Les événements en Syrie ont évolué ces dernières semaines conformément au scenario prévu dans les colonnes de Sputnik auparavant. Ce scénario envisageait une nouvelle réalité sur le terrain, nouvelle réalité qui s’est confirmée par un équilibre des forces renouvelé entre les différents acteurs du conflit.
Au sud du pays, l’offensive des rebelles continue le long d’un axe grand sud allant de Quneitra a la province de Sweida en passant par Daraa. Ce front sud, composé de plusieurs milliers de soldats, concentre principalement son offensive sur la ville de Quneitra en escomptant ainsi établir une connexion avec les périphéries sud et sud-ouest de la capitale, Damas.
Autour de Damas justement, le Hezbollah poursuit son nettoyage des monts Qalamoun, au nord de la capitale, afin d’assécher les routes d’approvisionnement vers l’est de la capitale (vers la Gouta orientale) ainsi que les flux de combattants (comme on peut le voir sur cette carte). L’opération vise également à sanctuariser la zone frontière avec le Liban, depuis laquelle nombre d’attaques ont été lancées par des djihadistes ces derniers mois.
Évolution du front sur le mont Qalamoun
Au centre du pays, dans la province d’Idlib, le long corridor terrestre sous contrôle de l’Armée syrienne a été peu à peu réduit à néant (voir carte ici), le front se stabilisant le long de la frontière de la province et long de la pleine du Ghab. On se souvient qu’entre 200 et 300 soldats et civils s’étaient retrouvés pris au piège dans l‘hôpital de Jisr al-Shughour, tombé aux mains des rebelles djihadistes. Apres avoir tenu un mois de siège et d’attentats-suicides, les forces syriennes ont réussi à organiser une opération d’évacuation d’une grande partie des survivants de l’hôpital, dont le récit est digne d’un roman de science-fiction.
Corridor d’Idlib, avril 2015
Corridor d’Idlib, juin 2015
Cette prise de contrôle quasi-total de la province d’Idlib a été possible militairement par des livraisons de matériel militaire plus sophistiqué à l’opposition, mais aussi et surtout par l’afflux d’un très grand nombre de combattants étrangers (principalement du monde russophone d’Asie). On note également le soutien actif de la Turquie, que ce soit sur le plan militaire ou logistique, notamment via la livraison d’armes, ce qui a déclenché un scandale politique national au royaume d’Erdogan.
À l’est du pays, la zone sous contrôle et au contact avec l’Emirat a connu un nouveau développement tragique. Au milieu du mois de mai, Daesh lançait une gigantesque opération militaire lui permettant de prendre le contrôle de la ville de Palmyre au prix de combat coûtant la vie à plus d’une centaine de soldats loyalistes. Apres la prise de contrôle de la cité antique, le groupe y a massacré plusieurs centaines de civils suspectés d’avoir des liens avec le pouvoir syrien, créant un sentiment mitigé de peur, de doute et une volonté lâche d’intervenir avec plus de fermeté contre la nébuleuse terroriste en relançant le débat consistant à savoir s’il ne fallait pas soutenir Assad « contre » l’État islamique.
Cette victoire a eu des conséquences terribles pour le régime tant sur le plan psychologique que stratégique : elle a totalement isolé les positions loyalistes à Deir-Ez-Zor, laissé le vide du désert entre les positions de l’EI et les villes de Homs et Hama sous contrôle du régime et enfin permis à l’EI de prendre le contrôle des champs pétroliers situés a proximité de la ville et 80% des ressources énergétiques de Syrie.
Au nord du pays, les forces kurdes continuent leurs offensives et ont réussi à unifier une large bande de territoire tout au nord du pays, le long de la frontière avec la Turquie, en prenant majoritairement des positions de l’État islamique, comme on peut le voir en jaune sur cette carte. Les forces kurdes, lourdement appuyées par la coalition militaire internationale, ont ainsi infligé leurs premières pertes sévères aux djihadistes et peut-être initié un certain ralentissement de leur expansion, du moins dans le nord du pays.
Situation militaire en Syrie, juin 2015
Dans la zone d’Alep, seconde ville du pays, principalement sous contrôle des loyalistes, et au sein de laquelle vivent près de deux million de civils, la situation est critique. La ville fait face à une menace d’encerclement par le nord, où Daesh affronte les rebelles pour le contrôle de la dernière route d’approvisionnement militaire de Turquie (après avoir perdu les autres face aux forces kurdes) mais aussi par le sud, ce qui menacerait la dernière voie d’approvisionnement du régime. Alep va-t-elle connaître des prochains mois terribles ? On peut malheureusement l’imaginer.
Et maintenant ?
Au fur et à mesure que la situation évolue, la stratégie Assad consistant à maintenir des avant-postes en zones hostiles au nord et à l’est du pays s’avère coûteuse en hommes mais également risquée d’un point de vue stratégique pour le régime.
Pour le pouvoir syrien, la bataille d’Alep devrait dans les prochains mois s’avérer cruciale afin de prouver sa capacité à garder la main sur la majorité habitée du territoire syrien, tout en protégeant les millions de civils qui y résident. A ce titre, les avancées de l’EI vers la zone centrale menacent directement l’axe central du pays, soit l’axe Damas — Hama — Lattaquié, colonne vertébrale du pouvoir aujourd’hui.
Le régime va-t-il se replier sur cette zone ou au contraire lancer un assaut pour : — Reprendre Palmyre (que l’EI a entièrement miné, craignant une offensive de l’armée) et donc le contrôle de la route de Deir Ez-Zor. — Accentuer son effort militaire sur Alep. Et ainsi affirmer sa volonté de présence/puissance sur l’est et le nord du pays ?
Beaucoup dépendra de l’Iran, dont des responsables militaires ont récemment promis de grandes surprises en Syrie, et rappelé que Téhéran et le Hezbollah seraient au côté de Damas « jusqu’au bout ».