À peu de choses près, « Fly Rider » et Hugo Clément auraient pu faire partie d’un boys band ou jouer dans une version 2019 de Hélène et les garçons. D’un côté le blond soi-disant populiste, de l’autre le brun soi-disant populaire. Lookés rebelles propres, les deux font la paire et le Système semble tout à fait à l’aise avec ce genre d’oppositions sous contrôle.
Le Gilet jaune Maxime Nicolle alias « Fly Rider » est encore trop naïf, trop gentil, trop sensible aux sirènes, à la flagornerie, à la popularité. En s’affichant avec Hugo Clément, livreur Deliveroo de l’info devenu fonctionnaire du cool et du pop, l’intérimaire dans les transports originaire des Côtes-d’Armor espère-t-il lui aussi obtenir les faveurs d’Agathe Auproux ?
Crédule, l’anti-Macron ne se rend pas compte qu’il est précisément aux mains du système qu’il conteste et prétend renverser lorsqu’il « dialogue » avec le nouveau chouchou du culturo-mondain. Pire, le Gilet jaune ne semble pas percevoir le piège dans les questions du « journaliste » de Konbini News.
« Si nous n’invitons pas des gens comme Maxime Nicolle, cela va développer le fossé qui existe déjà entre les gens et les médias. »
Konbini, Hugo Clément, Macron et le système libéral
« Konbini, c’est avant tout une plate-forme interactive de divertissement légale et gratuite qui a pour objectif de fédérer à la fois les marques soucieuses de toucher les 15-35 ans, les jeunes avides de nouveaux contenus et les producteurs qui souhaitent monétiser leurs idées, en diffusant sur Internet avec de nouveaux formats des contenus audiovisuels, premium et exclusifs – musique, séries et événements spéciaux – en symbiose avec l’univers des marques. »
« Notre conviction, qui n’est pas partagée par tout le marché, est qu’il faut privilégier les contenus et d’abord intéresser une cible – en l’espèce les jeunes – avec des divertissements de qualité. Cela implique que les marques soient moins intrusives et n’interviennent pas dans la conception des contenus au risque d’en diminuer l’attraction, mais qu’elles apparaissent en parallèle du contenu. La publicité sur les programmes devient un produit dérivé du programme. »
La présentation de Konbini par son président David Creuzot est assez claire : Konbini est une société de production qui propose de « communiquer différemment auprès des jeunes » et de « créer des contenus pour les marques », en d’autres termes de vendre de la merde à des imbéciles à faible pouvoir d’achat à l’heure d’Internet.
Derrière le site de « pop news » se cache donc une agence de publicités s’appuyant sur Facebook et dépendante d’annonceurs comme Coca-Cola, Nike, Netflix, Mondelez International, L’Oréal et Orange... Des grands groupes qu’il ne conviendrait pas de contrarier.
Outre le couple d’entrepreneurs-startupeurs David Creuzot et Lucie Beudet, une autre fée s’est penchée sur le berceau de Konbini : Gaspard Gantzer, camarade de promo d’Emmanuel Macron à l’ENA et candidat aux législatives sous les couleurs de LReM. Les conseillers du président de la République s’intéressent évidemment aux médias numériques et David Creuzot a notamment intégré la délégation officielle d’Emmanuel Macron au Burkina Faso fin novembre 2017... [1] Quant à la directrice de la communication du site, c’est une ancienne du PS et des cabinets ministériels...
- David creuzot, macronien attardé pur jus
En bas de cette hiérarchie, Hugo Clément est donc l’un des petits kapos de la société de consommation néolibérale qu’il incarne parfaitement. Petit minet et gentil garçon relooké en tough guy, faux dur, faux bad boy, faux beau, faux reporter, le trentenaire mannequin pour chemise passé par Slate, France 2, Canal + et TMC (Groupe TF1) a flairé le bon coup en misant sur le Net.
