Mayotte est un département et une région d’outre-mer (DROM) depuis maintenant cinq ans. Le problème, c’est qu’il est impossible de s’en rendre compte. Cet ensemble d’îles n’a rien à voir avec le reste de la République française. Le principe d’égalité y est une douce chimère. Le RSA local est deux fois inférieur au RSA métropolitain, tandis que le coût de la vie est plus élevé – du fait de l’importation des marchandises. La bouffe dans les hypermarchés est hors de prix, les produits frais sont souvent indisponibles et les loyers sont les mêmes qu’en métropole. Le Code du travail français ne s’applique pas intégralement, et un actif mahorais sur trois est au chômage. D’après une étude de l’Insee datée de 2012, 58 % des habitants en âge de travailler ne maîtrisent pas les compétences de base à l’écrit en français.
Quelques images estampillées TF1 des émeutes de Mayotte :
Les images plus calmes de France 3 :
Cette absence de perspectives explique en partie les scènes de guérilla urbaine qui se sont multipliées dans le département lors des dernières semaines. Depuis le début de la grève, les barrages routiers sont omniprésents. Il m’est arrivé de ne pas pouvoir rentrer chez moi entre deux nuits de travail à l’hôpital.
Pourtant, je ne vis à Mayotte que depuis mars dernier. Avant cela, j’étais infirmière à Paris. J’y ai passé deux ans, mais j’ai voulu changer d’air. J’avais hésité à me lancer dans l’humanitaire, mais je manquais d’expérience. Par la suite, je m’étais intéressée aux territoires d’outre-mer – ceux que l’on appelle officiellement les DROM/COM. J’avais eu vent de la situation à Mayotte. À cause de la précarité qui règne sur l’île, les postes sont souvent vacants.
J’ai postulé en novembre dernier, et un poste m’a rapidement été proposé. J’ai atterri à Mayotte dans le cadre d’un contrat d’un an au sein du Centre Hospitalier de Mayotte (CHM), l’hôpital de Mamoudzou – le chef-lieu du département. Sur place, j’ai retrouvé une ancienne camarade de l’école avec qui j’avais repris contact. Elle m’a rapidement briefée au sujet de l’insécurité qui règne dans le coin. À Mayotte, mieux vaut ne pas sortir seul une fois la nuit tombée et éviter de sortir ostensiblement son téléphone. Je ne suis pas vraiment paranoïaque, mais j’avoue avoir suivi ses conseils. Pour l’instant, il ne m’est rien arrivé. J’ai simplement eu droit à des cailloux jetés par des gamins alors que je sortais de l’hôpital avec quelques collègues. Personne n’a été touché.
En débarquant sur l’île, le nombre d’enfants dans les rues frappe immédiatement. La plupart sont des clandestins venus des Comores. Ils ont effectué la traversée à bord de kwassa-kwassa – des petits bateaux de pêche surchargés. Leurs parents ont beau avoir été expulsés, eux sont restés. Livrés à eux-mêmes au milieu des bidonvilles, ils se débrouillent pour survivre. Certains débarquent à l’hôpital dans un état de santé préoccupant. En effet, de par leur statut d’immigré clandestin, ils ont peur d’être dénoncés et attendent donc le dernier moment pour être soignés.
Même quand ils sont pris en charge, tout n’est pas idéal, loin de là. À Mayotte, l’offre de soins est relativement pauvre. On dénombre une dizaine de dispensaires – souvent pleins –, le CHM et quatre petits hôpitaux périphériques répartis sur l’île. Les médecins traitants sont trop peu nombreux.
[...]
Le CHM est la plus grande maternité de France, avec une trentaine d’accouchements par jour. Si les Mahoraises sont plus souvent enceintes que les métropolitaines, ce chiffre est surtout dû à la présence de Comoriennes sur place. Ces dernières donnent naissance à Mayotte afin de bénéficier de meilleurs équipements et de la naturalisation de leurs enfants via le droit du sol. Ces grossesses sont généralement peu suivies. Par conséquent, les prématurés en mauvaise santé sont très nombreux.