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En Ukraine, seul l’hégémonisme des États-Unis a intérêt à la guerre

Les rotatives de la désinformation auront beau le répéter ad nauseam, chacun sait que la Russie n’envahira pas l’Ukraine. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’elle ne souhaite pas la guerre et qu’elle compte obtenir la satisfaction de ses exigences par d’autres voies.

 

Que veut la Russie ?

Principalement, deux choses.

Premièrement, elle veut un traité international garantissant la non-adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Cet accord en bonne et due forme mettrait un coup d’arrêt à la politique d’encerclement orchestrée par Washington depuis la chute de l’URSS et offrirait à la Russie de véritables garanties de sécurité. Après l’extension ininterrompue de l’alliance militaire occidentale, une telle limitation de ses ambitions aurait pour effet d’instaurer un climat de confiance en rassurant Moscou quant aux relations futures avec le monde occidental. Elle dissiperait aussi le fantasme des ultras de Kiev qui s’imaginent qu’ils vont reconquérir la Crimée alors que 96% de sa population a choisi la Russie.

Deuxièmement, la Russie veut l’application des accords de Minsk et notamment la fédéralisation de l’Ukraine, laquelle permettrait de concilier les intérêts des deux parties en présence : l’octroi effectif de l’autonomie qui avait été promise garantirait les droits de la minorité russophone du Donbass tout en préservant l’intégrité territoriale ukrainienne, comme le demande à juste titre le gouvernement de Kiev.

Il est évident que pour atteindre ce double objectif, Moscou ne veut surtout pas d’une escalade militaire qui en compromettrait au contraire la réalisation. Car seul un processus politique est de nature à ménager une sortie de crise respectant les desiderata des uns et des autres. La guerre ou la paix, il faut choisir. En demandant à l’OTAN de ne pas s’étendre davantage, la Russie a fait le choix de la paix par la négociation, et non d’un affrontement militaire qui justifierait, précisément, la mise en place d’un bouclier occidental destiné à soutenir l’Ukraine.

Mais le problème vient de ce que les objectifs de Washington ne sont pas du tout de même nature, et c’est pourquoi la crise prend des proportions alarmantes.

 

Que veulent les États-Unis ?

On l’a compris depuis le début : leur propagande fabrique de toutes pièces une guerre imaginaire qui joue le rôle de prophétie autoréalisatrice. Ils annoncent une conflagration imminente en faisant passer cette fiction pour la réalité, et cette supercherie fonctionne : il suffit de circuler sur la Toile pour s’apercevoir qu’une partie de l’opinion occidentale croit que la Russie a déjà attaqué l’Ukraine.

Si la méthode employée par cette propagande est grossière, l’objectif poursuivi par Washington est parfaitement transparent. Il s’agit de justifier de nouvelles sanctions contre Moscou, de saboter la mise en place de North Stream 2 et de ressouder l’Europe autour de l’OTAN sous la direction hégémonique des États-Unis. Dans ce scénario cousu de fil blanc, l’Ukraine sert d’appât et de maillon faible : en la colonisant, Washington y exerce une influence délétère qui menace la sécurité de la Russie à ses propres frontières, tout en ayant l’air de voler au secours d’une pauvre petite nation qui risque de se faire dévorer par l’ours russe.

Dans cette conjoncture, seul l’hégémonisme des États-Unis a intérêt à la guerre. Si jamais un conflit de grande ampleur éclatait dans la région, aucun soldat de l’armée des États-Unis n’y participerait. Ceux qui étaient présents en Ukraine ont d’ailleurs déjà été évacués. Bien sûr, Moscou serait immédiatement désigné comme l’agresseur même et surtout si c’est totalement faux : l’imputation à autrui des guerres américaines est un classique des relations internationales depuis deux siècles. Enfin le bénéfice économique d’un tel conflit, pour Washington, serait considérable : la Russie serait punie par l’Union européenne et le projet North Stream 2 définitivement torpillé.

Mais les dividendes géopolitiques de cette nouvelle guerre par procuration seraient beaucoup plus larges que le théâtre d’opérations russo-ukrainien : l’augmentation démentielle du budget militaire de l’OTAN, qui fait déjà 16 fois celui de la Russie, serait justifiée, aux yeux d’une opinion occidentale manipulée, par l’abominable « menace russe ». Cerise sur le gâteau, l’acharnement contre la Russie affaiblirait le principal allié de la Chine, qui est considérée par les États-Unis, conformément à la doctrine Pompeo confirmée par Biden, comme « l’ennemi numéro Un du peuple américain ».