« Si ce chien ramenant toujours des infos, talentueux, intelligent même si pas cultivé, est apprécié par son ancien employeur, sa propension à croire qu’il réinvente le journalisme, à s’indigner tous les quatre matins en ligne et à donner des leçons en tartuffe moraliste en agace vite plus d’un. » (Libération)
« Dans le fond, Hugo Clément est très macroniste, adepte de la start-up Life et des initiatives coup-de-poing, fan de Jérôme Jarre et de sa "Love Army". »(Libération)
Surnommé « Égo Clément », ce fils d’universitaires qui fleure bon la bourgeoisie de gauche défend naturellement l’ensemble des progressismes (pro-migrants, pro-gays, pro-avortement, pro-euthanasie, antiraciste, féministe, écolo et végétarien) mais ne semble pas avoir de combat plus fort que la gestion de son image. Preuve en est certaines anciennes déclarations (« La quasi totalité de la classe politique actuelle est le produit d’un système de domination et de reproduction sociale contrôlé par et pour les élites », « Quand vous entendrez un homme ou une femme politique attaquer "le système", "les élites", "la caste" ou "les bien pensants", soyez-en sûrs : il/elle se moque de vous ») ou certains témoignages à son sujet :
« Je trouve ça hypocrite de se faire passer pour un modèle de Tintin reporter progressiste, pour le champion antiraciste de la défense des opprimés alors que ce n’est pas du tout le genre de personne que j’ai connu. C’est marrant comment on peut s’inventer une image, surtout quand on est érigé en star montante ! » (Nassira El Moaddem, ex-camarade de promo)
L’idole des filles de trente ans qui n’accèdent pas aux stars de cinéma (après Asia Argento et Agathe Auproux, le voilà en couple avec Alexandra Rosenfeld [2]) tient donc autant de l’opportuniste que du soumis, parfait cocktail pour un commissaire politique 2.0. aux atours de branché.
De Hugo Clément à Vincent Lapierre
Face à la radicalisation populaire, le système politico-médiatique a plusieurs stratégie de secours : l’une d’elles mise sur le renouvellement de l’opposition contrôlée. Promouvoir des gentils sans culture, des rebelles mous et formels, des « jeunes » aux dents longues sans idéologie profonde.
Quand Hugo Clément droitise son look pour la jouer viril (tatouages, cheveux courts, polo de faf), Vincent Lapierre travaille son look gauchiste à la Besancenot (veste en cuir, écharpe et capuche) pour repositionner son image. De moins en moins assimilé à E&R donc de plus en plus promu complaisamment par le Système, le minet-reporter a, comme Hugo Clément (même approche du média internet, mêmes physiques...), un coup à jouer dans la période actuelle.
Cupides et arrivistes, plus proches de la staritude que de la révolution, le pouvoir a donc de plus en plus intérêt à faire monter des faux opposants et mettre en avant des fausses alternatives ; des « rebelles modérés » pour éviter que les vrais, les sérieux, ceux qui savent et ont l’expérience ne soient trop exposés.
Rendre à César ce qui est à César
Les Gilets jaunes sont en train de vivre à vitesse grand V ce que certains vivent depuis quinze ans.
Traités d’antisémites, de nazis, de racistes, bloqués par la police pour des spectacles et des conférences, purgés des réseaux sociaux, blacklistés par les banques et les assurances, supprimés des plateformes de financement participatif, Alain Soral, E&R et Dieudonné sont les véritables insoumis, les véritables résistants, les premiers des Gilets jaunes. Ceux qui tiennent tête au Système, ceux qui l’ont pratiqué. Les plus formés, les plus tenaces, les plus héroïques. Les plus légitimes. Si les Gilets jaunes ne le savent pas tous, le Système le sait. [3]
La prochaine arme du Système : qualifier les Gilets jaunes de « terroristes » ?
« Fabriquer des bombes artisanales, c’est du terrorisme, ce n’est plus de la protestation. »
Il y a deux choses à retenir de l’interview de Maxime Nicolle par Hugo Clément :
Immédiatement qualifié de « complotiste » par L’Express du magnat israélien Patrick Drahi, « Fly Rider » et les Gilets jaunes seront-ils bientôt accusés de terrorisme ?
Une partie du Système ne comprend pas cette stratégie. Il suffit de lire les réactions des journalistes et des experts ou des followers de Konbini : comment pouvez-vous donner la parole à ce pauvre, à ce dangereux, à ce non-éduqué ?
Quelles que soient les acteurs de la France des Gilets jaunes, l’avenir nous dira probablement prochainement si le sérieux l’emporte sur le frivole, le fond sur la forme, le vrai sur le spectaculaire.