« La violence trouve son seul refuge dans le mensonge, et le mensonge son seul soutien dans la violence [1]. »
« Avec le mensonge, patiemment appris et pieusement exercé, si Dieu nous assiste nous arriverons à dominer ce pays et peut-être le monde : mais cela ne pourra se faire qu’à la condition d’avoir su mentir mieux et plus longtemps que nos adversaires [2]. »
Introduction
L’un des intérêts du 11 Septembre est qu’il a introduit une véritable cassure dans l’opinion publique, un gigantesque fossé entre ceux qui acceptent – peu ou prou – la thèse officielle et ceux qui la rejettent, au point que, du point de vue des seconds, toute personne qui émet des opinions sur la politique internationale tout en admettant le mensonge officiel sur le 11 Septembre n’est tout simplement plus crédible.
Cela ne veut pas dire qu’en découvrant la « vérité sur le 11 Septembre », on passe des ténèbres à la lumière, du mensonge à la vérité pure. Il y a en effet au sein de la communauté des chercheurs de la « vérité sur le 11 Septembre » beaucoup d’incertitude, beaucoup de confusion et beaucoup d’hostilité. Se contenter de dire que Ben Laden n’est pour rien dans les attentats est assez peu risqué. Mais quiconque veut aller plus loin avance sur un terrain semé d’obstacles, de mines et de panneaux trompeurs. Il prend nécessairement le risque de se tromper. Je n’échappe pas à la règle.
La quête sur la « vérité du 11 Septembre » est une œuvre collective. C’est sa seule chance de réussite, car la manipulation qu’elle combat est aussi une œuvre collective, une machine extrêmement complexe et efficace. Personne n’a les moyens de déjouer à lui tout seul tous les tours pervers qui l’attendent dans sa quête. Signaler une erreur, une fausse piste, une fausse citation, un faux document déclassifié, un témoignage suspect, qu’a pu relayer un chercheur sincère n’est donc pas lui faire du tort ; c’est simplement contribuer par le débat à cette quête collective. Et donc je serai moi-même reconnaissant à ceux qui me signaleront et me démontreront mes propres erreurs. Dans cet article, je pars de faits troublants qui demandent explication, et en guise d’explication, j’avance des hypothèses, pas des certitudes. Je n’ai aucune expertise particulière, et sur certaines questions, je suis loin d’être suffisamment informé.
En pratique, la quête de la vérité est une chasse aux mensonges. Il faut aborder chaque information avec un doute systématique. C’est une démarche inconfortable, un peu paranoïaque, mais qui s’impose dès lors qu’on a mesuré le niveau de machiavélisme des « élites cognitives » (Gilad Atzmon) qui sont à l’origine du 11 Septembre et qui, à travers ce coup de poker menteur, espèrent rafler la suprématie mondiale. Les maîtres du mensonge ne se contentent pas de mentir au premier degré. Ils infiltrent et contaminent la dissidence, soit pour la fourvoyer, soit pour la discréditer.
Par conséquent, lorsqu’un doigt est pointé vers un suspect, il faut chercher à savoir à qui appartient le doigt et, parfois, pointer à notre tour le doigt sur le désinformateur. C’est un jeu périlleux, et qui vous vaut inévitablement d’être à votre tour pointé du doigt. Mais c’est la seule méthode pour s’y retrouver dans le labyrinthe de fausses pistes qui a été construit autour du 11 Septembre. On ne peut se contenter d’accepter une information simplement parce qu’elle nous fait plaisir, parce qu’elle conforte notre vision des gentils et des méchants ; il faut la vérifier, la rejeter si elle n’est pas vérifiable, et s’interroger sur sa fonction si elle se révèle bidon.
Il existe aujourd’hui trois thèses dominantes sur les auteurs des attentats du 11 Septembre :
1. Islam Job : la thèse gouvernementale qui attribue les attentats au terrorisme islamique, et à Ben Laden en particulier ;
2. Inside Job : la thèse majoritaire dans la mouvance contestataire, qui accuse l’administration américaine ;
3. Mossad Job : la thèse minoritaire de cette même mouvance, qui fait figure de contestation dans la contestation, et qui incrimine un réseau sioniste proche du Likoud.
Il existe des variantes de chaque thèse et des positions intermédiaires ou transitoires, mais trois camps s’affrontent clairement aujourd’hui : le premier traite le second de conspirationniste, et le second traite le troisième d’antisémite, chacun justifiant ainsi son refus de répondre aux arguments qu’on lui oppose. Reconnaître cette réalité de terrain, c’est-à-dire dépasser la vision bipolaire d’une guerre de l’information entre menteurs officiels et 9/11 truthers, pour s’intéresser au débat (ou l’absence de débat) entre inside-jobbers et mossad-jobbers, est le premier pas d’un changement de paradigme en « 11-septembrologie ».
