En Algérie, les prix des voitures flambent à mesure que les chaînes de montage fleurissent. Dénonçant des « importations déguisées », les autorités veulent remettre à plat tout le secteur du montage automobile, censé être le fleuron industriel du pays.
Le 27 juillet, après Renault et Hyundai, Volkswagen inaugurait une usine d’assemblage à Relizane, à 300 kilomètres à l’ouest d’Alger. Grand absent de la cérémonie, le ministre de l’Industrie Mahdjoub Bedda avait, quelques semaines avant, tiré à boulets rouges sur le secteur. Il avait promis de « mettre un terme au mode actuel de production [automobile] » en Algérie. Le 31 juillet, le gouvernement a suspendu tout nouveau projet de montage de véhicules.
L’industrie automobile algérienne est née en 2012, lorsque les autorités ont conclu un partenariat avec Renault, partenariat qui a débouché fin 2014 sur l’ouverture de l’usine de la première voiture « made in Algeria ». La dégringolade à partir de la mi-2014 des prix du pétrole, qui fournit 95% des devises de l’Algérie, a ensuite propulsé la filière automobile nationale en tête des priorités pour réduire la facture des importations qui siphonnent les réserves de change. Les autorités ont donc contraint les concessionnaires automobiles à se doter d’une unité de production locale.
Trois ans après, le bilan dressé par Mahdjoub Bedda est catastrophique : aucun impact sur les réserves de change ou la création d’emploi, mais un coût important pour l’Etat en termes d’aides et d’avantages fiscaux.
« Offre faible »
Au premier semestre 2017, si le nombre de véhicules importés a fortement chuté (-78% en glissement annuel), l’importation de pièces à monter sur les chaînes en Algérie a exactement compensé les économies en devises sur la même période, selon les chiffres officiels.
Ultime paradoxe, « la voiture [produite en Algérie] coûte plus cher que dans les pays de provenance », selon le ministre, qui est décidé à « arrêter l’importation déguisée » par les constructeurs.
Exemple : la Renault Symbol « made in Algeria » coûte environ 200 000 dinars (1 600 euros au cours officiel) de plus que sa jumelle importée, la Dacia Logan. La petite Hyundai i10 fabriquée sur place est presque 2 000 euros plus cher qu’en France.
« Les véhicules neufs sont chers car l’offre est faible », explique Issad Rebrab, patron de Cevital, premier groupe privé d’Algérie et importateur de la marque Hyundai, mais qui n’est pas l’associé de la marque dans son usine d’assemblage de Tiaret, ouverte fin 2016.
Les importations de véhicules ont atteint un pic historique en 2012 (605 000 unités) avant de diminuer, notamment avec la mise en place de quotas l’an dernier. En 2016, 98 000 véhicules sont entrés en Algérie.
Cette baisse des importations, non compensée par la production locale, a engendré une pénurie de voitures neuves dans un pays où la demandé annuelle est évaluée à 400 000 unités, estime Mohamed Yaddaden, consultant et ancien cadre du secteur automobile, qui estime que les prix des voitures neuves ont connu une hausse moyenne de 40% entre 2014 et 2017.
« Rien à assembler »
Le fiasco de l’industrie automobile en Algérie est principalement dû, selon les observateurs, au système adopté : le SKD (semi knocked down) qui consiste à importer le véhicule en kits pré-montés.
« Le véhicule arrive semi ou complètement fini, donc il n’y a rien à assembler », expliquait début juillet au quotidien El-Watan Mohamed Baïri, patron d’Ival, importateur d’Iveco, promettant que son usine, censée ouvrir prochainement, assemblerait elle l’ensemble des pièces des véhicules.
Fin mars, des images diffusées sur les réseaux sociaux avaient créé le scandale en Algérie : on y voyait arriver à l’usine Hyundai des voitures quasi complètes, sur lesquelles ne restaient à monter que les roues.
Une commission d’enquête avait rapidement écarté toute infraction mais des médias avaient pointé du doigt les liens entre le patron de l’usine, Mahiédinne Tahkout, et le ministre de l’Industrie d’alors, Abdeslam Bouchouareb, aujourd’hui critiqué par son successeur.
Les observateurs dénoncent surtout le très faible « taux d’intégration », c’est-à-dire de pièces produites localement, à 15%, imposé aux industriels.
Le gouvernement a annoncé l’élaboration d’un nouveau cahier des charges et la création d’« un vrai marché de la sous-traitance », capable de fournir les usines en pièces fabriquées en Algérie. « Nous avons grillé plusieurs étapes, il fallait d’abord former le personnel, bâtir un réseau de sous-traitance avant de se lancer dans le montage de véhicules », a expliqué Mohamed Baïri à El-Watan.