Le nombre des immigrés entrés illégalement dans l’Union européenne a presque triplé en 2014 par rapport à 2013, a annoncé mercredi l’agence européenne pour la surveillance des frontières Frontex, dont le siège est à Varsovie.
« Environ 274 000 immigrés illégaux sont entrés dans l’UE en 2014, contre un peu plus de 100 000 en 2013. C’est une énorme progression » de presque 180 %, a déclaré Ewa Moncure, porte-parole de l’agence. « Les Syriens sont toujours les plus nombreux aux frontières, et nous savons pourquoi ils s’enfuient », a déclaré Mme Moncure, se référant aux quatre années de la guerre qui ravage ce pays.
« Il y a plusieurs raisons à cette hausse spectaculaire : une situation dramatique en Syrie, en Érythrée, au Soudan du Sud, en République démocratique du Congo, en Irak combinée au fait que la Libye est de facto un État défaillant où la loi n’est pas appliquée. Cela a créé des conditions idéales pour les trafiquants de personnes qui opèrent en Libye en toute impunité », a-t-elle ajouté. Selon elle, ce pays est devenu « le principal point de départ pour les migrants ».
« L’évolution de la situation liée au groupe État Islamique a aussi joué un rôle » dans l’explosion du nombre des demandeurs d’asile, entrés dans l’UE l’an dernier principalement à travers la Méditerranée, a-t-elle dit.
La Syrie en tête
Selon un rapport trimestriel de Frontex publié sur son site Internet, entre octobre 2013 et septembre 2014, plus de 230 000 immigrés ont pénétré illégalement dans l’UE, dont quelque 190 000 par la mer. Le plus grand groupe a été de loin celui des migrants en provenance de Syrie : 37 533 au troisième trimestre de l’an dernier, contre 16 429 au trimestre précédent et 4714 sur les trois premiers mois de 2014. Le nombre des fugitifs venus d’Érythrée, le deuxième groupe le plus important, a en revanche baissé, passant de 16 994 au second trimestre à 13 672 au troisième trimestre de l’année.
Au total, 164 000 immigrés ont demandé l’asile dans l’UE au troisième trimestre de 2014, soit une hausse de 69 % sur un an. Là aussi, les Syriens ont été les plus nombreux (40 752), devant les Érythréens (18 900). Sur l’ensemble de 2014, plus de 170 000 immigrés clandestins sont arrivés par la mer en Italie, et plus de 50 000 en Grèce, selon Frontex.
Des régimes dictatoriaux
L’Union européenne doit coopérer avec les dirigeants, y compris les dictateurs, des pays des candidats à l’immigration pour lutter contre les passeurs et mieux protéger ses frontières extérieures, a plaidé mercredi la Commission européenne.
L’exécutif bruxellois dirigé par Jean-Claude Juncker a eu une première discussion sur la stratégie élaborée par le commissaire responsable des Affaires intérieures, Dimitris Avramopoulos, pour lutter contre l’immigration clandestine. Le document doit être présenté en mai.
Un nouveau naufrage a fait au moins dix morts mardi au large de la Sicile. « Ces événements tragiques en Méditerranée renforcent le sentiment d’urgence », a insisté M. Timmermans.
« Nous ne devons pas être naïfs. Le fait que nous coopérions dans le cadre des processus de Khartoum et Rabat », engagés avec des pays africains, « avec des régimes dictatoriaux ne signifie pas que nous les légitimions. Nous ne donnons aucune légitimité démocratique et politique à ces régimes, mais nous devons coopérer là où nous avons décidé de lutter contre la contrebande et la traite des être humains », a pour sa part soutenu M. Avramopoulos.
L’industrie maritime
Avec 800 navires privés déroutés pour secourir 40 000 migrants en mer en 2014, l’industrie maritime a eu à gérer « un fardeau disproportionné », a déclaré mercredi à Londres, Volker Turk du Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (HCR).
Peter Hinchliffe, secrétaire général de la chambre internationale de la marine marchande, a indiqué que chaque fois qu’un bateau est dérouté pour deux ou trois jours afin de secourir des migrants, cela coûte entre 50 000 et 80 000 dollars au propriétaire du navire.
Une nouvelle technique des passeurs a été exposée lors de la conférence. Elle consiste à faire monter sur des cargos sans équipage des immigrants clandestins, comme cela a eu lieu à deux reprises au large des côtes italiennes en janvier dernier.
Selon Laurent Muschel, directeur des migrations et des demandes d’asiles à la Commission européenne, l’agence européenne pour la surveillance des frontières Frontex surveille actuellement une dizaine de navires pour éviter qu’ils ne soient utilisés de cette manière par les passeurs. Une pratique préoccupante pour l’organisation maritime internationale (IMO).