Cet article adopte comme point de vue la troisième thèse. Je fais partie du nombre grandissant de gens qui, après des milliers d’heures de recherche, sont parvenus à la conviction que l’opération du 11 Septembre a été orchestrée par un réseau sioniste, dans le but d’entraîner les États-Unis dans une « guerre contre le terrorisme » de leur invention, dont le seul bénéficiaire ultime sera Israël. Car pour Israël, comme l’a immédiatement compris Benjamin Netanyahou, les attentats du 11 Septembre, « C’est très bon. […] Ça va générer une sympathie immédiate, […] renforcer le lien entre nos deux peuples [3]. »
Je ne vais pas faire ici l’inventaire des indices incriminant Israël ; je renvoie le lecteur à mon livre JFK-11 Septembre : 50 ans de manipulations et à mes articles antérieurs. Le sujet du présent article n’est pas la vérité sur le 11 Septembre – qui a fait quoi et comment –, mais plutôt la guerre de l’information sur le 11 Septembre : qui dit quoi et pourquoi ?
On peut remarquer d’emblée que les thèses 1 et 3 incriminent chacune une puissance extérieure aux États-Unis, contrairement à la thèse 2. Avant tout examen des preuves, une thèse du type outside job est naturellement plus crédible que la thèse inside job. Il y a quelque chose de monstrueux dans l’idée qu’un État trompe et terrorise ses propres citoyens et en sacrifie des milliers dans le but de déclencher une série de guerres qui ne sont même pas dans son intérêt. Par comparaison, l’idée qu’une puissance étrangère attaque les États-Unis en accusant une tierce puissance paraît presque « de bonne guerre ». Cette remarque est importante car elle conduit à s’interroger sur les moyens déployés pour convaincre la dissidence d’adopter massivement la thèse 2 plutôt que la thèse 3, a priori beaucoup plus crédible. C’est l’une des questions à laquelle nous allons essayer de répondre.
L’hypothèse que les véritables cerveaux de l’opération ont agi pour le compte d’Israël n’implique pas que l’administration de Bush Junior est innocente. La thèse 3 admet que la thèse 2, au contraire de la thèse 1, n’est pas complètement fausse et repose sur des éléments probants. Mais elle prétend également que les défenseurs de la thèse 2 exagèrent la portée de ces éléments tout en occultant les éléments incriminant Israël. La question qui se pose est dans quelle mesure cette démarche est intentionnelle, c’est-à-dire dans quelle mesure la thèse 2 constitue une « opposition contrôlée » destinée à recouvrir la vérité de la thèse 3.
Poser ce type de question, ce n’est pas soupçonner d’hypocrisie toute personne défendant une thèse erronée ou incomplète. La majorité des gens qui adhèrent à telle ou telle thèse le font sincèrement. Je suis moi-même passé par les trois cases en toute sincérité. On peut en revanche partir du principe que ceux qui maintiennent les masses dans l’erreur avec persévérance se situent dans le mensonge. D’une manière générale, il est légitime de s’interroger sur les motivations de ceux qui créent les mouvements d’opinion, et sur l’origine des moyens dont ils disposent. Et lorsque leur mensonge est prouvé, on doit en tirer des conclusions logiques.
En première partie, nous allons démontrer que le mensonge n’est pas l’apanage de la thèse officielle. Il ne suffit pas qu’une personne s’oppose au mensonge officiel pour qu’elle mérite automatiquement notre confiance aveugle. Le but des deux exemples qui suivent est, d’une part, d’inciter à l’esprit critique vis-à-vis des thèses dissidentes, d’autre part, de montrer la nécessité d’un nouveau paradigme pour tenir compte des couches successives de mensonges élaborées autour de la vérité. Nous poserons les bases théoriques de ce nouveau paradigme dans une seconde partie. Il s’agira forcément d’un modèle réducteur, une hypothèse de travail. Puis, dans une troisième partie, nous verrons si ce nouveau paradigme permet de résoudre certaines questions techniques délicates qui divisent les chercheurs de la vérité sur le 11 Septembre. Enfin, je concluerai en suggérant que ce paradigme possède une portée plus large que le 11 Septembre, et correspond à une stratégie globale du sionisme.
I. L’opposition contrôlée et les whistleblowers bidons
Exemple 1 : Bob Graham
Comme je l’ai dit, les trois thèses ne sont pas totalement incompatibles. On peut par exemple se positionner entre les thèses 2 et 3, en imaginant une collusion entre des intérêts américains et des intérêts israéliens (je montrerai toutefois qu’une telle solution crée autant de problèmes qu’elle en résout). Il existe également un positionnement intermédiaire entre les thèses 1 et 2, qui admet la culpabilité de Ben Laden mais accuse l’administration américaine de complicité. C’est ce qu’on peut nommer la « contestation molle ».