Que les États-Unis aient intérêt à la réalisation d’un tel scénario, heureusement, ne signifie pas qu’il verra le jour. Il est plus que probable qu’aucune guerre de grande ampleur n’éclatera, et pour une raison très simple : pour qu’elle ait lieu, il faut que deux camps soient résolus à y participer. Or la Russie n’en veut pas, et les États-Unis n’en veulent que si elle est faite par les autres. Washington s’en accommoderait fort bien, mais l’Ukraine est-elle prête à en payer le prix ? Certes, le conflit de basse intensité qui frappe le Donbass risque de s’accentuer, et c’est déjà le cas. Mais lorsque Donetsk et Lougansk évacuent les populations civiles pour les soustraire au feu roulant des bombardements ukrainiens, qui est l’agresseur et qui est l’agressé ? Qui refuse l’application des accords de Minsk et l’instauration d’un système fédéral comme solution politique ?

Corrompus par Washington et Bruxelles, certains dirigeants ukrainiens s’imaginent peut-être qu’ils vont tirer profit de la situation pour régler leur compte aux résistants du Donbass. Vont-ils commettre la folie d’une attaque massive contre les deux républiques ? Si cette catastrophe survenait, l’invasion militaire ukrainienne ne pourrait être longtemps déguisée en riposte légitime à une « provocation séparatiste », comme le répète aujourd’hui la propagande occidentale. Il suffira de constater où se trouvent les blindés et les fantassins ukrainiens. L’agression dûment constatée, la Russie prendra ses responsabilités et réagira de manière proportionnée afin de défendre les populations russophones. On souhaite bien du plaisir aux ultras de Kiev engagés dans cette opération hasardeuse. Secourus par Moscou, les combattants du Donbass se battront pour leur liberté, tandis que les soldats de Kiev se battront pour l’OTAN. Il suffit alors de considérer l’Histoire. Washington trahit toujours ses alliés. Moscou n’abandonne jamais les siens.

Bruno Guigue

 

 

En complément au texte de Bruno Guigue, voici la dernière intervention de Xavier Moreau sur l’actualité russo-ukrainienne, peu de temps avant la prise de parole de Vladimir Poutine :

 

 

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15 Commentaires

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  • #2910888

    En reconnaissant l’indépendance des deux républiques du Donbass (4 millions d’habitants), la Russie n’est pas loin de récupérer le Donbass, comme l’Allemagne a récupéré les 3,5 millions d’allemands des Sudètes en 1938 .

     

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  • #2911030

    2 empires, 2 ambitions : une thalassocratie américiane et une Eurasie russe. Qui gagnera la partie ? l’Histoire donne raison aux empires maritimes : Athène contre Sparte, Rome contre Carthage, l’Angleterre contre la France. Poutine réamorce sa conquète d’ouverture vers les mers chaudes quand les États-unis avancent leurs pions avec l’Otan. Pour autant, à un moment, les choses s’équilibrent et se figent. La guerre n’aura pas lieu.

     

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  • #2911048

    On oublie de dire que si elle n’adhère pas tout de suite à l’OTAN, l’Ukraine voudra adhérer à l’UE, ce qui revient au même !
    Ensuite, derrière les US, comme d’habitude on a les anglais qui poussent à la guerre et arment l’Ukraine ! Comme en 1939 avec la Pologne !

     

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  • #2911059
    Le 22 février 2022 à 06:29 par Martin Gale
    En Ukraine, seul l’hégémonisme des États-Unis a intérêt à la guerre

    La Russie et les USA jouent à une même table mais pas au même jeu.
    D’un côté les States, qui tentent un bluff énorme avec un 7/2 en main, grâce à l’armée mediatico-politicarde totalement soumise à l’impérialisme qui comme pour le Covid, abreuve l’opinion publique de délires guerriers.
    De l’autre, la Russie qui fait diversion avec ses pions et ses cavaliers, pour venir mettre mat l’hégémonie fantasmée américaine dans la région en portant des coups de grâce les uns après les autres. Exercices militaires en cours pour protéger à dessein l’annonce de la reconnaissance des territoires autoproclamés, n’étant pas obligée d’envahir brutalement l’Ukraine, mais en laissant faire patiemment le bon sens, et laisser guérir naturellement la gangrène libertaire qui a fait rêver, non seulement les Pays de l’Est, mais toute l’europe occidentale. La Russie va reconquérir par l’esprit, et par le ventre l’Ukraine.
    Forcément, l’idéologie libérale libertaire americano sioniste a fait sensation à ses débuts, se présentant comme une avant-garde de lifestyle libérateur des moeurs. Mais ce système, créé ex-nihilo, comme la richesse qui le maintient sous perfusion, a ses limites. C’est à cause de ces limites, désormais largement dépassées, que l’Empire doit agir vite et fort, et revêtir son habit de tyran, ou plutôt enlever son masque de bon samaritain, pour tenir sa position par un contrôle total et inexpugnable.
    Au contraire de la Russie, les USA n’ont pas le temps, car celui-ci joue contre eux : d’une part parce qu’ils ne croient qu’au paradis (ou plutôt à l’enfer) terrestre, et d’autre part parce que le soulèvement des peuples contre leur modèle est imminent, et même en cours. C’est le principe de l’équilibre des vas communicants : cet équilibre ressent le besoin d’être contrebalancé, étant arrivé à son apogée.
    Le problème, c’est que faire une partie d’échecs avec des joueurs de Poker, ça ne peut que mal finir puisque les règles ne sont pas les mêmes, et pis encore, elles ne sont pas établies selon la même échelle de valeurs. Cela revient un peu à essayer de faire une partie contre un pigeon : il ne comprend rien, roucoule, s’énerve, piétine l’échiquier, et finit par chier dessus !

