Les indicateurs sont désormais au rouge. Les États-Unis sont sur le point de claquer la porte du Conseil des droits de l’homme (CDH), le principal organe multilatéral traitant des droits humains dans le monde. Après le virulent plaidoyer de l’ambassadrice américaine auprès de l’ONU Nikki Haley lors de son passage à Genève en juin 2017 pour réformer le CDH, les efforts de l’administration de Donald Trump semblent s’être enlisés dans les sables new-yorkais.
Comme le rapporte un article de Foreign Policy paru jeudi [31 mai 2018], les États-Unis ont présenté, à leur mission auprès de l’ONU à New York au début mai, un projet de résolution à une série d’ambassadeurs occidentaux. Objectif : supprimer le point 7 de l’agenda de l’institution genevoise qui se focalise sur Israël et les territoires palestiniens occupés. Le texte aborde aussi la composition du Conseil. Washington propose de pouvoir éjecter les États qui violent gravement les droits fondamentaux.
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États-Unis isolés
À New York, l’isolement des États-Unis met l’administration Trump dans une situation difficile qui pourrait la pousser à quitter le CDH dès la prochaine session qui commence le 18 juin. Un diplomate européen en est d’ailleurs convaincu : « Après les menaces proférées par Nikki Haley à Genève qui avaient valeur d’ultimatum, l’ambassadrice américaine est désormais sous pression. » Comme Donald Trump, elle est fortement alignée sur les positions d’Israël. À l’issue de la session spéciale du CDH consacrée aux événements de Gaza de la mi-mai faisant plus de 60 morts palestiniens tombés sous les balles israéliennes, Nikki Haley avait dénoncé avec force l’ouverture d’une enquête « sur la légitime défense d’un pays démocratique à sa propre frontière contre des attaques terroristes. C’est un nouveau jour de honte pour les droits de l’homme. »
Pour Washington, qui a déjà réduit ses contributions à plusieurs agences multilatérales, un tel départ répliquerait le retrait américain de l’Unesco. Beaucoup s’accordent à dire que l’absence des États-Unis serait un coup dur pour l’institution genevoise créée en 2006 pour succéder à la Commission des droits de l’homme.
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Boulevard pour la Chine
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Mais s’il claque la porte, Washington ouvre le champ à la Chine de plus en plus active au CDH. Récemment, Pékin a réussi à faire passer une résolution intitulée « Coopération mutuellement bénéfique ». Or le texte proposé sape subrepticement la philosophie même de l’universalité des droits de l’homme.
Le retrait américain affaiblirait considérablement le Conseil et le camp occidental à un moment où la bataille autour de l’universalité des droits humains déchire la communauté internationale. C’est d’ailleurs quand les États-Unis étaient absents du CDH sous l’administration Bush que le point 7 de l’agenda focalisé sur Israël a été adopté. Dans les premières années, les délégués du CDH ont consacré un temps relativement important à débattre du bilan de l’État hébreu en matière de droits de l’homme. Entre 2012 et 2016, avec la présence des États-Unis, ce temps a été divisé par deux.