Cette thèse, représentée en France par Éric Laurent avec son livre La Face cachée du 11 Septembre (2004), s’appuie largement sur le témoignage du sénateur Bob Graham, qui en tant que président du Senate Intelligence Committee fut membre de la Commission gouvernementale sur le 11 Septembre. Dans son livre Intelligence Matters : The CIA, the FBI, Saudi Arabia, and the Failure of America’s War on Terror (Random House, 2004), et dans des articles, interviews et conférences, Graham prétend que la Commission aurait été informée que des « preuves » existaient d’un financement d’Al-Qaïda par des membres de la famille princière saoudienne, mais que 28 pages sur ce sujet auraient été censurées par l’administration dans le rapport final, en raison de « l’amitié spéciale entre la famille royale et les plus hautes sphères de notre gouvernement national [circonvolution pour désigner le président Bush] [4]. » Cette accusation a été reprise par Michael Moore dans son documentaire Fahrenheit 9/11, lauréat de la Palme d’or du Festival de Cannes 2004.
Bob Graham dans l’émission Democracy Now en septembre 2011 (en anglais non-sous-titré) :
Dans la mesure où la culpabilité de Ben Laden est un mensonge, il va de soi que la complicité des Saoud en est un second, emboité dans le premier, et cela, indépendamment de l’existence ou non des 28 pages censurées. Remarquons que même dans le cadre de la culpabilité de Ben Laden, la complicité des Saoud est totalement invraisemblable. Les Saoud ont déchu Oussama Ben Laden de sa nationalité en avril 1994, exaspérés par ses accusations contre la présence militaire américaine sur la terre sainte de l’islam depuis la Première Guerre du Golfe. Ben Laden appelle ouvertement au renversement de la monarchie saoudienne et, en 1998, il a admis son rôle dans l’attentat du 13 novembre 1995 contre le quartier général de la Garde Nationale à Riyad. Oussama Ben Laden, ostracisé par sa propre famille, est l’ennemi juré des Saoud. Pour quelle raison ces derniers auraient-ils comploté avec lui contre les États-Unis, leur allié de toujours ? « La réponse que j’ai trouvée, écrit Graham en 2011, est : la survie – la survie de l’État et la survie de la dynastie Saoud. » Les princes saoudiens auraient aidé Ben Laden pour éviter qu’il ne fomente une révolte à l’intérieur de leur propre pays. Quiconque veut nous faire avaler une telle absurdité ne peut être qu’un agent de désinformation. Loin d’être l’homme intègre qui refuse de se taire et de jouer le rôle qu’on veut lui faire jouer, Graham joue bel et bien un rôle assigné d’avance. La question est : qui a écrit son script ? Question facile : Bob Graham est le frère de Philip Graham, époux défunt de l’héritière d’Eugene Meyer, fondateur du Washington Post, lequel est avec le New York Times le plus puissant agent d’influence sioniste dans l’opinion publique américaine. En citant dans son interview à PBS en décembre 2002, « des preuves que des gouvernements étrangers ont contribué à faciliter les activités d’au moins certains des terroristes aux États-Unis [5], » Graham cherche à détourner l’attention du seul gouvernement étranger dont les liens avec les faux terroristes sont avérés (par la présence d’une trentaine d’agents israéliens à Hollywood, Floride, où résidaient quinze des supposés terroristes) [6].
