Soyons clair : Steven Spielberg est un génie. Personne ne sait raconter une histoire comme lui. Je viens de voir son dernier film, et même si je connaissais l’histoire, j’étais suspendu au bord de mon siège, dévoré d’inquiétudes : les bons allaient ils gagner et les méchants allaient-ils être punis ?
Et il sait choisir ses acteurs : Meryl Streep dans le rôle de Catherine Graham, la propriétaire du Washington Post et Tom Hanks dans celui de Benn Bradley le rédacteur en chef mythique du WP sont prodigieux.
L’histoire est assez simple.
Comme d’habitude, les plus intelligents de la classe, sous la conduite de Robert McNamara, l’homme le plus brillant de sa génération, avaient foutu leur pays dans une situation impossible, cette fois-là en envoyant des troupes là où elles n’avaient rien à faire. Il s’agissait du Viêt Nam et des États-Unis bien sûr.
McNamara, l’homme qui dans l’Histoire des USA est resté le plus longtemps secrétaire d’État à la Défense, quelque peu inquiet de la tournure que prenaient les évènements demanda un rapport à une société de consultants, la « Rand Corporation » sur la probabilité d’une victoire militaire.
Le rapport arrive et la conclusion est sans appel : les chances de l’emporter sont quasiment nulles et tous les Présidents américains successifs, c’est-à-dire Kennedy, qui commence la guerre, Johnson qui fait envoyer jusqu’à 550 000 hommes et enfin Nixon, sont non seulement informés mais partagent cette conviction.
Ce qui ne les empêche pas de continuer à envoyer des centaines de milliers de soldats américains au Viêt Nam, en proclamant que la victoire est quasiment acquise, que la lumière brille au bout du tunnel et que sais-je encore, tout cela parce qu’aucun de ces hommes ne voulait être le premier président des États-Unis à connaitre une défaite militaire, ce qui aurait été mauvais pour leur réélection sans aucun doute.
Et donc, ils font tuer des milliers et des milliers de jeunes soldats plutôt que reconnaitre qu’eux ou leurs prédécesseurs ont commis une erreur… et sans qu’il y ait le moindre espoir que les choses s’améliorent, au contraire.
Heureusement, un journaliste courageux, ancien de la Rand Corporation, prend sur lui de voler le rapport et le fait passer au NY Times qui commence à le publier et se voit promptement interdit par un juge proche du pouvoir toute nouvelle divulgation.
Entre alors en scène le Washington Post qui réussit à se procurer le rapport et entreprend de le révéler au grand public.
Drame cornélien pour la propriétaire du WP, amie très proche de Kennedy, Johnson et McNamara, mais qui déteste Nixon : doit-elle trahir ses amis ou publier la vérité ?
Elle prend la décision de publier, contre tout son conseil d’administration, le journal est attaqué par le département de la Justice du président Nixon et remporte un triomphe quand la Cour Suprême, convoquée en urgence, rend un arrêt décrétant que la liberté de la presse est plus importante que de sauver la réputation des anciens ou actuels présidents du pays.
Fin du film, la salle applaudit et tout le monde rentre à la maison, satisfait que la Justice l’ait emporté et que les méchants soient punis.
Et c’est là où les choses deviennent intéressantes pourtant.
Spielberg, bon démocrate et grand copain des Clinton, a réalisé son film en moins de six mois tant il était inquiet des attaques que le nouveau président, le remarquable monsieur Trump, portait contre les journalistes, la nouvelle vache sacrée intouchable de nos démocraties.
Ce film se veut donc une démonstration que le personnel politique est mauvais dans son essence et que les journalistes, eux, sont bons et ne veulent que le bien commun.
Et donc, comme dans tout bon western, nous avons d’un côté les bons (les journalistes) et de l’autre les salopards, les hommes d’affaires et les politiciens, surtout s’ils sont Républicains…
La routine en quelque sorte puisque tous les présidents Républicains ont toujours été attaqués par la presse Démocrate au prétexte qu’ils étaient idiots ou corrompus, l’un n’empêchant pas l’autre d’ailleurs.
Pour le journaliste de base aux USA, et cela depuis le Watergate, les méchants sont donc toujours les Républicains et les gentils les Démocrates et le chevalier blanc, c’est lui.
Être courageux après les événements est assez facile. Depuis la Libération par exemple, il est tout à fait certain que tous les hommes de gauche qui prospèrent en France se seraient courageusement opposés au nazisme s’ils avaient vécu à cette époque, tant ils sont prêts à s’élever contre la dictature, à condition que ce soit sans danger immédiat. L’héroïsme rétrospectif est celui qui fait le plus de carrières et le moins de morts, comme l’ont montré les exemples de monsieur Mitterrand et de Sartre.
Eh bien, aujourd’hui tous les journalistes américains sont prêts à lutter contre Nixon, puisqu’il est mort depuis longtemps et qu’il n’y a plus aucun danger.
Mais notre journaliste « chevalier blanc » a aujourd’hui deux gros problèmes.
Le premier est que le nouveau président, en bon chrétien, qu’il est, préfère donner que recevoir et ne se laisse pas taper dessus sans répondre allègrement, ce qui chacun en conviendra, n’est pas convenable.
La moindre des choses, quand un homme de droite se fait taper dessus par les journalistes, tous de gauche, serait de s’excuser d’être de droite et de suivre une politique de gauche, comme ont su si bien le faite Giscard, Chirac, Juppé ou Sarkozy.
Ne pas reconnaitre qu’être de droite est honteux, c’est refuser le magistère moral de la gauche, ce qui est la preuve que l’on est un fasciste.
Le deuxième est que l’administration du président Obama et les époux Clinton ont commis toute une série d’irrégularités et de crimes couverts par le ministère de la Justice et le FBI qui avaient été soigneusement noyautés par leurs soins (voir mes articles précédents sur le sujet).