Plusieurs pays se disent débordés par les flux migratoires et veulent traiter les demandes d’asile sur place. En 2014, 220 000 migrants ont traversé la Méditerranée, contre 70 000 l’année précédente.
Quelques chiffres d’abord. En 2013, 70 000 migrants ont traversé la Méditerranée, passage obligé pour parvenir en Europe depuis l’Afrique du Nord. En 2014, le chiffre a grimpé à 220 000, avec quelque 4000 hommes, femmes et enfants qui ont péri durant la traversée. Sur son flanc est, l’Europe a accueilli 20 000 migrants en provenance des Balkans en 2013. Et 37 000 l’an dernier. Cette année, rien qu’en janvier, 40 000 migrants sont arrivés en Allemagne.
Tel est le contexte dans lequel plusieurs États ont ressuscité une vieille idée de créer des camps de réfugiés dans les pays d’origine ou de transit. C’est là que les dossiers des candidats seront examinés et ceux ayant besoin de protection obtiendraient le droit d’être transférés en Europe. En effet, plusieurs États ne supportent plus ce flux migratoire intarissable qui met à mal leurs infrastructures d’accueil et qui crée aussi des tensions sociales dans la société.
« Welcome Centers »
L’idée des camps a ainsi été largement abordée en marge de la réunion de ministres européens de l’Intérieur jeudi à Bruxelles. Simonetta Sommaruga, la présidente de la Confédération et ministre de Justice et police, y était présente (lire encadré). Au programme : la lutte contre le terrorisme et les flux migratoires.
Le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) et l’Organisation mondiale des migrations (OIM), les deux sis à Genève, seraient chargés d’accueillir les candidats à l’asile dans des « Welcome Centers » et d’assurer les premiers examens des dossiers. Le ministre allemand de l’Intérieur, Thomas de Maizière, l’un des grands défendeurs du projet, estime qu’il s’agit de donner une chance aux vrais réfugiés de venir légalement en Europe. C’est aussi, selon lui, un moyen de lutter contre les trafiquants d’êtres humains qui s’enrichissent sur le dos des clandestins embarqués dans des bateaux de fortune. Le ministre est sous la pression des administrations régionales de son propre pays qui se plaignent de consacrer d’énormes moyens à la gestion des requérants. La ville de Hambourg par exemple a dépensé 300 millions d’euros en 2014 pour héberger 10 000 migrants dans 60 centres.
L’Italie est le pays le plus exposé à l’arrivée des migrants d’Afrique. Elle est aussi partante pour créer des centres de premier tri de l’autre côté de la Méditerranée. Son ministre de l’Intérieur, Angelino Alfano, a affirmé hier que la Tunisie, le Niger et le Soudan seraient des pays d’accueil tout indiqués. Plus offensive, son homologue autrichienne, Johanna Milk-Leitner, a demandé que la Commission présente des propositions concrètes avant cet été pour lancer un projet pilote.
Projet pilote au Niger
La Commission a confirmé au Temps être au courant des discussions entre certains États européens pour développer des centres de réfugiés en Afrique du Nord. « Ils sont en contact avec le HCR et l’OIM, qui ont l’expérience nécessaire dans la gestion des réfugiés », explique une diplomate. Selon elle, un projet pilote est en discussion avec le Niger. Ce centre pourrait aussi accueillir les migrants économiques ayant été refoulés par les Etats européens.
« Le HCR est prêt à assumer la tâche du premier tri », explique William Spindler, son porte-parole. « Il est plus raisonnable pour les réfugiés de faire les premières démarches d’immigration dans un pays proche. » L’organisation vient d’adresser une lettre à la cheffe de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, dans laquelle elle détaille les conditions nécessaires pour ouvrir les Welcome Centers. « Tout doit être fait dans le respect des droits humains », précise William Spindler.
Elizabeth Collet, directrice de Migration Policy Organisation, spécialisée dans la politique migratoire, rappelle d’abord que l’idée d’ouvrir de tels centres date des années 2000. Selon elle, la concrétisation ne se fera pas sans de multiples obstacles légaux et pratiques. « Le projet soulèvera beaucoup de controverses », met-elle en garde. « Mais il faut aussi que les Vingt-Huit soient prêts à partager le fardeau des migrants. » Ce qui n’est pas le cas. Cinq pays (Allemagne, France, Suède, Pays-Bas, Royaume-Uni) assument 70% des requérants d’asile.