On voit donc deux niveaux de mensonge. Premier niveau : le rapport de la Commission qui incrimine Ben Laden. Second niveau : les 28 pages censurées qui incriminent les Saoud. La mise en accusation de l’Arabie saoudite n’est qu’une dissidence factice, une mise en scène préméditée. Elle est en effet inscrite dans le scénario même de l’opération sous fausse bannière, par la présence de 15 Saoudiens sur la liste des 19 prétendus pirates de l’air. Pourquoi un tel choix, si ce n’est pour se donner à l’avance une ligne d’accusation et de pression contre le régime saoudien ? Mais pourquoi s’en prendre spécialement à ce pays, qui est le meilleur allié historique des États-Unis au Moyen Orient [7] ? Quelqu’un, au sein de l’État américain, cherche-t-il à nuire à cette relation en faisant passer les Saoudiens pour des traîtres ? Affirmatif : la trahison saoudienne est un thème de prédilection des néoconservateurs. C’est David Wurmser, au département d’État sous Bush Junior, qui ouvrit les hostilités dès le mois d’octobre 2001 dans le Weekly Standard (le principal organe de presse néoconservateur), avec un article sur « The Saudi Connection » où il prétendait que « Ousama Ben Laden est bien plus proche de la famille royale des Saoud que vous le pensez », et qu’en définitive, c’est la famille Saoud qui est derrière l’attentat du 11 Septembre [8]. Le Hudson Institute, l’un des bastions du néoconservatisme (co-fondé par Max Singer, aujourd’hui directeur de recherche à l’Institute for Zionist Strategies à Jérusalem), mène depuis longtemps une virulente campagne de diabolisation de la dynastie saoudienne. L’un de ses membres, le néoconservateur franco-américain Laurent Murawiec, est l’auteur de plusieurs ouvrages de cette veine, dont Princes of Darkness : the Saudi Assault on the West (2005). Dans leur livre paru en 2003, An End to Evil : How to Win the War on Terror, Richard Perle, éminence grise du Pentagone, et David Frum, rédacteur des discours du président Bush Junior, affirment que « les Saoudiens se qualifient comme membres de l’axe du mal », et ils implorent le président Bush de « dire la vérité sur l’Arabie saoudite », à savoir que ses amis saoudiens financent Al-Qaïdai [9].
L’insinuation un peu lourde contre le président Bush est bien la preuve qu’une guerre de l’information se joue entre les néoconservateurs et la Maison Blanche, dans les années qui suivent immédiatement le 11 Septembre. En affirmant que la piste saoudienne a été étouffée en raison de l’amitié entre les Bush et les Saoud, Graham et les néconservateurs mettent Bush sur la défensive et font peser sur lui la menace d’un déchaînement médiatique. Les liens d’affaire tissés par les Bush avec l’Arabie saoudite sont en effet de notoriété publique. Ils remontent à 1976, lorsque George Bush père était directeur de la CIA [10], mais se sont approfondis à la faveur de la Première Guerre du Golfe, qui permit au président Bush père de se poser en protecteur de l’Arabie saoudite. Depuis cette époque, les Bush sont très proches de Bandar ben Sultan Al Saoud, un membre de la famille royale, ambassadeur aux États-Unis de 1983 à 2005 [11], surnommé Bandar Bush. Le groupe Carlyle, dont George Bush père est l’un des principaux actionnaires, s’est lié notamment avec un neveu du roi Fahd. Un scandale éclate en mars 2001, lors d’une visite de Bush père en Arabie saoudite, en tant que responsable du groupe Carlyle. La nature de sa rencontre avec le roi Fahd suscite des interrogations : rencontre diplomatique, voyage d’affaires privées, ou les deux à la fois ? L’ancien président rencontre également à cette occasion la famille Ben Laden, en affaire avec Carlyle depuis 1990.
Extrait du documentaire Fahrenheit 9/11 de Michael Moore (2004) sur les Bush, les Ben Laden et le Groupe Carlyle :
Parce que les Bush sont en affaire avec les Ben Laden, il est improbable qu’ils aient été consultés pour le choix d’Oussama Ben Laden comme bouc émissaire du 11 Septembre. Mais surtout, s’ils avaient été impliqués dans la préparation de l’opération, auraient-ils donné leur accord pour qu’elle ait lieu le 11 septembre, date prévue de l’assemblée annuelle du groupe Carlyle à Washington ? En effet, ce jour-là, Bush père et Shafig Ben Laden, le demi-frère d’Oussama, se retrouveraient à cette réunion, avec plusieurs centaines d’autres investisseurs. Les attentats et la désignation quasi immédiate d’Oussama Ben Laden comme coupable semèrent la panique parmi eux. Dans la semaine suivante, malgré l’interdiction de vol maintenue par la FAA (Federal Aviation Administration), le Président autorisera un Boeing 747 de la compagnie Saudi Arabian Airlines à quitter les États-Unis, emportant 140 Saoudiens, dont Shafig Ben Laden et une vingtaine d’autres Ben Laden [12]. Ces nouvelles, rendues publiques et particulièrement bien exploitées par Michael Moore, causèrent un grand embarras au président Bush et à sa famille. Il paraît évident que la date de l’opération a été choisie, non seulement à l’insu des Bush, mais dans le but précis de les mettre en difficulté et d’exercer sur eux un chantage. Est-il concevable que le 11 Septembre ait été conçu par les néoconservateurs d’une façon qui permette non seulement d’incriminer ouvertement Ben Laden, mais aussi d’incriminer potentiellement les Bush, ou tout au moins les mettre dans l’embarras pour les neutraliser ?
