La très vieille alliance des Séoud avec les Anglo-Saxons est bien plus ancienne que le fameux pacte signé par Abdelaziz et Roosevelt en février 1945 sur le croiseur Quincy alors que le président étasunien revenait de Yalta.
Les Saoud avaient trouvé refuge en 1891 au Koweit, déjà colonie britannique, quand ils furent défaits par un Émir soutenu par les Ottomans. Ils tentaient pour la deuxième fois de constituer un royaume indépendant de la Sublime Porte après un premier échec en 1818.
Le nouveau chef du clan Abdelaziz a reconquis le Nejd grâce à l’organisation d’une force militaire bédouine les Ikhwan (les Frères) dès 1902. Il signe un traité en 1915 avec les Britanniques, qui vont favoriser leur expansion dans le Hidjaz au dépens des Hachimites gardiens des deux Sanctuaires musulmans, La Mecque et Médine pendant tout un millénaire, descendants du Prophète.
Dans les suites de l’invasion de l’Irak en 2003 par une coalition internationale qui devait être le prélude d’une guerre préemptive sans fin contre le terrorisme, ce pacte de « protection des Saoud par les USA contre un accès privilégié aux ressources pétrolières » n’a plus de raisons d’être maintenu.
Deux évènements fondent cette caducité.
Coup d’État égyptien
Les Saoud ont mis en oeuvre le coup d’État en Égypte qui a renversé un Président et un gouvernement élus – démocratiquement selon les normes occidentales. Les Frères musulmans parvenus au pouvoir après le renversement populaire d’un Président à vie ont subi une double pression. Économique d’abord – tarissement des disponibilités financières internationales un peu comme vient de le subir le gouvernement Tsipras en Grèce – dans un contexte d’émeutes et de revendications syndicales inhérentes à tout processus révolutionnaire dans une situation sociale de grande fragilité.
Et médiatique et cybernétique – consultation populaire orchestrée magistralement par des réseaux sociaux.
Ils n’ont pas mesuré l‘efficacité d’aucune des deux formes de guerre car inédites.
Les Saoud ont frappé de toute leur puissance financière.
Ils n’en ont pas prévenu leur allié et suzerain qui se montre davantage préoccupé depuis quelques temps par son limes dans le Pacifique aux alentours de la mer de Chine. L’administration Obama ne voyait pas d’un œil hostile un Islam politique modéré en Égypte. Il est certes compatible avec l’hégémonie capitaliste nord-américaine. L’aider passivement ou par le biais d’ONG, de longue date préparées à prendre le pas sur une dictature qui contrôlait de plus en plus durement une situation sociale explosive minée par la pauvreté et une frustration politique, devait être un facteur de stabilité.
L’installation d’un régime avec des allures de démocratie représentative sur son flanc est tout simplement inacceptable pour la famille des gérontocrates saoudiens. Elle s’est découverte subitement sans protection étasunienne malgré toutes les contreparties qu’elle lui offrait sous forme d’achats effrénés d’armements obsolètes et coûteux.
L’alliance des Saoud avec le régime de Tel Aviv est désormais affichée ouvertement. L’entité sioniste a acté elle aussi depuis le gouvernement Sharon qu’une intervention militaire étasunienne en Iran sera sans cesse repoussée. Les sanctions économiques, et l’utilisation du « soft power » (ONG, bourses, invitations, corruption, etc.), sont jugées suffisantes pour induire un étranglement progressif et le glissement vers un « regime change ». Il est devenu évident pour les éléments du Pentagone capables de raisonner en dehors de l’aveuglement idéologique qu’il serait difficile d’envisager une attaque sur une cible capable de rétorquer par des missiles capables de détruire Tel Aviv.
Les hydrocarbures, indépendance relative des USA
Le deuxième volet du pacte n’aura bientôt plus de consistance.
Les firmes étasuniennes ont investi dans l’exploitation des gaz de schiste en empruntant à des taux négatifs en s’endettant lourdement. Les Saoud ont alors réagi en contribuant à la baisse du prix du baril et ont ajusté leur production de manière à ruiner les efforts étasuniens de se retrouver leur indépendance énergétique.