géopolitique), Marina Silva est indiscutablement la candidate de l’Empire dans cette élection. Une candidature qui joue sur les symboles plutôt que sur la politique sérieuse, dopée en moins de trois mois à grand renfort de dollars et de faux discours, afin de freiner le projet authentiquement alternatif des BRICS.