Avant de répondre, intéressons-nous aux relais médiatiques des accusations contre les Saoud. Curieusement, on les trouve moins chez Fox News qu’à l’autre extrémité du spectre médiatique. Graham fait ses révélations sur Democracy Now, la très respectée chaîne Internet d’information fondée par Amy Goodman, icône du journalisme de la gauche radicale anti-guerre. Wikipedia nous informe que « Amy Goodman, petite-fille d’un rabbin orthodoxe, se décrit comme une juive laïque. Une partie de sa famille est morte au cours de la Shoah » (cette dernière info est curieusement absente de l’article en anglais). Voilà qui ne nous renseigne nullement. Plus significatif est le fait qu’un de ses invités les plus fréquents est Noam Chomsky. Comme Chomsky, Goodman appartient au club des gatekeepers : leur discours passe pour de la dissidence, et pourtant ils défendent le postulat de la thèse officielle qui attribue à Ben Laden les attentats du 11 Septembre. L’un de leurs rôles est d’attirer les sceptiques dans une nassse, pour les maintenir éloignés d’une remise en question trop radicale de la thèse officielle.
Bob Graham n’est qu’un exemple parmi d’autres insiders jouant les dissidents en focalisant les soupçons sur les Bush, sans remettre en cause le Gros Mensonge officiel (la responsabilité de Ben Laden et d’Al-Qaïda). Dans cette catégorie rentre également Richard Clarke, qui occupe un poste de responsable du contre-terrorisme sans interruption depuis l’administration Reagan jusqu’à celle de Bush junior. Ce Terror Czar, comme on le surnomme, prétend dans son best-seller Against All Enemies (2004), qu’avant le 11 Septembre Bush a fait la sourde oreille à ses avertissements répétés sur les dangers d’Al-Qaïda, et surtout « révèle » que, dès le 12 septembre, le président Bush lui demanda de fournir les preuves d’un lien entre Saddam Hussein et les attaques. Lorsque Clarke lui transmit un rapport concluant qu’il n’y avait aucun lien, ce rapport aurait été retourné avec la mention « à actualiser et soumettre à nouveau », sans indication que le Président l’avait lu [13]. Clark attribue donc l’obsession d’attaquer l’Irak à Bush junior (qui aurait été habité par la mission de finir le boulot de son père). Comme on peut s’y attendre, Clarke est l’invité d’Amy Goodman sur Democracy Now. Mais Gwenyth Todd, parmi d’autres authentiques dissidents, considèrent qu’il est en réalité l’un des principaux conspirateurs du 11 Septembre et rappelle qu’il fut soupçonné d’avoir espionné pour Israël sous l’administration Clinton [14].
Autre exemple probable d’insiders chargés d’alimenter les soupçons sur l’administration Bush, et invité à ce titre par Amy Goodman sur Democracy Now : le général Wesley Clark, ancien commandant de l’OTAN en Europe (il orchestra la campagne au Kosovo en 1999). Comme Bob Graham et Richard Clarke, Wesley Clark se présente comme une sorte de whistleblower ayant décidé de révéler au public une vérité cruciale occultée par le pouvoir. Il rapporte dans son livre Winning Modern Wars (2003) une conversation avec un haut-gradé du Pentagone qui, deux mois après le 11 Septembre, lui aurait révélé qu’on avait décidé en haut-lieu d’attaquer sept nations en cinq ans, « en commençant par l’Irak, puis la Syrie, le Liban, la Libye, la Somalie, le Soudan et pour finir l’Iran [15] ». Clark précise que l’officier en question lui aurait montré un mémorandum classifié détaillant le plan, et que celui-ci avait été incapable de donner une raison pour ces agressions planifiées, autre que le fait que « nous avons une bonne armée » et « quand on n’a qu’un marteau, tout problème doit ressembler à un clou [16] ». Avec une étrange désinvolture, Clark accuse ainsi à demi-mots le complexe militaro-industriel, en suggérant que la fin se confond ici avec les moyens : la guerre servirait avant tout à faire fonctionner les armes.
Wesley Clark sur Democracy Now en 2007 :
Comme pour les 28 pages censurées dont parle Bob Graham, nous sommes censés croire Clark sur parole concernant l’existence du mémo top-secret. De son vrai nom Kanne, Welsey Clark est le fils de Benjamin Jacob Kanne et le petit-fils de Jacob Kanne (inscrit Kohen sur sa pierre tombale), lui-même né d’un juif biélorusse émigré aux États-Unis et se considérant comme l’héritier d’une lignée de rabbins [17]. Dans ce cas, Clark ne peut ignorer que les « Sept Nations » ennemies d’Israël sont un thème récurrent de la Torah, inculqué aux écoliers israéliens dès l’âge de neuf ans. Selon Deutéronome 7, Yahvé livrera à Israël « sept nations plus grandes et plus puissantes que toi. […] Yahvé ton Dieu te les livrera, elles resteront en proie à de grands troubles jusqu’à ce qu’elles soient détruites. Il livrera leurs rois en ton pouvoir et tu effaceras leur nom de dessous les cieux » (voir aussi Josué 24.11). Doit-on croire à une coïncidence dans le fait que les stratèges du Pentagone auraient ciblé précisément sept nations à abattre au Moyen Orient ? Sont-ils inconsciemment inspirés par Yahvé Sabaot, le Dieu des armées de l’Ancien Testament ? Ou faut-il plutôt admettre que Clark se moque très subtilement du monde, en faisant porter au Pentagone la responsabilité d’un plan de destruction du Moyen-Orient tout en indiquant de façon cabalistique que le plan est biblique, donc sioniste ? Le doute est permis [18].
