Le journal israélien Haaretz et la revue américaine Forward viennent de publier un article surprenant sur un proche d’Hitler, l’Obersturmbannführer SS Otto Skorzeny, qui a rejoint le Mossad – les services secrets israéliens – après la Seconde Guerre mondiale pour y remplir des missions de très haute importance.
- le Hauptsturmführer Otto Skorzeny (2e à partir de la droite) pendant le règne nazi.
Son histoire est conservée dans les archives des renseignements israéliens, précisent les auteurs de l’article Dan Raviv et Yossi Melman.
Son parcours ressemble au scénario d’un thriller. Le 11 septembre 1962, le chercheur allemand Heinz Krug, expert en construction de missiles, disparaissait à Munich. Il avait travaillé pendant la Seconde Guerre mondiale au centre de recherche militaire de Peenemünde, au bord de la mer Baltique. Après la guerre, Krug devait partir travailler aux USA mais avait choisi une autre voie pour finalement coopérer avec le gouvernement égyptien, qui développait son propre programme secret de missiles. C’est comme ça que Krug a été remarqué par le Mossad : il était au sommet de la liste des cibles de l’agence car Israël pensait que le chercheur voyait dans la coopération avec l’Égypte une opportunité pour poursuivre l’élimination des Juifs.
On sait qu’habituellement, les chercheurs allemands qui travaillaient pour le gouvernement égyptien recevaient par téléphone des menaces de mort et même des lettres contenant des explosifs. Krug n’a pas fait exception. Effrayé, il a demandé l’aide d’un officier allemand loyal et résolu : Otto Skorzeny.
- Le 12 septembre 1943, Skorzeny et son commandé posent avec Benito Mussolini, fraîchement libéré
De son vivant encore, Otto Skorzeny était déjà entré dans la légende. C’était le « nazi modèle », le « super agent de diversion » prêt à tout pour remplir sa mission, l’homme « le plus dangereux d’Europe » selon les renseignements américains et britanniques. Pour ses qualités il n’était pas simplement apprécié par Adolf Hitler : Skorzeny a été personnellement choisi par le führer comme chef de l’opération pour libérer son ami le dictateur italien Benito Mussolini, en 1943. Par la suite Skorzeny deviendra l’un des chefs de la SS : il dirigera la mission pour assassiner Staline, Roosevelt et Churchill pendant la conférence de Téhéran (opération « Grand Saut » — échec), participera à la répression de la mutinerie des généraux de la Wehrmacht après l’attentat contre Hitler le 20 juillet 1944, organisera l’enlèvement du fils du régent de Hongrie Miklos Horthy et prendra part à d’autres opérations célèbres.
Quand Krug a contacté Skorzeny, ce dernier vivait alors en Espagne avec un passeport délivré, dit-on, par Francisco Franco en personne. Le « super agent » a accepté d’aider le chercheur et les deux hommes se sont rencontrés à Munich. Le 11 septembre 1962, Krug s’est assis dans la Mercedes blanche de Skorzeny et s’est vu proposer de parler de l’organisation de sa protection dans un endroit sûr au nord de la ville. Plus personne ne l’a revu. Selon les informations déclassifiées du Mossad, le constructeur de missiles a été abattu et son corps aspergé d’acide. Ses restes ont été enterrés et sa tombe recouverte de chaux pour que les chiens ne puissent pas le découvrir. D’après Raviv et Melman, le chef des opérations spéciales du Mossad Yitzhak Shamir, futur premier ministre israélien, et Peter Malkin, connu pour avoir capturé Adolf Eichmann en Argentine, faisaient partie des agents qui ont coordonné cette exécution. L’homme qui a pressé la détente, enfin, était Skorzeny — l’ancien nazi, à qui Hitler faisait confiance et qu’il respectait, travaillait désormais pour le Mossad.
Les services secrets israéliens ne lésinaient pas sur les moyens d’atteindre leurs objectifs et, si besoin, faisait appel à des individus en tout genre, y compris des ennemis jurés. Mais pourquoi le « nazi modèle » Skorzeny a-t-il accepté de travailler pour Israël ?
La biographie de cet homme sous-entend qu’il croyait sincèrement à l’idée nazie et était loyal au führer personnellement : en 1931, à l’âge de 23 ans, il avait adhéré à l’aile autrichienne du Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP), rejoint les rangs de la SA et participé à la nuit de Cristal. Après le début de la Seconde Guerre mondiale, il quitta même son travail pour se porter volontaire au service militaire dans la division blindée d’élite SS créée sur la base de la garde personnelle d’Hitler. Après la libération réussie de Mussolini, Skorzeny a reçu l’ordre du IIIe Reich — la croix de chevalier — ainsi que plusieurs heures de discussion en tête-à-tête avec le führer, qui lui était reconnaissant.