     

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  • #2911078

    Deuxièmement, la Russie veut l’application des accords de Minsk et notamment la fédéralisation de l’Ukraine, laquelle permettrait de concilier les intérêts des deux parties en présence : l’octroi effectif de l’autonomie qui avait été promise garantirait les droits de la minorité russophone du Donbass tout en préservant l’intégrité territoriale ukrainienne, comme le demande à juste titre le gouvernement de Kiev.




    Bon, là, tout ça est maintenant dépassé. La Russie vient de reconnaître l’indépendance des RPD et RPL, et de signer deux traités avec elles dans la foulée, c’est-à-dire qu’elle les traite maintenant comme des Etats indépendants : il n’est plus question ni d’accords de Minsk, ni de fédéralisation, ni d’autonomie, ni d’intégrité territoriale ukrainienne.

    La réponse russe à l’offensive otanienne n’a pas été militaire mais diplomatique et d’une envergure maximale diplomatiquement parlant. La Russie vient d’enterrer les accords de Minsk dont on ne parlera plus qu’au passé.

    Il semble que la Russie, je dis bien il semble, a abandonné l’espoir d’entretenir des relations normales avec l’occident et considère tous les grands projets ou contrats en cours comme perdus d’avance ou voués à être rompus... Medvedev a abordé cette question pendant le conseil de défense d’hier : la possibilité que les otaniens rompent toutes relations économiques avec la Russie et sa conclusion était que cela coûtera très cher à la Russie mais qu’elle saura surmonter les sanctions.

    La Russie est allé aussi loin qu’elle pouvait pour sauver l’espoir de relations économiques normales avec l’Europe de l’ouest, mais hier a marqué la limite de ces efforts : la sécurité des Russes est plus importante pour la Russie que le développement économique.

     

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  • #2911111

    Toujours très intéressant et pointu Xavier Moreau .
    Si j’’avais une toute petite suggestion a lui faire, ce serait de remplacer le terme " comme quoi ..." qu’il utilise parfois , par "selon laquelle...." qui est bien plus agréable à l’oreille.

     

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  • #2911171

    Bon sang Xavier, l’interview en pyjama quand meme ! hahahaha

    c’est bon d’avoir d’autres sons de cloches...

     

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  • #2911470
    Le 22 février 2022 à 16:50 par Alain Bispol
    En Ukraine, seul l’hégémonisme des États-Unis a intérêt à la guerre

    Je connais mal l’histoire et la Géo Mais l’Ukraine, c’est pas l’ancien royaume Khazar ? si c’est ça, je comprends que Poutine ne soit pas pressé de les intégrer.

     

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  • #2911570

    Pas que...Pas que...Dans la logique de sa reconstruction, après sa réunification de 1990, l’Allemagne a là une occasion pour récupérer ses territoires de la plaine germano-polonaise qu’on lui a confisqués à la fin de la WII. Confisqués et donnés aux Polonais, pour dédommager ces derniers de la partie de leur territoire que les soviétiques s’approprièrent.C’est a dire une grande partie de l’ouest de l’Ukraine...
    Tout le monde connaît la puissance de feux financière et technologique de l’Allemagne
    Alors, connaissant la singulière proximité de la diplomatie Germano/Russe (Gerhard Schröder/gazprom... ) imaginons un deal discret façon Yalta, entre les Teutons et les Yvans « On laisse récupérer l’est de l’ukraine à poutine et nous, pour les échanger avec nos territoires perdus en 45, on récupère la Galicie. Et on l échange ensuite avec les Polaks ». Tout cela, une fois bien sur que l’Ukraine actuelle sera exsangue...

     

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  • #2912605

    Combien de gens ici vont avaler leur chapeau maintenant que la Russie a envahi l’Ukraine ?

     

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