Résumons : si vous êtes crédule et faites confiance aux médias institutionnels, vous pensez que l’invasion de l’Irak est motivée par les « armes de destruction massives » de Saddam, et/ou que les États-Unis livrent au Moyen-Orient une « guerre contre le terrorisme ». Si vous êtes sceptique et faites confiance au journalisme alternatif et dissident incarné par Amy Goodman, Noam Chomsky, Michael Moore et bien d’autres, vous pensez que les États-Unis détruisent des États au Moyen-Orient pour le pétrole. Dans les deux cas, vous vous êtes fait avoir. Tel est le principe du « double mensonge », l’équivalent médiatique du « double lien » psychologique qui paralyse la pensée. Si vous vous libérez du mensonge officiel, vous vous retrouvez dans un second mensonge ; un mensonge plus difficile à briser, parce que vous avez maintenant investi votre confiance en ceux qui vous ont tiré hors du premier mensonge en vous appâtant par un morceau de vérité.
L’opposition contrôlée accepte la culpabilité de Ben Laden dans le 11 Septembre – le Gros Mensonge – mais évoque des complicités saoudiennes ou américaines, jamais israéliennes. Le débat est truqué. Le principe est comparable à un match de catch. Les rôles sont décidés d’avance. Plus le combat semble violent, mieux cela vaut. Mais c’est une violence illusoire : tous les coups sont permis, sauf ceux qui blessent véritablement. L’important est que le public garde les yeux rivés sur ce combat, et ne se laisse pas distraire par le vrai sujet. Le vrai sujet, l’enjeu crucial de notre époque, c’est le suprémacisme sioniste et son rôle dans les guerres mondiales passées, présentes et à venir. C’est le sujet qui ne doit pas être abordé. C’est à cela que veillent les sponsors de l’opposition contrôlée, qui contrôlent également le discours dominant des grands médias. Le but, au fond, est d’occuper le terrain, la totalité du terrain si possible, y compris celui de l’antisionisme, par ceux que Gilad Atzmon nomme les « antisionistes sionistes ».
Aux États-Unis, l’opposition contrôlée s’applique à entretenir la mauvaise conscience de l’Amérique jusqu’à un point névrotique, l’accusant de tous les malheurs du monde. Cela permet de faire passer l’expansionisme d’Israël pour une manifestation de l’impérialisme américain. Israël, en effet, ne serait que la tête de pont de Washington au Moyen-Orient ; un discours qui, cependant, a de plus en plus de mal à passer. Depuis le 11 Septembre, cette même gauche anti-américaine met également les crimes de l’islamisme radical sur le compte de l’impérialisme américain. Pour Howard Zinn, comme pour Noam Chomsky, la question n’est pas qui est responsable des attentats du 11 Septembre, mais pourquoi Ben Laden déteste à ce point les États-Unis [19]. Entre les médias mainstream qui, depuis le début du nouveau millénaire, accusent l’islam et les pays arabes de tous les maux et les médias alternatifs de gauche qui, dans le même temps, accusent l’Amérique de tous les maux (les mêmes), l’opinion américaine est prise en tenaille. Ceux qui contrôlent les deux mâchoires (ceux qui tiennent le manche) sont les mêmes, comme le prouvent les trotskistes convertis au néoconservatisme.
Exemple 2 : Aaron Russo
Avec Bob Graham, nous avons vu ce qu’est la dissidence molle du 11 Septembre : une contestation factice au service des menteurs officiels. Nous l’avons vu jeter le soupçon de complicité sur les Saoud et sur les Bush et, par inférence, sur le lobby pétrolier. Entrons maintenant dans la contestation dure du 9/11 Truth movement et, tant qu’à faire, rendons-nous chez la star incontestée du conspirationisme, Alex Jones, dont les site Infowars.com et PrisonPlanet.com n’ont rien à envier à celui d’Amy Goodman en terme d’audience.
