Dans Les Egarés. Le wahhabisme est-il un contre islam ?, Jean-Michel Vernochet montre que ce courant s’est affirmé comme le seul islam authentique et a condamné comme hérétique l’islam traditionnel, tel qu’il a existé durant les onze siècles précédents. Son point de vue historique et théologal réfute donc l’idée répandue, depuis le subventionnement de l’expansion wahhabite par l’Arabie saoudite, selon laquelle le wahhabisme serait une forme extrême de l’islam traditionnel. Son étude intervient alors que des points de vue similaires se répandent dans le monde arabe en réaction aux exactions des Frères musulmans, d’al-Qaïda et de l’Émirat islamique. Il répond ici à nos questions.
Réseau Voltaire : Le wahhabisme se diffuse aujourd’hui largement au sein de l’islam sunnite en Europe. Pourtant, selon vous, il n’est ni sunnite, ni même musulman au sens traditionnel de ce terme. Expliquez-nous ce paradoxe.
Jean-Michel Vernochet : Si l’on se donne la peine d’aller consulter les innombrables docteurs de l’islam dont les travaux sont accessibles sur la Toile, on s’aperçoit que le wahhabisme [1], l’idéologie des égorgeurs du Daech, constitue une véritable rupture épistémologique par rapport à la tradition islamique classique, mais aussi par rapport à ce qu’il convient de nommer l’islam populaire. Ayant évoqué personnellement, de vive voix, cette question avec l’érudit militant Sheikh Imran Hossein, celui-ci s’est montré en plein accord avec cette définition de la doctrine wahhabite. Nous sommes convenus qu’il s’agit bien d’une hérésie schismatique que les savants musulmans, mais aussi les intellectuels laïques arabes, désignent sous le terme de dajjâl, dont la traduction la plus exacte serait l’antéchrist [2] !
En donnant à connaître dans mon ouvrage les analyses d’oulémas dont la science islamique est avérée, mon intention a été de fournir des éléments incontestables pour éclairer la nature fondamentalement divergente du wahhabisme par rapport à l’islam traditionnel. Un angle de vue qui échappe entièrement aux Occidentaux, lesquels ne connaissent à peu près rien en matière d’islam à part le résumé très sommaire qu’en donnent certains théologiens chrétiens hélas dogmatiques, mais qui eux-mêmes, le plus souvent, croient tout savoir à partir de ce qu’en dit la grande presse écrite ou audiovisuelle… presse dirigée par des gens dont l’intérêt premier est de nous aveugler autant que possible, ceci pour mieux nous conduire, volens nolens, vers la fournaise de possibles guerres civiles.