La milice de Jaafar Ibrahimi représente à la fois une force décisive dans la bataille pour Fallujah et un double embarras pour la coalition.
Dans les rangs de l’armée irakienne et dans les groupes paramilitaires qui essaient de combler le manque de tonus et d’efficacité des troupes régulières, on l’appelle avec respect « l’ingénieur ». Jamal Jafaar Ibrahimi, 63 ans, cheveux d’un blanc soigné, treillis kaki au combat comme à la ville, est le commandant d’une milice exclusivement composée de chiites, les PMF (Popular Mobilisation Forces). Le gouvernement irakien lui doit une fière chandelle. En juin 2014, après la prise de Mossoul par Daech, il a bloqué la route de Bagdad avec ses forces et empêché que la capitale soit prise par les islamistes.
Aujourd’hui, ses miliciens se trouvent devant Fallujah, impatients d’en découdre avec les djihadistes, alors que l’armée irakienne a demandé une pause dans l’offensive contre cette ville, située à tout juste 50 kilomètres de Bagdad. Et alors que les Américains préféreraient que l’effort soit mis sur la reprise de Mossoul.
Sur la liste des terroristes les plus recherchés
Ce forcing de « l’ingénieur » n’est pas le bienvenu pour tout le monde. Et en particulier pour les Américains, qui se retrouvent ses alliés objectifs. D’abord parce que Jafar Ibrahimi est bien connu de leurs services antiterroristes. Pendant les années de l’occupation américaine en Irak, après la défaite de Sadam Hussein, il était l’un de ceux qui ont multiplié contre les GI’s attentats à la bombe et guets-apens. Condamné à mort par contumace par la justice du Koweït, après deux attentats contre les ambassades de France et des États-Unis, il figure sur la liste américaine des terroristes les plus recherchés.
Cependant, compte tenu non seulement de ses qualités guerrières, mais aussi de l’influence qu’il exerce dans les milieux chiites et auprès du Premier ministre irakien, les responsables américains ont beau se tordre le nez quand ils parlent de lui, ils sont obligés de passer par ses réseaux. Même s’ils évitent de le faire directement.
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Des liens étroits avec l’Iran
- Qassem Soleimani, général iranien à la tête des forces spéciales Al-Qods
Son passé de terroriste n’est pourtant pas la plus grande cause de l’inquiétude américaine à son égard. Ce sont ses liens très étroits avec l’Iran qui posent problème. Jaafar Ibrahimi est l’homme lige, l’obligé et le bras armé du général Qassem Soleimani, le commandant de la force iranienne Al-Qods. Autrement dit, le corps expéditionnaire plus ou moins officiel de Téhéran dans la guerre contre Daech, aussi bien en Irak qu’en Syrie. Les actions qu’Ibrahimi exécute avec sa milice sur le terrain, c’est le général iranien qui les programme.