Au début de l’année 2007, Jones invite Aaron Russo, producteur et réalisateur hollywoodien. Aaron Russo raconte que Nicholas Rockefeller (décédé entre-temps) lui aurait annoncé les attentats du 11 Septembre et leurs conséquences détaillées onze mois à l’avance, en les attribuant à un complot de l’élite financière américaine réunie dans le Council on Foreign Relations, dont il fait partie. Le but ultime de l’opération serait d’établir un Nouvel Ordre mondial fondé sur un asservissement globalisé de tous les peuples. Entre autres révélations, Nick Rockefeller aurait confié à Russo que le féminisme avait été une invention de cette élite à dessein d’asservir par le salariat et l’impôt la seconde moitié de l’humanité, et que l’étape suivante serait l’implantation d’une puce électronique dans chaque être humain.
- Aaron Russo et son pote Nick Rockfeller
Aaron Russo sur PrisonPlanet.com :
Aaron Russo est-il crédible ? Pas vraiment, et son témoignage a été efficacement debunké plus d’une fois. Il existe bien un avocat californien du nom de Nick Rockefeller, mais il est introuvable dans l’arbre généalogique de la célèbre dynastie Rockefeller. Même en admettant qu’il fût un lointain parent des richissimes Rockefeller, la probabilité qu’il ait eu connaissance d’un tel complot est dérisoire, et l’idée qu’il ait partagé cette connaissance avec un petit producteur juif hollywoodien est plus ridicule encore. Il est bien plus probable que Russo, se sachant condamné par un cancer (il mourra six mois après son interview d’un cancer déclaré depuis sept ans), se sera laissé convaincre de « faire quelque chose pour Israël » avant de quitter ce monde, prévoyant de surcroît que son décès augmenterait l’impact de sa rumeur complotiste [20].
Alex Jones est au mouvement 9/11 Truth ce qu’Amy Goodman est à la gauche contestataire : il dissémine des demi-vérités mélangées à de purs mensonges, dans le but de détourner l’attention d’une vérité plus centrale. Serait-il, lui aussi, « éternellement attaché » à Israël par son épouse, Kelly Rebecca Nichols, fille d’Edmund Lowe Nichols et Sandra Kay Heiligman ? L’ennemi auquel Alex Jones a déclaré la guerre est le « Nouvel Ordre mondial » fomenté à Wall Street. Il est nécessaire de s’interroger sur l’emploi quasi-hypnotique de ce terme par Jones et un grand nombre de ses émules. Quelle réalité recouvre réellement ce terme ? Dans le discours de Jones, deux noms en particulier sont attachés à ce terme : Rockefeller, en raison du rôle fondateur de David Rockefeller dans le Groupe Bilderberg et la Commission Trilatérale, et Bush, en raison du fameux discours de George H.W. Bush devant le Congrès le 11 septembre 1990, où il annonçait « un âge où les nations du monde, à l’Est et à l’Ouest, au Nord et au Sud, pourront prospérer et vivre en harmonie. […] Un monde dans lequel les nations reconnaissent la responsabilité partagée de la liberté et de la justice. Un monde où le fort respecte le droit du faible [21] ». Y a-t-il un rapport réel entre ce discours purement démagogique de Bush et la vision élitiste et globaliste de Rockefeller ? Ou bien le rapport est-il une construction du conspirationisme d’Alex Jones ? Je ne dis pas qu’il n’existe pas, ici et là, de projets d’un nouvel ordre mondial ; je dis simplement que le terme a été transformé par une certaine dissidence en un slogan servant d’écran de fumée au projet sioniste, lequel est le projet de nouvel ordre mondial de loin le plus menaçant. Visionnez attentivement, par exemple, le dernier film de Jason Bermas, Invisible Empire (2010), produit par Alex Jones, et demandez-vous si, au-delà des slogans, des amalgames et des rumeurs, la thèse qu’il défend repose sur le moindre fait : c’est un ramassis de tous les poncifs sur le Nouvel Ordre mondial, qui fait la part belle aux Bush et Rockefeller mais ne souffle mot de la composante sioniste, même en évoquant les néoconservateurs [22].
Les noms de Bush et de Rockefeller ne servent-ils pas, dans ce type de désinformation, de fausses bannières destinées à cacher un autre nom ? Quel est en effet le nom de la dynastie dont la fortune est estimée aujourd’hui à 50 000 milliards de dollars, qu’on ne peut prononcer qu’à ses risques et périls ? Demander donc à Jacques Cheminade [23].
Jacques Cheminade interviewé par Frédéric Haziza sur LCP :
En résumé, si vous êtes crédule et faites confiance au gouvernement, vous croyez que les attaques du 11 Septembre sont l’œuvre d’Al-Qaïda. Si vous êtes sceptique et faites confiance à Alex Jones, vous croyez qu’elles sont l’œuvre du complot interne du « Nouvel Ordre mondial » où se côtoient les Bush et les Rockefeller. Dans les deux cas, vous vous êtes fait avoir. Il est important de reconnaître que le courant dominant du mouvement 9/11 Truth, celui qui bénéficie de la plus grande visibilité, est largement engagé dans une entreprise de désinformation, dont le but est d’éloigner les soupçons d’Israël et s’assurer que les dissidents Américains continuent de chanter en cœur, derrière Alex Jones ou encore Luke Rudkowski de WeAreChange.com : « 9/11 was an inside job ! » Le récent docu-thriller The Anatomy of a Great Deception (2014), est du même acabit [24], tout comme la fiction Operation Terror (2012) réalisée par Art Olivier.
Depuis le 11 Septembre, la sphère conspirationniste constitue, pour une large part, un nouveau type d’opposition contrôlée. Elle n’est pas nécessairement de gauche, et elle est plus patriote qu’anti-américaine. Alex Jones, par exemple, passe pour un libertarien de droite, et c’est un ardent défenseur du Cinquième Amendement (le droit des Américains de s’armer). Cette dissidence accuse parfois la gauche radicale traditionnelle de jouer le rôle de « gardien du portail » (gatekeepers), à juste titre. Pourtant, ces deux oppositions contrôlées ont aussi une grande connivence, qui relativise l’importance de leur désaccord sur le 11 Septembre. La preuve en est que les interviews d’Éric Laurent sont relayées sur Reopen911 sans la moindre critique. Et il est difficile de savoir dans laquelle des deux catégories classer le film One. Enquête sur Al-Qaïda co-produit par Reopen911. Son réalisateur, Franco Fracassi, résume ainsi sa thèse : «
Résumons : une partie des milliards de dollars de la maison royale saoudienne finit dans les poches des terroristes du 11 Septembre par le biais d’une banque italienne dirigée par un nazi suisse converti à l’Islam qui travaillait pour la CIA, et par le biais d’une multitude de petites sociétés de Houston, capitale de l’énergie, toutes liées à Enron, le colosse de l’énergie qui a fait faillite en 2001, et qui était lié à la famille Bush. »
Si le but était de brouiller les pistes en semant la confusion, on ne ferait pas mieux [25].
Extrait du documentaire One. Enquête sur Al-Qaïda :
L’une des nasses les plus efficaces, utilisée conjointement par les deux niveaux d’opposition contrôlée, est la théorie que les États-Unis interviennent au Moyen-Orient pour le pétrole. Elle passe pour une évidence à force d’être répétée de tous bords, de Noam Chomsky (« Bien sûr que c’était les ressources énergétiques de l’Irak. La question ne se pose même pas [26] ») à Alan Greenspan (« Tout le monde le sait : l’un des grands enjeux de la guerre d’Irak était le pétrole de la région [27] »). Les Inside-jobbers sont d’accord avec eux : le pétrole est selon eux l’ultime motivation du 11 Septembre. Richard Heinberg, spécialiste auto-proclamé de la déplétion énergétique, nous l’affirme dans une vidéo relayée par Reopen911 :
« Je crois personnellement qu’il y a une relation profonde entre les événements du 11 Septembre et le pic pétrolier, mais ce n’est pas quelque chose que je peux prouver [28]. »
Si cette thèse, en effet, ne peut pas être prouvée, c’est parce que son caractère d’évidence n’est qu’un effet illusoire de sa répétition. Il n’existe aucun signe que le lobby pétrolier ait encouragé l’intervention militaire en Irak, pas plus qu’en Libye ou Syrie. Les industries du pétrole n’ont besoin que d’une seule chose dans les pays producteurs, c’est la stabilité politique, et les dictatures lui conviennent parfaitement. Ce qu’elles demandaient pour l’Irak était la levée des sanctions interdisant de traiter avec le régime, et c’est aussi ce qu’elles demandent pour l’Iran. Comme l’a bien montré James Petras dans Zionism, Militarism and the Decline of US Power, « Big Oil non seulement n’a pas encouragé l’invasion, mais n’a même pas réussi à contrôler un seul puits de pétrole, malgré la présence de 160 000 soldats américains, 127 000 mercenaires payés par le Pentagone et le Département d’État, et un gouvernement fantoche corrompu [29]. » Lorsqu’en 2009 les licences d’exploitation furent mises aux enchères, ce sont la Russie et la Chine qui se taillèrent la part du lion, et même la France, avec Total, se plaça devant les États-Unis [30]. Si donc la guerre d’Irak avait le pétrole pour but secret, elle serait un échec complet.
[Fin de la première partie.]